
Temps de lecture : 4 minutes
Mots clés : Richard Florida, villes créatives, plan,
Richard Florida est le chantre de la théorie de la vile créative et dont les principes énoncés au début des années 2000 sont maintenant utilisés dans de nombreuses villes dans le monde comme plan de développement urbain afin de rendre les villes plus attractives. Je vous en ai régulièrement parlé dans ces posts. L’auteur de The Rise of the Creative Class (2002) nous propose un plan en 10 points, aidé de son collègue universitaire Steven Pedigo du centre d’expertise/think Tank Brookings installé à Washington.
- Aéroports à l’épreuve des pandémies : on notera au passage que ce qui est proposé par Florida, exception faite de la mise à disposition massive des masques pour les passagers dans les aéroports ainsi que la diminution de passagers par avions, correspond à la mise en place des systèmes de contrôle des aéroports en Belgique depuis les attentats du 22 mars 2016.
- Modifier les infrastructures vitales : dans la lignée des aéroports, ils proposent l’adaptation des grandes infrastructures comme les stades, salles de concert, etc. pour répondre aux enjeux d’une vie sociale adaptée face à une longue période d’attente avant l’arrivée du vaccin.
- Transformer les infrastructures plus spécifiquement, Florida s’applique à redonner une vie sociale, et propose un retour à la normale pour les activités de loisirs. Toutefois, il reconnait que ce retour à la normale ne peut se faire qu’en modifiant les infrastructures existantes. Il lance l’idée d’un maillage piéton dans les villes et définitif. En, d’autres termes, il propose les superblocks expérimentés à Barcelone (avez-vous déjà entendu parler des superblocks de Barcelone ?) et que nous avions proposés à la ville de Montpelier en 2013. Une démarche prônée également par de nombreux autres acteurs urbains aux USA et pour diverses raisons comme le relate dans l’article Comment le Covid-permet le transfert modal vers des déplacements plus écologiques ? que j’ai publié la semaine précédente. Il aura fallu une épidémie pour que l’idée se propage…
- Anticiper les autres vagues avec la mise à réseau des infrastructures de seconde ligne (anchor institutions): il a été constaté que les hôpitaux (infrastructures de première ligne) ont fortement souffert dans les conditions de la première vague. Ces infrastructures ne peuvent tenir à long terme avec cette pression. Pour réduire la pression, ils proposent des plans de secours avec des infrastructures de seconde ligne pouvant répondre au tri de patients, contact avec les médecins, etc. Il est question des salles de sports, stades, etc.
- Le développement du télétravail : massivement utilisé dans la première vague, le télétravail devra rester une solution continue, tant dans l’attente de l’éradication de la pandémie que dans les habitudes face aux suivantes liées aux dérèglements climatiques (entre autres).
- Assurer la survie de la « main street » : sur ce point il développe les principes que le commerce local est primordial pour l’identité et la survie des villes face à la crise économique qui attend le déconfinement.
- Protéger les arts et l’économie créative : au-delà de son fond de commerce, il précise l’importance de la culture dans les villes et précise la nécessité de maintenir ouvertes les salles de théâtres, etc. dans un contexte adapté comme précisé dans le point 1 (tests de température, diminution des jauges des salles pour permettre la distanciation…).
- Renforcer les clusters industriels et focaliser sur les axes de développement le plus fort : les questions de clusterisation sont également développées sur base de l’économie locale qui est un cluster en soi. Pour les autres éléments, conscient que cette pandémie va coûter un os, ils proposent de se recentrer sur l’essentiel des industries les plus performantes déjà installées dans les villes.
- Améliorer (upgrade) les conditions sociales et financières des jobs de première ligne : il parle bien évidemment des bulshitjobs qui ont pris, avec cette crise, une tout autre dimension.
- Renforcer les aides aux communautés faibles et précarisées : au USA il est bien évidemment beaucoup question de la population noire qui paie déjà un lourd tribut humain face au virus.

Sans nul doute, leur approche est très « américaine », mais elle laisse toutefois entrevoir une logique intéressante qui pourrait tout autant être déclinée chez nous : d’une part on a besoin de valoriser l’économie, d’autre part, ils considèrent que les investissements massifs et le soutien aux entreprises doit d’a Voir se porter sur les commerces indépendants et petites PME qui font vivre l’économie locale. Ils valorisent les questions culturelles et l’identité locale (ils parlent ici bien sûr des métropoles). Enfin, ils demandent également un investissement massif dans les quartiers défavorisés, ce qui pour les USA est important à signaler, mais ne doit pas nous faire oublier que les restrictions budgétaires à venir ne peuvent se faire au détriment des plus faibles, ceux-là mêmes qui ont majoritairement des « jobs de merde ».
Finalement, ce qu’ils proposent, c’est un plan de cohésion, basé sur les acteurs locaux, partant du principe que les multinationales ne sont pas prioritaires dans le contexte du Covid-19. C’est particulièrement interpellant pour un spécialiste du développement des métropoles et villes afin qu’elles puissent attirer les multinationales qui drainent la classe créative…
Comme il est souvent dit : rien ne change, mais tout évolue.
Merci de votre lecture.
Pascal SIMOENS Architecte et urbaniste, Data Curator. Spécialiste Smart Cities et données urbaines, Université de Mons, Faculté d’architecture et d’urbanisme
6 commentaires