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Mots clés : Coronavirus, COVID-19, smart cities, data, cities, governance
C’était inévitable, il fallait bien à un moment parler des villes intelligentes (smart Cities pour les intimes) et de la pandémie. Nous nous baserons sur le très intéressant article de City Metric (groupe média britannique NewStates Man d’orientation à gauche de l’échiquier politique européen et fondé en 1913) et de l’article publié le 28 juillet 2020 par Lara Williams pour discuter de ce sujet.
L’article, comme la plupart de la littérature scientifique traitant de la ville intelligente commence avec u discours connu sur le fait que la ville est l’avenir des hommes, du simple fait que plus de 60% de la population mondiale vivra en ville d’ici 2050 (source: ONU). Dans ce contexte, la ville intelligente est là pour optimiser les systèmes dans une économie de marché où les pouvoirs publics ont de moins en moins d’argent à dépenser et où les promoteurs privés veulent se substituer à une des actions régaliennes des villes : aménager leur territoire. C’est ainsi que des villes comme Dijon ont vendu pour 10 ans, l’ensemble de leurs données en ville ou que la ville de Toronto était prête à vendre des surfaces importantes de son front de lac pour Sidewalk Lab, la filiale de Google pour les villes intelligentes. Le développement des villes numérisées prenait donc petit à petit son envol et en vitesse de croisière si la pandémie mondiale n’était pas venue s’inviter début 2020. Un impromptu qui a d’ores et déjà transformé l’équation numérique des villes.
D’une part, les villes ayant déjà implémenté une série de systèmes automatisés et de contrôle urbain ont démontré un certain niveau d’efficacité. Ce sont des villes comme Singapour ou encore Séoul. Souvent, ces systèmes ne sont pas seuls, mais font partie d’une démarche intégrée avec des applications de tracing comme stopcovid pour les deux villes sus mentionnées. Et précisons d’emblée que nous ne parlons pas ci du modèle chinois avec l’ensemble des entraves à la liberté individuelle. Non, il est bien question ici de systèmes intégrés, complémentaires et améliorant l’efficacité des politiques mises en place. L’exemple du monitoring de la ville de la ville de Cardiff afin de visualiser et maitriser les cas infectés en est un exemple. Cette démarche permettra, à plus long terme, une meilleure gestion des clusters, définis au plus près, quartier par quartier. Mieux, de nombreuses analyses ont permis de corréler les modèles d’urbanisation et la manière dont le virus a pu se répandre. C’est entre autres le cas de Bergame et son urbanisation particulièrement mitée, comme celle de la Flandre. Ainsi, nous pouvons nous imaginer créer des modèles urbains, composé des expériences actuelles et qui complèteraient les modèles de propagation du virus afin d’affiner la gestion du risque. Comme l’écrit Nate Berg dans son article du 23 juillet : le Covid-19 a ouvert les portes de la vague « smart », qu’on le veuille ou pas. L’exemple d’Anvers et du couvre-feu est explicite : comment une ville peut-elle le faire respecter sans les systèmes de caméras actuellement implantés, le blocage des systèmes d’accès aux bâtiments publics, etc. ? Mais c’est la Nouvelle-Zélande qui montre l’exemple le plus innovant (pour rappel c’est également le pays le plus « safe » au monde si vous avez la phobie du Covid-19) en précisant que la pandémie les a obligés à accélérer la mise en place de lois régulant l’usage des algorithmes, certaines, pour protéger les populations des biais de type raciste ou autres, mais également pour potentiellement renforcer tous les outils disponibles face à la pandémie ; la Nouvelle-Zélande innove encore une fois, anticipant l’évolution des besoins numériques des villes de plus en plus avides de données pour réduire le risque économique face à la pandémie.
D’autre part, les villes se retrouvent face à des enjeux financiers gigantesques eu égard à la baisse de revenus qui s’annonce dans les années à venir, à cause de la crise économique qui touchera encore plus durement les territoires urbains et denses. Le maire du directeur numérique de Londres, Theo Blackwell, reconnaît que les budgets du secteur public devront être réévalués après Covid-19. « Les projets nécessiteront des analyses de rentabilisation solide à l’avenir. D’un autre côté, les préoccupations croissantes concernant la santé publique et la manière dont les projets intelligents peuvent aider à recueillir des données deviennent tout aussi importantes ; il reste à voir comment cela est financé », dit-il. (Lara Williams). Il sera donc demandé aux villes de résoudre une équation bien complexe à plus d’un titre. D’un côté, les villes ont besoin des outils numériques pour devenir plus agiles, mais d’un autre côté, leurs moyens d’investissements seront réduits. C’est ce que font les villes de Londres et de Paris, mais également plusieurs villes américaines : adaptation des capteurs de pollution pour mesurer d’autres facteurs de santé, développement de systèmes applicatifs pour les locations de vélos à partir de plateformes mutualisées, etc.

Par ailleurs, de nouveaux partenariats se sont construits pendant le Lockdown mondial : Microsoft a offert ses services à certaines villes, Google a développé des systèmes open source pour compiler des données et mesurer la pandémie et ainsi révéler les foyers de la pandémie avant les gouvernements (!), sans oublier la première collaboration entre les deux géants Google et Apple afin de définir ensemble un protocole de compatibilité entre leurs smartphones iOS et Android pour permettre la traçabilité de la contagion sur base des applications de type StopCovid.
La situation est donc encore floue sur l’évolution à court et moyen terme du développement des villes dites « intelligentes », mais une chose est certaine c’est que la crise à mis en exergue le manque d’agilité de la plupart des villes où les décisions devaient être prises d’heure en heure et que dans les faits, nous avons souvent calculées en jours ; des jours et des vies. Les villes déjà investies dans une démarche « smart » se sont rendu compte de l’intérêt de maitriser des données pour aider aux décisions à prendre, sans nul doute elles continueront dans cette voie, même s’il sera semé d’embûches liées à leur financement. Mais aucun ne ralentira la marche vers une digitalisation urbaine pour la simple raison qu’elles ont aperçu pour la première fois tout le potentiel que recouvre la dataification de leur territoire. Il est toutefois impératif que les villes à la traine s’éveillent et investissent plus que les autres pour récupérer leur retard. Dans le cas contraire, ces villes risquent bien de ne pas se relever face au prochain risque qui s’annonce et bien plus grave : le climat.
À suivre donc… Belle journée à vous et merci de votre lecture.
Quelques lectures supplémentaires :
How Cobid-19 is shifting « smart city » priorities, Citymetric
COVID-19 has opened the floodgates for smart cities – whether we like or not, fast Company
COVID-19 : des États utilisent la géolocalisation pour savoir qui respecte le confinement, Usbek & Rica
COVID-19 : Fibit lance une étude pour développer un algorithme de détection précoce, l’usine digitale
Pourquoi Bergame ? Le virus au bout du territoire, Métropolitiques
IA et Covid-19 : les bonnes ou les mauvaises intelligences ? Les Echos.fr
Coronavirus : Apple et Google s’allient pour lancer un traçage mondial de la contamination, Les Échos
China suppressed Covid-19 with IA and big data, AsiaTimes
Covid-19 Mobility Insights, Cuebiq
How we map epidemics, CityLab
Research : How location-tracking apps could stop the spread of coronavirus, the next web
les recherches Google peuvent révéler les foyers de la pandémie avant les gouvernements, L’adn

Pascal SIMOENS Architecte et urbaniste, Data Curator. Expert Smart Cities. J’ai commencé ma vie en construisant des villes en Lego, j’en ai fait mon métier. Geek invétéré, aujourd’hui je joins mes passions du numérique et de la ville au travers d’une expertise smart Cities et smart buildings en travaillant en bureau d’étude et j’enseigne cette même expertise à l’UMONS et l’ULB.
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