IL EST TEMPS DE CHANGER DE MOBILITÉ : UNE RÉVOLUTION DES MENTALITÉS, DE MONS A CHARLEROI POUR UN INSTINCT DE SURVIE

Temps de lecture : 8 minutes
mots-clés : écologie, mobilité, mobility, cars, voitures, transports en commun, coûts, H2, électricité, développement durable, frugalité, changement, état d’esprit

Chers lecteurs,

Je suis un grand utilisateur des réseaux sociaux, influenceur, mais surtout observateur. Je constate qu’un sujet récurrent traverse ces réseaux lorsque nous parlons de la Belgique, et plus encore lorsqu’il est question du Hainaut : la mobilité individuelle. Ce sujet me tient particulièrement à cœur, car il est un des enjeux majeurs de la transition de notre décennie vers un territoire à la fois dynamique et bas carbone.

Pourquoi la mobilité ?

Se déplacer est une question qui a toujours existé depuis que l’humanité existe. Du chasseur-cueilleur nomade à l’agriculteur qui se sédentarise entre le Tigre et l’Euphrate et qui devient commerçant (émergence de l’écriture) pour transporter et échanger les denrées produites en surplus grâce à la l’ingéniosité de l’Homme sur la nature.

Plus proches de nous, nous avons l’industrialisation qui fait appel à de nouvelles formes de mains-d’œuvre en masse. Si les villes Européennes se sont essentiellement adaptées face aux nouveaux besoins de population ouvrière par des migrations massives des campagnes vers les villes comme ce fut le cas en Angleterre ou en Allemagne, la Belgique a opté d’une autre manière par le développement massif des transports en commun. J’en parle de manière détaillée dans l’article Le chemin de fer belge en 1937 : analyse temporelle de la distribution des aires de Mons et de Charleroi, du train au tram ( 13 septembre 2022) et dans Le litre à 2.00 euros, What Else ?  Ce n’est pas qu’une question de portefeuille et voilà pourquoi c’est un problème (8 mars 2022) avec les problèmes que cela pose aujourd’hui pour anticiper la vie de demain des territoires qui ne survivent que grâce à la voiture.

La deuxième raison liée à la mobilité, c’est que la population n’a pas un portefeuille sans fond et que si la voiture était le Graal national jusqu’au début des années 2010, aujourd’hui il faut reconnaitre que de nombreux utilisateurs rêvent de se libérer de la voiture pour augmenter leur pouvoir d’achat réel, après les taxes, achats et pleins d’essence. Un rêve eu égard à la piètre qualité des transports publics en Wallonie et, plus généralement en Belgique. Certes des actions intéressantes sont lancées par les gouvernements : bus express, lignes de BHNS, extension des lignes de métro (Charleroi) ou de tram (Liège), mais on est loin de proposition de développement de nouvelles lignes autant à l’échelle des territoires (rappelez-vous, je vous parlais d’une boucle Mons-Charleroi-Maubeuge ou encore d’une double ligne Mons-BSCA/Fleurus-Ottignies avec Charleroi-BSCA/Fleurus-Ottignies-Wavre-Louvain. Bref, la création d’un nouveau maillage plus serré permettant de répondre aux besoins de mobilité toujours croissants alors que le nombre de voitures va diminuer dans la décennie à venir pour des raisons évidentes de coûts (pour plus de détails sur cette idée : La transformation des modes de déplacements s’accélère… par défaut, 29 novembre 2021).

En d’autres termes, nous sommes dans une situation ubuesque de type « Don’t look up » : les gens se rendent bien comptent que nous allons tendre vers un homo-automobilis de plus en plus riche et de moins en moins nombreux alors que l’homo-mobilis est de plus en plus sollicité. Des personnes qui, pourtant à la recherche d’une alternative, sont dans l’incapacité de le faire et donc se rabattent sur le seul moyen de transport disponible : la voiture….mais au détriment de leur capacités financières à répondre à d’autres enjeux climatiques (isolation, PV, etc.)

Dans le même temps, les responsables politiques qui ont développé cette politique de la « liberté par la mobilité individuelle » sont aujourd’hui la corde au cou, car ils n’ont que des miettes à offrir pour changer complètement de logiciel : quelques bus en plus par jour entre deux villages lorsque tout va bien et si vous travaillez en ville, vous aurez de la chance d’avoir un train… on en est arrivé-là.

Un paradoxe

Ces constats ne sont pas nouveaux et je ne pense pas inventer la poudre en le précisant. Cependant, ce qui me laisse particulièrement perplexe c’est que d’une certaine manière, le peut d’argent qui reste pour investir dans les transports en commun et ainsi planifier le changement, s’investit continuellement pour les routes. Certes, elles ne sont pas en bon état, mais si on désire demain encore vivre à l’endroit où on vient de refaire votre trottoir, il faudra des bus, ou bien vous aurez gagné au Lotto ou vous ferez partie des 15% des revenus les plus élevés de Belgique pour pouvoir profiter d’une belle voiture électrique.

Les réseaux sociaux sont remplis de personnes qui n’acceptent pas que la mobilité rêvée ne soit plus la mobilité en voiture. Non pas que les gens soient « bêtes », bien au contraire. Nous sommes face à un phénomène de sidération lié à un effondrement des valeurs de richesse de la classe moyenne qui voit son rêve disparaître, porté par la possibilité d’avoir une voiture. On notera toutefois que la démographie joue un rôle. En effet, ce sont essentiellement les personnes de plus de 50 ans qui ne peuvent accepter ce changement de paradigme, la génération qui a vécu avant le rapport Meadow (1973).

Se déplacer pour mieux comprendre ce qui se passe

L’état de l’art posé, La raison de cet article est liée à mes deux récents derniers déplacements en colloque : Valencia et Montpellier et m’amène à une réflexion : il faut aller voir ailleurs pour mieux comprendre qu’en Belgique la mobilité est sclérosée et que cela risque de nous coûter très très très cher.

Valencia

Je vous ai présenté Valencia dans un autre post Une mégalopole Charleroi-Mons-La Louvière : les villes moyennes industrielles hennuyères peuvent-elles être créatives ? (23 novembre 2022). Toutefois, ce qui frappe dans cette ville, c’est l’offre de transports en commun reliant le centre-ville à la périphérie, comme ce pourrait aujourd’hui être le cas en renforçant au ¼ d’heure les liaisons de Mons vers Quiévrain, Quévy ou Ath, la région du Centre entre Braine-le-Comte et Binche. Ou encore à Charleroi, entre Nivelles, et Couvin, Sambreville et La Louvière. Si cela vous semble des lignes atypiques, dites-vous que Valencia l’a fait avec un système de transport entre train et tram :

« Le réseau comprend dix lignes : six de métro et quatre de tramway. Il s’étend sur 161 km, dont 69 km en voie double ainsi que 27 km en souterrain1. Il comprend 146 stations, incluant 38 souterraines. Toutes les lignes sont à écartement métrique. » (wiki, 21/11/2022)

Et pour se rendre compte que cette ville qui a le nombre d’habitants de l’agglomération de La Louvière additionnée à celle de Charleroi, a un réseau créatif : La ligne la plus longue fait 72 km… plus longs que la ligne La Louvière Bruxelles !  et la plus petite ligne de tram fait 5 km, soit à peine moins que du centre-ville de Charleroi à Jumet-Madeleine en tram…Sans oublier que le plan à venir prévoit la création/prolongation de 6 lignes ! De plus, non contents de ce développement, l’ensemble de la ville de Valencia est traversée par des véloroutes en réduisant d’une bande de circulation les grands boulevards ou rues secondaires qui ont vu leurs places de parkings également se réduire drastiquement (en rouge et orange sur la carte ci-dessous).

En d’autres termes, Si Valencia à des difficultés pour devenir une ville créative (voir mon précédent article) , elle a toutefois compris que demain, la mobilité sera en transports en commun avant tout, et pas seulement en centre-ville, mais bien à l’échelle de l’ensemble de son agglomération.

Et Montpellier…

La ville de Montpellier c’est près de 300.000 habitants avec plus de 55.000 étudiants pour une agglomération de 460.000 habitants. L’histoire du tramway est simple : « Le réseau est planifié et mis en service par étapes à partir des années 1990. La première ligne ouvre durant l’été 2000. Elle est ensuite complétée par la ligne 2 ouverte en décembre 2006, puis simultanément par les lignes 3 et 4 mises en service en avril 2012. En 2017, le réseau comporte quatre lignes, pour une longueur de 60,5 km (…) Le développement du réseau se poursuit : le prolongement de la ligne 1 vers la nouvelle gare TGV de Montpellier, des prolongements de la ligne 3 vers l’aéroport et la mer et enfin la réalisation d’une cinquième ligne de tramway reliant le nord-ouest au sud-ouest de la métropole sont à l’étude.» (Wiki, 2022).

C’est donc une planification à long terme et, au-delà, une volonté aussi de rendre le centre-ville historique apaisé. De fait, la création de la récente 4e ligne (circulaire) s’est accompagnée d’une piétonisation massive du centre-ville avec autant de bonheur que la petite ville de Pontevedra (Estremadura, Espagne) qui, comme Montpellier, voit sa population constamment augmenter.

Constats

Les villes de demain seront les villes mobiles et apaisées. Un apaisement bien nécessaire pour se focaliser sur les risques climatiques et l’écoanxiété de tout individu qui cherche seulement à sauver sa peau et celle de sa famille face au réchauffement climatique. Mais il restera mobile, car la mobilité c’est ce qui fait le lien entre les personnes et permet aussi la résilience par les échanges économiques ou autres.

Malheureusement, il semble que la population belge ne soit pas encore arrivée à un stade de questionnement sur leur avenir climatique et de mobilité suffisant pour changer de logiciel. Encore une fois, rien ne me permet de juger, cependant, je lis beaucoup les réactions et interactions sur les réseaux sociaux… essentiellement des boomers (+ de 50 ans) sur Facebook ou Twitter qui ne veulent pas changer de logiciel. C’est assez perturbant, car cela bloque toute initiative concrète lorsque des initiatives comme les trams à Liège et Charleroi ou les BHNS à Mons et Charleroi (aussi) sont proposés, toutes les critiques fusent sans vraiment comprendre ce qui est en jeu ici, soit bien plus que simplement une ligne de transports en commun ou un changement d’habitudes.

Discussion

Je ne veux pas ostraciser l’un ou l’autre dans mes propos, quoi que… je pense que les politiques ont une énorme responsabilité dans ce jeu des acteurs pour le changement de paradigme urbain. Ils doivent assumer les erreurs du passé en ayant trop favorisé la voiture-salaire, etc., mais aussi travailler dignement pour les générations futures. A défaut, la Belgique va se vider de ses gens créatifs.

Merci de cette lecture et n’hésitez à compléter, donner votre avis, etc.

Pascal SIMOENS Architecte et urbaniste, data Scientist. Expert Smart Cities. J’ai commencé ma vie en construisant des villes en Lego, j’en ai fait mon métier. Geek invétéré, aujourd’hui je joins mes passions du numérique et de la ville au travers d’une expertise smart Cities et smart buildings en travaillant en bureau d’étude (Poly-Tech Engineering) et j’enseigne cette même expertise à l’UMONS et l’ULB.

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