Mot-clés : 5G, smart cities, gouvernance, Open data, révolution technologique
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Nous venons de passer la deuxième décennie du nouveau siècle et lorsqu’on fait le bilan, de nombreux outils numériques ont changé notre vie. Pourtant, aucune technologie spécifique ne s’est imposée durant cette décennie. En effet, le Smartphone existant déjà dans les années 90, mais a été révélé par Apple et son iPhone en 2007. L’Internet existe depuis les années 1970, son ouverture au public dans les années 1990 (également) a véritablement explosé au début des années 2000 et l’arrivée des réseaux sociaux à l’approche de la dernière décennie. D’autres éléments comme la musique en ligne confirment les années 2010-2019 : une décennie de procrastination numérique : rien de neuf, mais tout évolue. En d’autres termes, l’innovation a été dans l’optimalisation plus que la révolution technologique.

Qu’en sera-t-il pour la prochaine décennie ?
Je vous rassure tout de suite, je ne suis pas un grand fan des Nostradamus Tech qui vous raconte ce qui va se passer l’année prochaine et dont on oublie les prédictions une fois l’article terminé d’être lu. Toutefois, le changement de décennie nous oblige à un peu de prospective dans un climat de plus en plus brumeux !
Si nous analysons les pistes à venir, disons-le tout de suite : la décennie à venir risque d’être comme un élastique : les années 2010 ont mieux reculé pour mieux sauter. Ce qui nous inspire à faire les prédictions, c’est notre passé récent : les systèmes ont été optimisés et il reste encore énormément de chemin en Belgique pour les améliorer. C’est entre autres le cas de la fibre optique qui doit (enfin !) être déployée pour tout le monde et non seulement les entreprises dans les zonings. Proximus s’y attèle, mais nous devrons encore attendre 2 à 4 ans pour garantir un accès pour tous.
Toutefois, la technologie qui va révolutionner les usages, c’est la 5G. Je vous en parlais déjà dans l’un de mes anciens articles 5G my love or Hate !!!! A brief state of art (4 avril 2019), complété par la contextualisation de la bataille économique que représentera la 5G dans les années à venir (5G, une bataille économique et géopolitique, 11 avril 2019). Dans ce dernier article , je fustigeais la région bruxelloise devenue schizophrénique, désirant à la fois accueillir les jeunes créatifs au titre de « ville mondiale » (Philippe Close, Trends Tendances, 18 octobre 2019) et le refus d’implanter les services 5G. Une situation que je pense intenable : on ne peut avoir le beurre et la crémière en même temps.
La 5G est à placer dans les enjeux plus larges de la ville connectée (Smart City) et le développement de nouveaux services basés sur de nombreux objets mis de plus en plus en réseaux dans une logique d’optimalisation systémique globale de la ville.
Prenons un exemple simple pour comprendre cette phrase quelque peu absconse et imaginez : les « buds » connectés sont de plus en plus fréquents et vont devenir la norme dans quelques années. Pour rappel, les buds sont des écouteurs sans fil, connectés par Bluetooth et avec des systèmes sophistiqués de contrôle du son ambiant. Ils sont donc tous connectés avec un micro analysant en permanence le son de la ville… parallèlement, la qualité de vie est devenue un enjeu des villes et les cartes de son sont devenues un enjeu qualitatif pour les quartiers existants ou en devenir. La conception paramétrique des grands-ensembles de quartiers tiennent aujourd’hui compte de ce type de problématiques, soit imposée par les villes soit par ce que les architectes et urbanistes en prennent conscience, soit par ce que les prometteurs y retrouvent leur compte. Imaginez maintenant que l’ensemble de s ces Buds fournissent en temps réel les données sonores et géolocalisées dans toute la ville. Le passant écoutant « cigarettes after sex »[1] devient un acteur de l’optimalisation de la ville au travers de ses écouteurs afin de rendre la qualité de la ville meilleure. Et dans ce cas, seule la 5G nous permettra d’atteindre ce type d’objectifs avec l’augmentation de la bande passante permettant de transférer les données recueillies tout en diffusant la musique en ligne.

source : Le parisien, Le royaume uni-Londres et les grandes villes passent à la 5G, 16 juillet 2019
Les enjeux d’un nouveau modèle économique
Au passage, un nouveau modèle économique devrait être créé, car nous devenons des producteurs de données pour la ville et après récupération par les majors du genre : Apple, Samsung, Huawei, Sony, … Soit les Buds (pour ne citer que cet exemple) seront gratuits, mais loués et le coût de la location sera dégressif selon le nombre d’heures d’usage, soit les écouteurs seront payants et vous aurez la maitrise totale des données envoyées. Une nouvelle approche qui peut s’expliquer par les principes des objets connectés et qui réagissent comme une ruche au travers de la 5G. C’est également l’enjeu de la voiture connectée et autonome. La 5G permettra de dépasser les aspects plutôt gadgets des régulateurs de vitesse et autres parkings « sans les mains ». La 5G va permettre de faire communiquer les véhicules entre eux, les parkings avec les voitures, etc. Tout cela dans le but d’optimiser les usages en fonction des lieux dans la ville. De fait, qui n’a jamais rêvé de partir pour un concert sans se préoccuper du parking ? La joint-venture entre l’ensemble des constructeurs allemands démontre, si nécessaire, l’importance du partage des données, car les données ont de la valeur.

source : The Independent, Ireland, 27 decembre 2019
Les enjeux des données et de l’Open Data
Dans ce nouvel échiquier, les données seront centrales et la propriété des données sera l’enjeu de la décennie. L’Europe ne s’y est pas trompée avec la mise en place d’une nouvelle mouture de la GDPR qui sera effective en 2021, c’est à dire demain. Cette version offrira la première porte vers l’ouverture des données pour de nouveaux usages. C’est entre autres les données liées à la mobilité qui devront être mises à disposition par toutes les villes qui en possèdent. Les opérateurs privés seront également contraints partiellement à jouer le jeu.
Bienvenue dans le 21e siècle !
Finalement, l’enjeu global de cette future décennie est de nous faire entrer dans le 21e siècle qui sera, comme dit l’adage, le siècle de la donnée comme le 20e siècle fut celui de l’or noir. Ne pas intégrer ce nouveau paradigme sera le clou de cercueil de toutes les villes qui arriveront en retard avec la 5G. Car la 5G est la technologie qui va permettre le développement de services encore inimaginables aujourd’hui. Si la compétition des villes créatives s’est basée sur le renforcement des acquis de ces villes mondiales pendant ces vingt dernières années, demain sera l’enjeu de la mise à jour technologique autant par la fibre optique que la 5G : demain sera un accès à l’information à la vitesse de la lumière ou ne sera pas. Et l’information est basée sur les données. Or en Belgique, ce n’est pas gagné avec un désaccord entre régions et Fédéral qui n’a pas permis d’accords mais a surtout retardé l’implémentation à partir de 2021…au plus tôt alors que l’UE demande qu’au moins une ville soit connectée à la 5G avant fin 2020 (L’Echo, 28 mars 2019). rappelons que la Corée du Sud est déjà couverte entièrement avec de la 5G en milieu urbain!
Merci de votre lecture.
Pascal SIMOENS alias Nostradamus.
[1] Je vous conseille leur dernier album, proche du bijou du premier, mais apaisé après la disparition du compositeur et suite à un cancer. L’intensité de vivre du premier rejoint l’apaisement du deuil du second. Disponible sur tous les bons services de streaming : Cigarettes after Sex Cry, don’t let me go, 2019.
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