Temps de lecture : 7 minutes
mots-clés : empathy, concept, The good ancestor, long-term thinking, Roman Krzmaric, Jeremy Rifkin
Chers lecteurs,
Aujourd’hui, je vais vous parler d’un sujet qui me tient particulièrement à cœur : le lien entre climat, futur et empathie. De prime abord, si on comprend le lien entre climat et futur, plutôt anxiogène de ces temps-ci, le lien entre ces deux idées et l’empathie est un sujet plus neuf et complexe.
Neuf
La question climatique est continuellement débattue au sein de nos gouvernements, parlements, Conseils d’administration, etc. Ce n’est pas pour autant que nous faisons toujours ce qu’il y a à faire face aux enjeux. Nous sommes tétanisés entre la conscience de la catastrophe et le risque économique de l’instant. Et souvent, l’instant gagne sur le long terme. Ainsi, nous tournons en rond jusqu’à ce qu’une crise réelle arrive. La crise du Covid-19 et l’émergence du vaccin en mois d’un an démontrent cette capacité de l’homme à réagir pour sa survie. Sauf que la question climatique ne se règlera pas en moins d’un an, mais en siècles… alors, comment faire ?
Face à ce questionnement, Roman KRZNARIC nous propose une nouvelle approche : voyager à travers le temps. Par n’importe quel voyage, celui de l’héritage. Un héritage familial en se projetant de bercer son arrière-arrière-petit enfant, celui qui vit pleinement au 22e siècle. Et il pose cette question : tout ce que nous accumulons aujourd’hui pourra-t-il servir à quelque chose pour ce petit enfant dans mes bras ? Et lui, que me demande-t-il comme héritage ? Probablement de vivre en paix et non de survivre. Pour les sages qui ont profité de U2, voici ce que The Edge en pense : This is the book our children’s children will thank us for reading. Il résume assez bien l’idée : changer notre regard au temps, pas de manière linéaire, mais en boucles faites de causalités où nos actes sont mesurables au travers de notre avenir… celui de notre famille. Certes, cette approche individuelle est très anglo-saxonne. Pour autant, elle n’est pas inintéressante.
L’auteur de The Good Ancestor nous propose cette démarche au travers de son livre pas encore traduit en français. Extraits je regarde son visage, son vieux visage, et je me dirige vers la fenêtre et je regarde le monde extérieur et je vois quel genre de monde c’est, écrit-il. Je pense à ma fille, ou à son arrière-petit enfant, vivant bien dans le 22e siècle – une époque qui n’est pas de la science-fiction, mais un fait familial intime. Une expérience qui laisse à réfléchir. L’auteur en appelle également à la rébellion du temps représentée par Greta THUNBERG ou les mouvements de type Extinction Rebellion qui prône la désobéissance civile et qui prend tout son sens au travers de cette boucle du temps : il n’est pas question de détruire le système actuel, mais bien de le transformer comme le font les générations familiales. L’auteur précise son point de vue sur la démarche générationnelle héritée : ce que j’ai trouvé, c’est que le langage de l’héritage semble motiver les gens de différents domaines sociaux avec des antécédents différents. L’article A resolution for 2021: Be a better ancestor de Kate Yoder (30 décembre 2020) sur la plateforme climatique GRIST nous informe également que cette approche n’est pas si allumée que cela avec l’étude de 2015 précisant que l’héritage (individuel) est la clef de l’action climatique. Il est question ici d’empathie. En effet, le sens de cette étude menée par Ezra Markowitz, qui enseigne la conservation de l’environnement à l’Université du Massachusetts à Amherst, et Lisa Zaval, une chercheuse scientifique au Center for Research on Environmental Decisions de l’Université de Columbia, est de démontrer l’intérêt du rapport entre l’égo et l’héritage et le bienfait que cela peut vous apporter : une forme d’empathie.
Elles ont posé la question suivante à 312 Américains : pourquoi voulez-vous qu’on se souvienne de vous? Si les résultats de cette étude vous intéressent, ils sont disponibles sur How Will I Be Remembered? Conserving the Environment for the Sake of One’s Legacy. Précisons que le rapport avec cette question est complexe, car la première chose que nous espérons offrir aux générations futures est un héritage au sens traditionnel connu et pécuniaire. Toutefois, notre intelligence reconnait également que si nous ne faisons rien pour le climat, cet héritage ne vaudra rien. Une prise de conscience qui ne peut se faire que grâce à un travail personnel, en se projetant dans une forme de réalité future… portant notre arrière-arrière petit enfant dans les bras, vivant au 22e siècle.
Certes, cette démarche est complexe à appréhender si on n’est pas un minimum sensible à la science-fiction. Il n’en reste pas moins l’amour filial.

Complexe
Roman KRZNARIC n’est toutefois pas le seul auteur parlant de l’empathie comme moteur de notre futur. Peut-être que celui qui a le plus traité de la question en profondeur est J. Rifkin. L’auteur reconnu de la 3e révolution industrielle, basée sur l’information et l’énergie, a rédigé avec plusieurs de ses thésards une brique de plus de 1.000 pages sur cette question. L’essai s’intitule Une nouvelle conscience pour un monde en crise : vers une civilisation de l’empathie. En voici le résumé :
Jérémy Rifkin, l’un des penseurs américains les plus stimulants, propose une lecture passionnante de l’histoire de l’humanité dans une perspective sociale et altruiste. Avec un constat : jamais le monde n’a paru si totalement unifié (par les communications, le commerce, la culture) et aussi sauvagement déchiré (par les guerres, la crise financière, le réchauffement climatique…) qu’aujourd’hui. Jamais nos structures mentales n’ont été à ce point en décalage avec les nouvelles réalités que nous nous sommes créées. Se nourrissant d’économie, de politique, de psychologie, de sciences, de l’histoire de la nature ou de l’évolution des technologies, il montre que l’homme est désormais condamné à remodeler sa conscience : nous devons parvenir au cours de ce XXIe siècle à un état d’esprit proche de l’empathie universelle, qui témoignera de l’aptitude de notre espèce à survivre et à prospérer.
Dans son livre, Rifkin nous parle de l’entropie de notre monde qui, sans changement, ne peut survivre tellement le besoin en énergie des données que nous produisons est énorme. Il propose donc une approche complémentaire à nos besoins d’information : l’empathie, car nombre de nos besoins informationnels sont galvaudés par des approches stratégiques, contractuelles (regarder les contrats Facebook pour qu’ils utilisent vos données) et dépensent une énergie pour exister qui est totalement inutile. Toutefois, il faut faire le constat que ces contractualisations liées à nos modes de vie où la confiance entre les humains est nulle.
Discussion : Le rêve d’une société empathique.
Dans le cadre de cette approche quasi philosophique, nous avons un modèle préexistant connu de tous : Star Trek. Je vous déjà quelques sourires au travers des écrans… pourtant, la philosophie trekkiste est bien réelle. L’enjeu de ce modèle est la prise de conscience de place de l’individu dans le monde. D’une part, lui est offert (en bon libertarien) le choix de sa vie, mais les questions d’argent n’existent plus. À partir du moment où la monnaie d’échange n’a plus de raison d’être, de nombreux paradigmes contemporains disparaissent. Les questions nouvelles se posent : offrir la possibilité à un menuisier d’apprendre à travailler le bois, offrir à un fan de science de tirer ses études jusqu’au doctorat en physique pour mettre au service de la collectivité ses connaissances et son génie. Cette lecture sociétale s’offre à nous au travers des membres de l’équipage de l’Entreprise : la fédération leur offre le meilleur vaisseau de la galaxie, mais en contrepartie ils restent éloignés de leur foyer pendant des années. Tout devient un équilibre régulé par l’empathie des uns envers les autres, prêt à donner leur vie si nécessaire.
Conclusion (si c’est possible)
Probablement que cet article est une utopie. Toutefois, il faut se réjouir que cette démarche empathique ne soit pas esseulée, mais bien portée par des écrivains, scientifiques, jeunes et moins jeunes. J’espère que ces lecteurs vous auront donné l’envie de comprendre un peu plu cette démarche qui m’a été offerte voici plus d’un an à la découverte du livre de J Rifkin. Il est peut-être maintenant temps de changer de logiciel, plus empathique, moins pécuniaire. Dès lors, on pourra vraiment se demander : mais qu’est-ce que j’offre à mes enfants ? La mort ou une planète vivable.
Merci de votre lecture.
Pour penser plus loin :
10 things we learned about our human ancestors in 2020
The Danish New Year’s Eve dish that links my ancestors and me – plus the recipe
Pascal SIMOENS Architecte et urbaniste, Data Curator. Expert Smart Cities. J’ai commencé ma vie en construisant des villes en Lego, j’en ai fait mon métier. Geek invétéré, aujourd’hui je joins mes passions du numérique et de la ville au travers d’une expertise smart Cities et smart buildings en travaillant en bureau d’étude (Poly-Tech Engineering) et j’enseigne cette même expertise à l’UMONS et l’ULB.