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mots-clés : VE, UE, the USA, China, Politics, fake news, deepfake, Facebook, teamjorge, data, facts
Chers lecteurs,
Voici le second article de la saga « les européens sont des nains, ils veulent interdire la voiture thermique en 2035″. Nous vous avons proposé d’abord de déconstruire la manipulation avant de vous prouver que l’information était biaisée et c’est volontaire. Il nous semble plus judicieux d’abord de savoir qu’on a été arnaqué avant d’expliquer où se trouve l’arnaque.
Enfin, et je vous rassure, je ne cherche pas à faire du chiffre sur mon blog (même si votre « engagement » fait toujours plaisir!) , mais n’hésitez pas à partager ces deux articles, peut-être que vous contribuerez individuellement à casser la chaîne mise en œuvre par des spécialistes de la manipulation informationnelle. #Résitance
Pour rappel, vous pouvez consulter le premier article ici
Analyse contextuelle de l’information
Primo, la publication émise (image ci-dessus) tente d’informer sur le fait que l’UE sera la seule institution au monde qui interdira les véhicules thermiques en 2035 alors que le reste du monde n’en a cure. Nous serions alors les dindons de la farce et ce qui nous est imposé en Europe ne servirait à rien. Bref, on est des nuls et on doit changer cela.
Secondo, comme déjà précisé dans mon précédent article, ce type de raisonnement concerne essentiellement un type de groupe spécifique : ceux qui ont une belle voiture aujourd’hui, mais doutent d’avoir les moyens d’avoir la même en version électrique. Ils ont probablement raison sur le fond.
C’est l’association des deux éléments qui sont factuels qui rend la propagation du post viral. On notera au passage que cette viralité est essentiellement sur Facebook, le réseau social des plus de 40 ans.

Les faits et chiffres sur les politiques d’interdiction des véhicules thermiques dans le monde
Actuellement, l’Union européenne est la seule grande région du monde qui a annoncé une interdiction des ventes de voitures neuves fonctionnant aux énergies fossiles à partir de 2035. Cependant, d’autres pays et régions du monde ont également pris des mesures pour encourager la transition vers des véhicules électriques ou à faibles émissions de carbone.
Par exemple, la Norvège prévoit d’interdire la vente de voitures neuves fonctionnant à l’essence ou au diesel dès 2025, tandis que le Royaume-Uni a fixé une date limite pour 2030. La Californie, qui est la plus grande économie des États-Unis, a annoncé une interdiction des ventes de voitures neuves à essence d’ici 2035, et d’autres États américains ont également pris des mesures pour encourager l’utilisation de véhicules électriques.
D’autres pays comme la Chine et le Japon ont également annoncé des plans pour encourager la production et la vente de véhicules électriques. Cependant, pour l’instant, aucun autre pays ou région n’a annoncé une interdiction complète des voitures neuves fonctionnant aux énergies fossiles à partir d’une date spécifique comme l’a fait l’Union européenne.
Au passage, on notera que la Chine est actuellement le plus grand fabricant de véhicules électriques dans le monde. Selon les données de l’Agence internationale de l’énergie, en 2020, environ 4,5 millions de voitures électriques ont été produites en Chine, soit environ 45% de la production mondiale de voitures électriques.
Dans le même temps, la Chine a mis en place des politiques pour encourager la production et la vente de véhicules électriques, notamment des subventions pour les acheteurs de voitures électriques et des normes d’émissions plus strictes pour les constructeurs automobiles. Cette politique a conduit à une croissance rapide du marché des voitures électriques en Chine, avec une part de marché d’environ 5% en 2019. On comprends pourquoi :

En Belgique, la part de marché des véhicules électriques (VE) est en constante augmentation, mais elle reste relativement faible par rapport à d’autres pays européens. Selon l’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA), en 2021, les véhicules électriques ont représenté environ 4,4 % des ventes de voitures neuves en Belgique. on vous renvoie sur la liste des articles de notre blog qui justifie cette situation dans la partie 1.
En Europe, la part de marché des VE varie considérablement d’un pays à l’autre, mais elle est également en constante augmentation. Selon l’ACEA, en 2021, la part de marché des VE dans l’Union européenne était d’environ 10,6 %. Les pays nordiques, tels que la Norvège et la Suède, ont la part de marché la plus élevée, avec environ 75% des ventes de voitures neuves étant des VE. D’autres pays comme les Pays-Bas, le Danemark et l’Allemagne ont également une part de marché importante pour les VE, tandis que d’autres pays comme la Pologne, la Roumanie et la Bulgarie ont encore une part de marché très faible.

Les faits sur le poids de l’Europe avec les véhicules de tourisme
Selon les données de l’Organisation internationale des constructeurs automobiles (OICA), environ 84 millions de véhicules ont été fabriqués dans le monde en 2020. Toutefois, il convient de noter que cette production a été affectée par la pandémie de COVID-19 et que les chiffres peuvent varier d’une année à l’autre en fonction de divers facteurs économiques et géopolitiques. Toujours selon les estimations de l’OICA, il y a environ 1,2 milliard de véhicules dans le monde en 2021. En 2020, la Chine a produit le plus grand nombre de véhicules, avec environ 25,2 millions d’unités produites, suivies de l’Europe avec environ 16,4 millions d’unités et de l’Amérique du Nord avec environ 11,9 millions d’unités. Aujourd’hui il est difficile de savoir le nombre de véhicules en état de fonctionner par continent ou pays. Cependant, il est généralement admis que la Chine a le plus grand nombre de voitures en circulation, suivie des États-Unis et de l’Europe. Ces estimations sont basées sur des données de vente de voitures neuves et des estimations de durée de vie des véhicules en circulation dans chaque région.
Il est tout aussi difficile de définir de manière transversale le nombre de véhicules par habitant, les calculs et mesures ne se faisant pas nécessairement de la même manière ou encore les données pouvant être que partielles. Toutefois, les spécialistes s’accordent sur des chiffres approximatifs pour le nombre de véhicules par habitant, en utilisant des données de l’année 2021 :
- États-Unis : environ 0,8 à 0,9 voiture par habitant, soit quasiment 1000 voitures pour 1000 habitants
- Union européenne : environ 0,5 à 0,6 voiture par habitant, soit environ 550 voitures pour 1000
- Chine : environ 0,2 à 0,3 voiture par habitant soit 200 à 300 voitures pour 1000 habitants
- Afrique : environ 0,02 à 0,03 voiture par habitant, soit 20 à 30 voitures pour 1000 habitants
- Amérique du Sud : environ 0,2 à 0,3 voiture par habitant, soit 200 à 300 voitures pour 1000 habitants.
Vérifions alors la « taille » de l’Europe par rapport aux autres continents :
- États-Unis : Selon les données de la Federal Highway Administration (FHWA) des États-Unis pour 2020, il y avait environ 283,1 millions de voitures et de camions légers en circulation, pour une population d’environ 331,4 millions de personnes. Cela correspond à environ 0,85 véhicule par habitant. Source (2021): ici
- Union européenne : Selon les données de l’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA) pour 2021, il y avait environ 304 millions de voitures en circulation dans l’Union européenne, pour une population d’environ 447 millions de personnes. Cela correspond à environ 0,68 véhicule par habitant. Source (2021) : ici
- Chine : selon les données de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) pour 2020, il y avait environ 310 millions de voitures en circulation en Chine, pour une population d’environ 1,4 milliard de personnes. Cela correspond à environ 0,22 véhicule par habitant. Source (ici) : ici
- Afrique : Selon les données de l’Organisation mondiale des fabricants de voitures, pour 2018, il y avait environ 45 millions de voitures en circulation en Afrique, pour une population d’environ 1,3 milliard de personnes. Cela correspond à environ 0,03 véhicule par habitant. Mais précisons que toute l’Afrique sud-saharienne excepté l’Afrique du Sud ne propose pas de modèle de mesure ou de comptage… Source : ici
- Amérique du Sud : Selon les données de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) pour 2020, il y avait environ 63 millions de voitures en circulation en Amérique du Sud, pour une population d’environ 424 millions de personnes. Cela correspond à environ 0,15 véhicule par habitant. Source (2021) : ici
Le graphique qui suit permet de fortement relativiser le sujet initial de l’info virale précisant que l’Europe était un nain, n’est-ce pas ?

Vous noterez que ces chiffres sont partiels, certains pays ne sont pas inclus, tant en Europe-Asie, par exemple la Turquie ou des pays comme L’Inde ou la Corée. Cet article n’a pas pour vocation de faire une revue globale dans tous ses détails et nuances du nombre de véhicules dans le monde! Nous nous sommes donc essentiellement concentrés sur des éléments factuels : les endroits où on en vend le plus ainsi que sur des éléments plus généraux et globaux comme les continents africains et sud-américains.
Au-delà de la voiture électrique, les enjeux de la pollution des véhicules thermiques
En complément de cette analyse, il nous tient à cœur de préciser l’intérêt de la transformation de mobilité carbonée en une mobilité plus raisonnée et propre.

La pollution automobile est une cause importante de décès prématurés en Europe. Selon un rapport de l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) publié en 2020, la pollution de l’air extérieur a été responsable de 417 000 décès prématurés dans l’Union européenne en 2018. Bien que la pollution de l’air puisse être causée par de nombreuses sources différentes, les émissions des véhicules à moteur sont une source importante de pollution de l’air dans de nombreuses villes européennes. Le rapport de l’AEE indique que les particules fines et le dioxyde d’azote (NO2), qui sont émis en grande quantité par les véhicules diesel, sont particulièrement préoccupants. En 2018, le NO2 a été responsable de 54 000 décès prématurés dans l’Union européenne. La pollution par les véhicules à moteur n’est pas la seule source, mais les données de l’ONU montrent que 34% du bilan carbone terrestre est dû à la mobilité avec une forte proportion pour les VT.
D’un autre côté, que « valent » ces 54 000 vies perdues ? La France comptabilise ce type d’information et évalue la valeur d’un être humain à 3 000 000 d’euros (chiffrer le prix d’une vie humaine, Le Monde, 29 septembre 2018), soit un coût annuel de 162 milliards d’euros. Imaginons donc que « seulement » 20% de ces morts sont issus de la pollution générée par les véhicules thermiques, nous atteignons les chiffres rondelets de 32,4 milliards d’euros/an du « coût » des véhicules thermiques. Bien évidemment, nous pourrions faire le même exercice avec les VE et les couts environnementaux de la fabrication qui est plus élevé que les véhicules thermiques. Toutefois, le potentiel de recyclage est plus important avec les véhicules électriques.
Quelques chiffres de comparaison entre les véhicules thermiques et électriques
La production de véhicules électriques et de véhicules thermiques a des impacts environnementaux différents à différents stades du cycle de vie du véhicule. déconstruction:

- Production des batteries : Les batteries des véhicules électriques nécessitent l’extraction de métaux tels que le lithium, le cobalt et le nickel, ce qui peut avoir des impacts environnementaux importants tels que la pollution des sols et des eaux. Cependant, les processus d’extraction et de raffinage des métaux sont de plus en plus durables, avec une utilisation croissante de l’énergie renouvelable et des technologies d’extraction plus efficaces. Par ailleurs, les batteries peuvent être recyclées en fin de vie, ce qui permet de récupérer les métaux et de les réutiliser. Selon une étude de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la production de batteries pour les véhicules électriques a des impacts environnementaux plus élevés que la production de moteurs pour les véhicules thermiques. L’extraction de métaux tels que le lithium, le cobalt et le nickel nécessaires à la production de batteries peut entraîner une forte consommation d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre. Cependant, la durabilité des processus d’extraction et de raffinage des métaux s’est améliorée ces dernières années. Par exemple, la production de lithium à partir de sources géothermiques en Islande peut émettre jusqu’à 90 % de CO2 en moins que la production de lithium à partir de sources conventionnelles.
- Production des moteurs : Les moteurs électriques sont plus simples et contiennent moins de pièces mobiles que les moteurs thermiques, ce qui réduit la quantité de matériaux nécessaires et les coûts environnementaux associés à leur production. Selon une étude de l’Institut Fraunhofer pour les systèmes énergétiques solaires, la production d’un moteur électrique nécessite environ 56 % de matériaux en moins que la production d’un moteur thermique. Cela est dû en partie au fait que les moteurs électriques ont moins de pièces mobiles que les moteurs thermiques.
- Émissions de CO2 : Les émissions de CO2 liées à la production de véhicules électriques sont généralement plus faibles que celles des véhicules thermiques, car la production d’électricité à partir de sources renouvelables émet moins de CO2 que la production d’électricité à partir de sources fossiles. On notera l’importance de la transition actuelle, qu’elle soit nucléaire ou renouvelable (éolien, hydraulique et solaire). Selon une étude de l’Agence européenne pour l’environnement (AEE), les émissions de CO2 liées à la production d’un véhicule électrique sont en moyenne de 8,8 tonnes de CO2 équivalent (tCO2e), tandis que les émissions de CO2 liées à la production d’un véhicule thermique sont en moyenne de 5,6 tCO2e. Cependant, les émissions de CO2 totales dépendent de l’utilisation du véhicule, notamment de la source d’énergie utilisée pour le recharger ou pour produire le carburant. Globalement, on considère que la VE produit 3x moins de CO2 que les véhicules thermiques.
- Émissions de gaz à effet de serre : Les émissions de gaz à effet de serre liées à la production de véhicules électriques sont également généralement plus faibles que celles des véhicules thermiques, mais cela dépend de la source d’électricité utilisée. Si l’électricité est produite à partir de sources fossiles, les émissions de gaz à effet de serre peuvent être plus élevées pour les véhicules électriques que pour les véhicules thermiques.
Pour conclure
Nous espérons avoir démontré le risque de la manipulation de lobbyistes dans le cadre de ces deux articles. Pire, on pourrait imaginer une manipulation gouvernementale (russe? ) liée à renforcer la crainte de perte de pouvoir d’achat lié aux coûts de la transition énergétique. Il n’est pas innocent que les news viennent de France, très sensible à cette question mais aussi première puissance militaire européenne… La seconde partie de nos deux articles a pour objectif de montrer l’apport de l’analyse scientifique face à l’ensemble des données et informations qui sont issues des médias de plus en plus polyformes. L’apprentissage (à tout âge), c’est l’émancipation (!) paraphrasant Paulo Freire qui disait « L’apprentissage est un processus continu qui conduit à l’émancipation » dans son livre Pédagogie des opprimés (1968). J’espère vous avoir appris quelque chose.
Merci de votre assiduité à la lecture des articles de ce blog et n’hésitez pas à partager ou laisser un commentaire, notre objectif est de créer des échanges à travers les questions liées à l’urbanisme, la ville, l’architecture… et de la mobilité dans un monde digitalisé.
NOTA : cet article a été rédigé partielle avec l’aide de ChatGPT3, toutes les sources ont été vérifiées.
Pascal SIMOENS Architecte et urbaniste, data Scientist. Expert Smart Cities. J’ai commencé ma vie en construisant des villes en Lego, j’en ai fait mon métier. Geek invétéré, aujourd’hui je joins mes passions du numérique et de la ville au travers d’une expertise smart Cities et smart buildings en travaillant en bureau d’étude (Poly-Tech Engineering) et j’enseigne cette même expertise à l’UMONS et l’ULB.
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