L’AVENIR DES VÉHICULES AUTONOMES OU ODE A UNE CERTAINE LENTEUR

Temps de lecture : 5 minutes
mots-clés : mobilité, vitesse, véhicule autonome, BHNS, Rapido, TEC, Hydrogène, électricité, VE, mobility, autonomous vehicule, H2

Chers lecteurs,

Ça fait un bout de temps que certaines réflexions nous trottent dans la tête et nous avions envie de vous les faire partager pour ce dernier jour du mois de la mobilité. Il est question des comportements de demain en fonction des technologies existantes et à venir, en particulier, la question des véhicules autonomes et des nouveaux carburants.

En effet, si vous connaissez quelques personnes roulant en Tesla, ou tout autre véhicule autonome de niveau III, vous les entendrez raconter qu’ils ne roulent plus de la même manière. C’est encore plus marquant lorsqu’il est question conjointement avec des voitures électriques nécessitant une gestion parcimonieuse de leur autonomie. Force est de constater que la gestion de la mobilité avec des voitures intelligentes et leurs nouvelles formes de carburants, modifie nos comportements routiers : le véhicule prémium à essence était puissant et rapide sur de longues distances, le véhicule prémium électrique est encore plus puissant, mais est juste fait pour accélérer un bref instant. Nous ajouterons même que pour qui a déjà roulé dans un véhicule autonome, la lenteur est source de vertu (on fait confiance à l’IA embarquée, mais on n’est pas fou non plus…).

Hypothèse de nouvelles mobilités individuelles

Dans le même temps, les moyens de propulsions vont changer profondément notre approche de la mobilité. Notre participation actuelle à l’étude « carburants alternatifs voies navigables en Wallonie » (Poly-Tech EngineerngIntracoAupa) et nous permet aujourd’hui de proposer une hypothèse de mobilité, qui, nous pensons, pourrait titiller votre curiosité :

  • La mobilité de 2035 devrait se répartir comme suit : 1/3 pour la mobilité individuelle électrique, 1/3 pour la mobilité collective et transports lourds avec de l’hydrogène. Le tiers restant sera reporté sur de nouvelles mobilités : vélo, trottinette, etc.
  • Le premier tiers sera une mobilité couteuse, car les véhicules électriques resteront toujours plus chers que les véhicules thermiques. La pénurie de « carburant » électrique ne fera qu’accroitre cette situation sans compter le coût du recyclage des batteries.
  • Le second tiers concerne pour le sujet, la question des transports en commun : bus, BHNS, tram, métro, RER, train, avion moyen-courrier …
  • le troisième tiers n’aura plus de véhicule particulier.

Le transfert modal massif des transports individuels vers des transports collectifs et la réduction drastique du nombre de véhicules individuels nous amènerait à un niveau de mobilité en véhicules privés correspondant aux années 1980. On ne peut donc pas dire que personne ne pouvait se déplacer à cette époque-là. Toutefois, les besoins en mobilités on également évolués depuis : centres commerciaux en périphérie, explosion de l’habitat hors des centres-ville, zonings de bureaux… bref, la ville s’est diluée et nous ne pensons pas qu’en moins de 15 ans, les systèmes urbains vont se transformer radicalement.

Inverser le paradigme de mobilité : la lenteur comme valeur, la vitesse comme efficacité

D’autre part, les pouvoirs publics ne pourront pas non plus investir massivement dans de nouvelles lignes afin de desservir toutes les petites entités dont la densité ne permettra jamais de rentabiliser des lignes à fréquence élevées. Toutefois, est-ce cela l’enjeu ? Le constat actuel est le manque de fréquence, mais, plus encore, l’inefficacité des transports publics en termes de vitesse commerciale et, en d’autres termes : cela ne roule pas assez vite !

Source : Planificateur Skipr

L’illustration ci-dessus le démontre à l’envi : pour faire 17 km entre mon logement et la gare de Mons, alors que je mets ½ heure en voiture, je mets autant de temps à vélo qu’en bus ou en train (avec correspondance).  Si nous nous attardons sur les bus, le doublement du temps avec la voiture alors que la ligne utilise presque qu’exactement la même route montre les limites du système actuel pour un transfert modal efficace. Et cet exemple n’est pas singulier, trop récurrent.


Notre réflexion porte sur un changement de postulat :

  • Si je suis en voiture, je me rends à destination sans empressement.
  • Si je prends les transports en commun, je dois avoir la garantie d’atteindre ma destination rapidement.

De la sorte, la mobilité « utile » est rapide et la mobilité « confort » est plus lente. Cela implique, par exemple, de dédoubler certaines lignes de bus entre les grands centres urbains, particulièrement sur l’ancienne dorsale industrielle. Un dédoublement qui nécessite également des ménagements de sites propres sur les nationales et des aménagements d’arrêts de type Curitiba afin de fluidifier les arrêts et réduire au maximum les temps de montée/descente. En quelques sorte, c’est repenser un maillage des tramways du 20e siècle mais avec des bus.

Bus Stops, 3 janvier 2006 ; Curitiba, Paraná, Brasil,
Morio
, GFDL-self

Parallèlement, la priorisation absolue des transports en commun par rapport aux voitures s’accompagnera par une automatisation généralisée des voitures électriques, objets connectés avec les bus pour, le cas échéant leur laisser automatiquement la priorité. Toutefois, la plus grande vertu des voitures autonomes et connectées ne serait pas celle-là. Bien mieux, elles offriraient aux (anciens) conducteurs la possibilité de travailler, téléphoner, discuter et chatter sur la route. L’efficacité de temps, d’une réunion à une autre, ne serait plus la vitesse, mais bien les choses qu’on aura pu faire entre deux rendez-vous par la route. C’est d’autant plus vrai que les logiques de télétravail ont démontré leurs limites et que certaines réunions se feront demain en présentiel et d’autres en distanciel, en fonction des enjeux. L’apprentissage est en cours et l’augmentation de la mobilité en région parisienne ou encore bruxelloise, démontre que le besoin de mobilité reste bien présent pour le travail.

Conclusion

Notre approche ne peut qu’être ébauchée ici. Notre intention est de partager une réflexion liant les technologies numériques pour le travail, les changements de paradigmes énergétiques pour la mobilité et de croiser ces éléments face aux besoins de mobilités de demain. La voiture (électrique) nous semble devoir redevenir un luxe plus qu’une nécessité de se déplacer comme aujourd’hui. Certes, l’urbanisation wallonne et belge en général, ne va pas faciliter ces changements. Toutefois, le développement de la valeur « rapidité » pour les transports en commun pourrait valoriser ceux-ci et équilibrer les valeurs de la transition en cours : aller vite est une valeur positive pour nombre d’entre nous alors que les transports en commun n’ont pas encore cet atout. La matérialisation sur nos routes de lignes optimisées serait un signal fort combinant identité positive, efficacité et valeurs d’innovation. Ce serait également une transition naturelle vers des bus autonomes permettant d’offrir des transports publics 24/24h. mais cela est une autre histoire. dans le même temps, la voiture lente mais efficace pour travailler comme bureau ambulant et autonome deviendrait un choix de confort et non plus d’efficacité. Certes, c’est un choix de riche, mais il faut aujourd’hui se poser les bonnes questions : demain, nous ne pourrons plus tous conduire une voiture qui pollue, même électrique sauf à en payer le prix.

Merci de votre lecture.

Pascal SIMOENS Architecte et urbaniste, Data Scientist. Expert Smart Cities. J’ai commencé ma vie en construisant des villes en Lego, j’en ai fait mon métier. Geek invétéré, aujourd’hui je joins mes passions du numérique et de la ville au travers d’une expertise smart Cities et smart buildings en travaillant en bureau d’étude (Poly-Tech Engineering) et j’enseigne cette même expertise à l’UMONS et l’ULB.

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