HYDROGÈNE OU ÉLECTRIQUE, MA VOITURE BALANCE

Temps de lecture : 5 minutes
mots-clés : Hydrogène, véhicules électriques, VE, chimère, vecteur énergétique, efficience, transfert modal

Chers lecteurs,

Je constate un phénomène intéressant depuis de nombreux mois, voire années, du discours partisan à vouloir défendre la solution « hydrogène » permettant de faire rouler les voitures face à la solution « électrique ». Bien que finalement, les deux types de modèles sont mus avec des moteurs électriques, il semblerait que l’hydrogène ait les faveurs du public alors que la voiture électrique est reléguée à un phantasme écologique.

Il se fait également que je travaille depuis 6 mois sur la question de l’hydrogène dans le cadre de travail d’expert au sein du groupe PIRNAY (POLY-TECH Engineering) où je dirige une étude relative à la transition énergétique des voies navigables en Wallonie. Un sujet passionnant et offrant l’opportunité de travailler sur un large territoire permettant de mieux comprendre les enjeux sous-jacents qui ne peuvent que dépasser la simple image d’Épinal pour l’un ou l’autre technologie.

Contexte

Les niveaux TRL sont les niveaux de définition de recherche : de la recherche fondamentale au produit fini chez vous.

Aujourd’hui il ne fait plus beaucoup de doute que la stratégie européenne de transition énergétique pour les transports se base sur un développement en étapes des différents systèmes énergétiques :

  • Nous sommes actuellement en phase de transition avec la mise en place d’un système full électrique
  • De 2020 à 2035, on verra l’arrivée massive de véhicules électriques (VE), pour preuve, la FEBIAC projette 1.500.000 VE en 2030 pour la Belgique sur plus de 5.000.000 de véhicules immatriculés aujourd’hui.
  • Si le problème des véhicules légers est réglé assez facilement par les batteries électriques, il en est tout autre chose pour les véhicules lourds : camions, bateaux, bus… de fait, la puissance demandée pour lancer une masse importante est proportionnelle à la masse de stockage de la batterie. En quelque sorte, plus le véhicule est lourd, plus il a besoin d’une grande batterie et donc il est d’autant plus lourd. Un véritable cercle vicieux. Dans ce contexte, il faut donc trouver un autre moyen d’alimenter les moteurs électriques.
  • Dans l’attente de solutions, la transition des transports lourds se définissent par la mise en œuvre de stratégies de remplacement di diésel par du GNL (Gaz naturel liquéfié) qui permet de réduire les différents polluants (GES) de 80 à 90%. Malheureusement, ce carburant ne réduit pas intrinsèquement la consommation des véhicules. C’est donc un choix transitoire.
  • Actuellement, l’Europe investit massivement dans la recherche pour l’optimisation de la production de l’H2, son stockage et son utilisation. Les technologies ne sont encore qu’à des niveaux TRL expérimentaux et on peut penser que dans 10 ou 15 ans, la technologie sera à maturité.

Complémentairement à cette déclinaison temporelle du futur énergétique de la voiture, il semble judicieux de rappeler que la grande différence entre l’électricité et l’hydrogène est que le premier est une énergie et le second est un vecteur énergétique. C’est important pour la suite de notre discussion.

Le rêve hydrogène

La MIRAI (TOYOTA), un mirage pour beaucoup car inaccessible financièrement eu égard au niveaux technologiques embarqués pour un véhicule H2 et leurs coûts.

Si la voiture électrique est aujourd’hui bien connue de tous, la voiture hydrogène reste un phantasme sauvé par quelques modèles chez Toyota ou BMW. La technologie est encore loin d’être efficiente d’un point de vue énergétique. C’est ce que nous démontre Tom Baxter dans un article de The Conversation à ce sujet :

  • Un véhicule hydrogène produit 38W d’électricité pour 100W produit par une éolienne (par exemple). Autrement dit, il faut produire 100W pour en récupérer réellement dans le moteur électrique qui déplacera votre voiture.
  • Un véhicule électrique récupère 80W des 100W produits…

Ces chiffres sont confirmés par l’étude Horvath & Partners citée par Wolkswagen dans cet article : Battery or Fuel cell, that the question. La raison en est simple, ce n’est pas une énergie, mais bien un vecteur énergétique (un transporteur d’énergie) contrairement à l’électricité ou le pétrole. Il faut donc transformer l’électricité en H2 puis le retransformer en électricité. Rappelez-vous vos cours de chimie : toute transformation génère de la chaleur et donc une perte d’énergie jusqu’à un nouvel équilibre (entropie).

Extrait du site BMW expliquant le fonctionnement du moteur à H2

Mais l’hydrogène n’a pas que des défauts. En effet et en théorie, il n’a pas besoin de batteries pour fonctionner, ce qui permet un meilleur bilan carbone (130 à 230g de CO2/km) au lieu de 160 à 250 g.CO2/km, comparé de 180 à 270g pour la voiture thermique par combustion (essence ou diésel). On notera toutefois que de nombreuses voitures à l’hydrogène risquent d’être complétées par de petites batteries d’appoint, principe qu’on ne développera pas aujourd’hui. (source Deloitte, étude Fueling the Future of Mobility).

la démonstration de l'(in)efficacité énergétique d el’H2 dans le cadre du véhicule électrique, eu égard aux nombreuses transformations énergétiques nécessaire pour transmettre finalement cette énergie aux roues.

Enfin, il ne fait pas oublier la dangerosité de l’Hydrogène. En effet et si certaines personnes s’émeuvent de la dangerosité des batteries lorsqu’elles se mettent à bruler, il ne faudrait pas oublier que l’hydrogène est hautement explosif… de mini SEVESO ambulant. Par ailleurs, les scientifiques n’ont pas encore trouvé de solution optimale pour stocker l’H2 dans un réservoir de voiture. Et si ce réservoir coute aussi cher, c’est parce que les molécules sont tellement petites qu’il est quasiment impossible de rendre le stockage étanche (sauf bien sûr en laboratoire). En d’autres termes, si vous partez en vacances avec un réservoir d’H2 plein, vous risquez de revenir de vacances et être en panne sèche, même si votre voiture est restée au garage. C’est d’ailleurs pour toutes ces raisons que l’UE et les pays nationaux développent la recherche afin d’une part d’améliorer l’efficacité énergétique et le stockage de ce vecteur d’énergie.

Produire de l’hydrogène

Le vecteur énergétique est un produit hautement énergivore pour sa production. Les scientifiques spécialisés dans le domaine m’excuseront pour la vulgarisation qui suit :

  • Il faut 7-9 l de pétrole pour fabriquer 1kg d’H2
  • 1kg d’H2 correspond à +/- 4 l d’essence.
  • Pour comparaison, 1 litre d’essence (9kWh) pour 4 litres d’H2 liquide (700b à -253C°).

On comprend aisément pourquoi l’H2 n’est pas l’ « énergie miracle du futur ». Car il faut beaucoup de litres pour déplacer une voiture et donc beaucoup d’éoliennes pour produire ce contenant d’énergie. Vu les tensions sur les besoins actuels et futurs en énergies renouvelables, on est en droit de se demander si la voiture à l’hydrogène est vraiment une bonne idée.

L’hydrogène pour les camions, les batteries pour les voitures

Vous l’aurez compris, à ce jour l’hydrogène reste un mirage empli de phantasmes collectifs permettant de repousser l’inéluctable : la réduction de la place de la voiture dans nos déplacements.

L’hydrogène est efficace (malgré un rendement faible) pour permettre des moteurs puissants de déplacer des charges lourdes. C’est aussi un produit inerte à l’opposé de l’électricité et qui peut donc, sous certaines conditions, être stocké et donc recharger aussi rapidement. Donc les très grands rouleurs (+ de 35 à 40.000km/an) devront certainement utiliser un véhicule hydrogène. Tous les autres conducteurs seront contraints par l’électrique et ses batteries à recharger.

Une transformation des usages et des comportements

La prise de conscience de l’inefficacité de l’H2 pour la voiture particulière nous renvoie à d’autres questions pour lesquelles j’avais ébauché des pistes de réflexion dans le cadre de mon article sur l’éloge de la lenteur pour les riches (l’avenir des véhicules électriques autonomes ou éloge de la lenteur, 30/09/2021), mais également un changement fondamental de paradigme sur la capacité des populations à continuer à acheter un véhicule privé, électrique et cher ( faut-il être riche pour rouler en véhicule électrique ?, 14/09/2021 ).

Tout cela se passera en moins de 15 ans…

Merci pour votre lecture et à bientôt.

Pascal SIMOENS Architecte et urbaniste, Data Scientist. Expert Smart Cities. J’ai commencé ma vie en construisant des villes en Lego, j’en ai fait mon métier. Geek invétéré, aujourd’hui je joins mes passions du numérique et de la ville au travers d’une expertise smart Cities et smart buildings en travaillant en bureau d’étude (Poly-Tech Engineering) et j’enseigne cette même expertise à l’UMONS et l’ULB.

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