Re-Blog : Les Zones à faibles émissions sont-elles inéquitables ?

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mots-clés : ZFE, LEZ, Bruxelles, voiture, santé, pollution, équité

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En bref : L’une des premières décisions de la nouvelle majorité bruxelloise fut de prolonger l’accès à Bruxelles aux véhicules polluants. L’argumentation fut que cette interdiction était inéquitable et contreproductive d’un point de vue économique. C’est pourtant beaucoup plus nuancé.

Chers lecteurs,

Nous ne serons pas long aujourd’hui en traitant d’un article intéressant sur les ZFE en France (Zone de Faible Émission, « Low Emission Zone » en anglais). Comme souvent, la Belgique est souvent à la traine dans ce type d’analyse, par manque réel d’État, tout simplement. Il faut donc se référer à des études étrangères et extrapoler ensuite sur le modèle belge…

Bruxelles préfère la vindicte populaire à la santé de ses citoyens

Si vous considérez que ce titre est péremptoire, c’est un peu vrai. Derrière ce coup de poing sémantique se trouve une réalité. « Suite au vote du Parlement bruxellois du 4 octobre 2024, le jalon du 1er janvier 2025 de la Zone de basses émissions (LEZ) est reporté au 1er janvier 2027 pour tous les véhicules concernés par ce jalon. » est un extrait du site de la région bruxelloise traitant que la question des LEZ. Derrière cette décision, il y a des risques pour la santé. Outre le travail de qualité de l’article qui a inspiré le nôtre : Les Zones à faibles émissions sont-elles inéquitables ?, (30 novembre 2024), diverses études démontrent les effets bénéfiques des LEZ/ZFE dans les villes :

extrait de l’article

Les chiffres démontrent que les 250 villes qui se sont déjà lancées dans la réduction de la pollution automobile a réduit de 32% les Nox. Plus généralement, et bien que l’Europe ait enregistré des progrès indéniables en matière d’amélioration de la qualité de l’air, les progrès ont été lents et les données officielles montrent que jusqu’à 95 % de la population de l’UE est toujours exposée à des niveaux de pollution de l’air que l’OMS considère comme dangereux. Des procédures d’infraction sont en cours contre 15 États membres qui ne respectent toujours pas la directive sur la qualité de l’air ambiant (DQAA). On notera également que la région bruxelloise est également dans ce cas avec le choix qu’elle vient de faire. Bruxelles n’atteindrait qu’une baisse de -43 % de ses émissions, ce qui serait insuffisant pour respecter les directives européennes. Ce manquement pourrait entraîner une lourde sanction financière : une amende de 19 millions d’euros imposée par l’Union européenne pour non-respect de ses engagements climatiques. Et qui payerait ? La région et, donc, tous les Bruxellois, cela va de soi. ( Le report de la LEZ à Bruxelles va coûter des millions d’euros aux contribuables, 24 septembre 2024, Gocar). En même temps, le transport routier reste l’une des principales sources de pollution atmosphérique dangereuse, notamment dans les villes. L’Agence allemande de l’environnement, par exemple, estime que le transport routier est à lui seul responsable de 60 % de la concentration de NO2 dans les villes. À Paris, le transport représente 65 % des émissions de NOx et 36 % des PM10.

La littérature scientifique (2 études allemandes) a montré que les ZFE ont contribué à réduire l’incidence des maladies respiratoires et cardiovasculaires ( JEEM, Elsevier Vol 109, septembre 2021), et à faire baisser la mortalité prématurée liée à la pollution (Transportation Research Policy and Practice, Elsevier, Volume 77, July 2015, Pages 372-385). D’autres études corroborent ce constat, nous vous renvoyons à d’autres articles que nous avons publiés sur notre blog pour aller plus loin :

Mais ce qui est le plus significatif c’est qu’à Bruxelles (spécifiquement), les ZFE bénéficient particulièrement aux… moins riches, comme le montre l’article d’applied Geography (The ‘just’ management of urban air pollution? A geospatial analysis of low emission zones in Brussels and London, Volume 140, March 2022, 102642) qui le démontre :

« La base de données de plus en plus importante et l’opinion publique sur les effets sur la santé de l’exposition à des niveaux élevés de pollution atmosphérique, associées à une législation environnementale plus stricte, obligent les autorités locales à prendre des mesures draconiennes. L’un des instruments de politique générale, la zone à faibles émissions (ZFE), vise en particulier une réduction des émissions des véhicules, une source clé en milieu urbain. Il s’agit d’un instrument contesté, avec des partisans qui pensent qu’il s’agit d’un instrument équitable du « pollueur-payeur » qui profite particulièrement aux communautés plus démunies, tandis que les opposants craignent un impact social inégal sur l’accessibilité et les finances des personnes. Cette étude vise à ajouter une perspective fondée sur les données à la discussion en analysant simultanément l’exposition inégale à la pollution atmosphérique et l’impact inégal sur l’accessibilité, dans une étude comparative des ZFE à Londres et à Bruxelles. L’analyse combine une analyse de régression multivariée classique avec une modélisation de régression pondérée géographiquement (GWR) pour définir la variation spatiale locale dans les relations, ce qui est particulièrement préoccupant lors de l’examen d’un problème et d’une solution explicitement spatiaux. L’étude montre que le GWR est une méthode prometteuse pour la recherche distributive sur la justice environnementale en identifiant des parties de la ville où les effets sont plus inégaux, en tant que tels que la facilitation d’instruments politiques personnalisés et le soutien ciblé. »

Les cartes extraites de l’article sont explicites, mais démontrent surtout que la périphérie « donne le ton », une périphérie riche (les brabants et communes périphériques en RBC).

Globalement, ce que l’ensemble de ces articles nous démontrent c’est que la justice sociale et sanitaire voudrait que les LEZ soient implémentés plus rapidement en Belgique, qui est déjà en retard face aux exigences européennes. Mais c’est un tabou, car, dans le même temps, la Belgique a développé depuis plus de 80 ans une politique d’extraterritorialisation des travailleurs vers les périphéries. Aujourd’hui, cette politique doit être inversée. Elle le sera, sans nul doute, mais à quel prix ?

Bonne et belle journée à vous.

Pour complément : si les questions de déterritorialisation des travailleurs et leurs lieux de travail vous intéressent, nous avions récrit deux articles fouillés sur ce sujet :

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Pascal SIMOENS Ph.D, Architecte et urbaniste, data Scientist, expert Smart Cities. J’ai commencé ma vie en construisant des villes en Lego, j’en ai fait mon métier. Geek invétéré, aujourd’hui, je joins mes passions du numérique et de la ville au travers d’une expertise smart Cities et smart-buildings en travaillant en bureau d’étude (Poly-Tech Engineering) et j’enseigne cette même expertise à l’UMONS et l’ULB. Complémentairement, je suis membre du bureau et trésorier du Conseil francophone et germanophone de l’ordre des architectes, baron au sein du Conseil national de l’Ordre des architectes.

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