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mots-clés : verdurisation, arbours, technique, let de châleur, trees, green, cities, heritage, social networks
Chers lecteurs,
Depuis la catastrophe de la Vesdre avec les intempéries de juillet en Belgique, un mouvement très fort soulève les foules pour changer les choses (du moins certaines choses) et c’est tant mieux. Toutefois, nous vivons dans une société « y a qu’à » et tout urbaniste sait que ce concept n’existe pas en ville ni ailleurs pour transformer les territoires. Nous allons donc vous proposer deux réflexions à travers deux posts qui se suivront et ayant pour objet :
- La question des arbres en ville
- La question d’aménagement du territoire des vallées
Nos amis les arbres.
Notre travail à l’université nous amène à analyser des discussions sur les réseaux sociaux sous la forme qualitative et sémantique. Il en découle un référencement des propos des uns et des autres, vous et moi, pour des projets urbains, immobiliers, etc.
Ces derniers mois, et avant même la crise d’été, nous avons constaté un topic de plus ne plus récurrent : « plantons des arbres en ville, gardons les arbres existants ». Ce mouvement est issu du premier confinement (mars – avril 2020). Un mouvement planétaire comme le relève l’article de Fergus O’Sullivan (Bloomberg, CityLab, Londres), Campaigns to plant millions of trees have become popular urban responses to climate change. But many have fallen far short of their goals (30 juillet 2021). Dans le même article, l’auteur rappelle que planter des arbres , ce n’est pas si simple et notre expérience d’aménageur d’espaces publics le confirme.
Techniquement, il n’est pas si simple de planter des arbres le long des rues ou trottoirs.
En effet, d’une part nous avons la réticence des riverains qui désirent pouvoir garder leur véhicule… devant chez eux. Bien que le nombre de places libres va augmenter au fur et à mesure que les voitures thermiques vont disparaitre (les voitures électriques couteront plus cher, il y en aura donc moins !), paradoxalement, la recharge en ville nécessite certains bricolages comme on en voit apparaitre à Bruxelles et donc le placement des véhicules au plus près de chez soi, selon la longueur de votre allonge. On attendra plus tard pour des systèmes de type Steerplug.
D’autre part, il n’est pas tout de remplacer une place de voiture par un arbre, car souvent sous les voitures il y a des impétrants. Ces câbles, canalisations, égouts, etc. parcourent nous villes et sont les reliquats de l’histoire de celles-ci depuis près de 150 ans. Le plus souvent, c’est le chaos qui règne à moins d’un mètre de vos pieds. Comme auteur de projet, nous nous sommes aventuré à réfléchir personnellement à la verdurisation de notre rue. Sur papier, c’était un cas idéal : 20 à 23 m de largeur, des trottoirs assez larges (selon les alignements), deux bandes de circulation très larges (3,5 m) et une bande de parkings. Toutefois, à l’analyse des localisations d’impétrants, seules les bandes de circulations étaient libres pour des plantations en pleine terre et assez profondes pour garantir la survie des plantations.
Certes, il est toujours possible d’adapter des infrastructures, toutefois, cela nécessite des couts qu’aucune ville ne peut supporter massivement sauf dans le cadre de projets d’aménagements importants comme le centre-ville de la Louvière ou encore aujourd’hui, le district créatif de Charleroi. Planter un arbre, ce ne sont pas quelques racines au raz du sol, mais bien une nasse idéalement de 1.5 m de côté et de profondeur, et cette profondeur est aujourd’hui très difficile à atteindre dans modifications des impétrants.

Un arbre est un être vivant
Pour sure, c’est bien pour cela qu’il est bénéfique à la ville, car il respire et il protège en réduisant la chaleur tout en transpirant. Une transpiration qui nécessite, en contrepartie de l’eau… si rare aujourd’hui et encore plus demain. C’est un paradoxe : plus les villes planteront des arbres, plus elles auront besoin de quantités astronomiques d’eau. On peut réduire le stress hydrique des arbres en plaçant des drains (ces fameux tuyaux qui sortent des parterres au pied des arbres. Ces drains servent de réservoirs comme pour vos plantes en pots. À contrario, la plupart des ouvriers communaux qui arrosent les plantes les aspergent… Alors qu’en été, 80% de l’eau s’évapore à la surface du sol.
On notera également que pour planter un arbre, plus sa nasse est large et profonde, plus vite il poussera. Je vous convie vraiment à visiter le centre-ville de La Louvière pour constater comment la végétation prend sa place en ville alors que les arbres plantés ne l’ont été qu’il y a 10 ans. Une autre solution est de planter des arbres moins jeunes. Si cela se fait dans les règles, ce n’est pas plus risqué que pour des arbres plus jeunes, par contre c’est beaucoup plus cher. Un type de choix qui doit s’étudier à l’aulne des enjeux : Seul un arbre à maturité offre un véritable effet climatique dans la rue ou un e place. Il faut à minima une génération humaine (15-20 ans) pour que ça devienne une réalité.
Encore faut-il que les habitants et la ville respectent ces êtres vivants. La mort d’un arbre est souvent causée par 3 choses (hors maladie):
- Les conditions de sa plantation
- Le stress hydrique
- Les dégradations externes.
Pour ce dernier point, ce sont les dégradations de parechocs, cadenas pour vélos et autres deux roues, déchets contaminants comme les hydrocarbures et les sacs poubelles placés au pieds des arbres en attendant la benne.

https://issuu.com/villedelausanne/docs/brochure-lesarbreslausanne-lowres/25
Troisièmement, un arbre cela transforme le paysage.
Ce point est plus philosophique et patrimonial. En effet, l’arbre généralisé en rue est une création assez récente datant de l’époque haussmannienne. Les villes médiévales n’ont jamais apporté d’arbres dans leurs villes, car ils étaient et comme toute chose de la nature à cette époque, considérés comme des potentiels vecteurs de maladies. Cela implique que la plantation massive d’arbres dans les petites rues de villes comme Mons, Tournai, Gand, Bruges, Namur… n’est pas recommandée d’autant que comme précisé dans le premier point, plus les rue sont étroites, moins de place il y a pour que l’arbre s’épanouisse réelle et fasse sont office chlorophyllien.
En outre, transformer un paysage urbain n’est pas aussi simple que cela et peut avoir un impact majeur sur la ville et son idéalisation par ses habitants. En ces temps incertains, c’est un risque que nous ne voudrions pas prendre.

Quelles alternatives aux arbres en rue ?
L’enjeu, car c’est un enjeu, se situe probablement plus dans la manière d’appréhender la gestion des intérieurs d’ilots, de les rendre collectifs afin d’y planter des écosystèmes, de démolir les murs qui séparent chaque parcelle, de partager le même air et, en même temps de réduire l’impact des ilots de chaleur qui ont un impact sur la thermique urbaine bien plus important que l’espace public lui-même. En effet, le potentiel de surface de ces ilots intérieurs est beaucoup plus grand alors que l’espace public ne représente que 15 à 20% des espaces construits en ville.
Par ailleurs, la nature peut aussi envahir les habitations : en toiture particulièrement. Mais de nouveau, nous devons alors nous confronter avec le paysage des villes nord-européennes que nous chérissons avec ses toitures à versants, zinguées ou couvertes de tuiles.
Conclusion
Comme nous vous l’expliquions en début de cet article, notre réflexion s’inspire des propos retenus sur les réseaux sociaux ces derniers mois avec une forte demande de « verdurisation des villes ». Nous avons voulu contribuer à cette réflexion au travers d’un regard professionnel et technique. Complémentairement, nous constatons également de nombreux paradoxes dans les propos recueillis et il faut bien reconnaitre que fréquemment, les personnes demandant de verduriser la ville sont également les premiers défenseurs du patrimoine en l’état et sécularisé comme un tableau dans un musée. Selon ces personnes, seul le cadre serait possible de changer, sans nuire à la place de la toile. Vous aurez compris que nous ne sommes pas ici pour détruire la toile ni le cadre, mais bien de réfléchir sur l’adéquation de la peinture face à la lumière. Peut-être serait-il important de s’inspirer des Van Gogh, Vermeer ou Michel Ange pour peindre la toile du 21e siècle ? Pour cela il y a deux solutions possibles : la transgression ou bien la transition. A vous de choisir, mais , en tout cas, on ne peut rester sur place.
Merci de votre lecture et, pour rappel, le prochain article continuera cette discussion par lettres interposées. N’hésitez pas à réagir.
Pascal SIMOENS Architecte et urbaniste, data Scientist. Expert Smart Cities. J’ai commencé ma vie en construisant des villes en Lego, j’en ai fait mon métier. Geek invétéré, aujourd’hui je joins mes passions du numérique et de la ville au travers d’une expertise smart Cities et smart buildings en travaillant en bureau d’étude (Poly-Tech Engineering) et j’enseigne cette même expertise à l’UMONS et l’ULB.
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