COOPERATIVES D’ÉNERGIES : MODE OU LAME DE FOND ? QUELS SONT LES ENJEUX EN WALLONIE?

L’équipe de Massilia Sun system

Temps de lecture : 6 minutes
Mots clés : Apple, Silicon Valley, sans-abris, économie

Les coopératives de production d’énergies voient le jour un peu partout, même dans les villes à la traine comme Marseille comme le démontre la société Massilia Sun System. Et justement, ce groupement nous intéresse par sa méthode et ses objectifs.

Premièrement, il s’agit de personnes qui veulent agir, mais aussi font attention à leur portefeuille. Ils sont composés de différents casses sociales, différents profils :  les plus instruits (la présidente Marie-Laure Lambert est enseignante-chercheuse en droit de l’environnement) aux plus motivés comme Adrien Jouanno, passionné d’énergie renouvelable et bénévole de la première heure. L’adage de la collaboration veut que 1+1 = 3. C’est le cas pour ce projet.

En deuxième lieu, l’association ne part pas de rien. Outre son engagement environnemental, la région PACA a réalisé un audit auprès de la société d’Enercoop Paca, fournisseur d’électricité verte sous la forme coopérative et localisée en région PACA. Une interface technique et organisationnelle importante pour la réalisation des projets locaux.

Carte des sites Enercoop en région PACA, https://paca.enercoop.fr/

Troisièmement, la spécificité du projet n’est pas nécessairement de mutualiser les panneaux solaires sur son propre toit, mais bien dans des conditions de mutualisation des lieux avec les solutions.

Alors tout cela est magnifique, toutefois, est-ce suffisant ou est-ce pertinent ?

De la pertinence : on pourrait faire croire que l’approche est un phénomène de mode, mais il n’en est rien. Au contraire, la gestion de la distribution de l’énergie électrique est en pleine révolution et bouleverse tout ce qui a été construit jusqu’à ce jour : la grande distribution Top-Down ou de la centrale au consommateur vit ses derniers jours. Non pas que l’ensemble des systèmes vont disparaitre, mais les systèmes sont en train de changer à travers le monde urbanisé où la consommation est produite localement pour être consommée (et parfois stockée) directement. C’est l’exemple de Vehicle2grid de la ville d’Amsterdam qui utilise le stocke des batteries électriques pour gérer les besoins en électricité des habitants en journée et nuit pour un quartier complet tout en optimisant la position des panneaux solaires en fonction de l’orientation des bâtiments.

« Vehicle to Grid, a concept developed to use electrical cars as back-up power during outages, also provides solutions for storage of renewable electricity in the Netherlands. As we are stepping away from coal and gas, the share of renewable electricity from sun and wind is growing. But demand and supply of this energy does not always match. By storing this energy it becomes available for later use. And that is exactly what Vehicle to Grid does: it uses the car as a battery on wheels. »

Suffisance : Autant soi remarquable la démarche citoyenne, si elle n’est pas accompagnée par des politiques volontaristes, elles n’arriveront pas à éclore et se pérenniser. C’est dans ce contexte que la ville intelligente (Smart City) devient incontournable. En effet, faisant le lien entre la mutualisation des productions, d’une gestion entièrement décentralisée et délocalisée, mais également des interrelations entre la production, le stockage et la distribution, il est naturellement impossible de gérer ces systèmes complexes sans une intelligente systémique offerte dans le cadre de la smart city. Le rapport de Smart City Wold, une plateforme américaine et mondiale sur l’analyse des villes intelligentes ne dit rien d’autre : la question du stockage est primordiale et nécessite une gestion intelligente. Il relate que les investissements sur ces systèmes ont fortement augmenté entre 2016 et 2018 et continueront à s’accroitre dans les années à venir. Mais qu’en est-il chez nous, en Wallonie ?

La particularité du système intercommunal (ORES et RESA pour ne citer que les deux plus grands) paralyse complètement la transformation du réseau de distribution électrique. À titre personnel, j’ai été confronté à plusieurs inepties alors que nous avons besoin de manière cruciale à produire plus d’énergies vertes. En ce sens, l’un de mes clients avait la capacité de produit 135% de ses besoins annuels en électricité eu égard à une orientation privilégiée et la surface de sa toiture. Malheureusement, il dû se limiter à la production d’énergie pour ses propres besoins. L’autre alternative fut la proposition de batteries de type Tesla (Powerwall). Bien que déconseillée actuellement, car l’amortissement n’est pas garanti, cette question restait pertinente selon ses besoins… mais la Région wallonne ne permet pas le stockage non plus.

source : Tesla

Vous aurez compris que le monde change, les besoins de production électrique sont croissants et que nos centrales nucléaires vont bientôt s’éteindre. L’anticipation de ces différents constats nécessite l’urgence afin de transformer la distribution et la production d’électricité et quelques pistes existent :

  • Transformation statutaire des intercommunales
  • Libéralisation de la production d’électricité à petite échelle
  • Ouverture de la capacité de stockage à l’échelle des quartiers, habitations, etc.
  • Développement d’un accompagnement technique pour les initiatives locales de production d’énergies renouvelables.

Parallèlement, il est nécessaire de réformer la CWAPE pour développer une branche d’accompagnement des projets coopératifs ou industriels de production locale d’énergie. Toutefois, la plus grande problématique est le rôle fiscal des intercommunales pour les communes. Nous entendons ici « fiscal », car ces intercommunales sont parmi les plus coûteuses en Europe avec leur redevance de distribution c’est-à-dire la taxe qui est payée aux communes pour faire passer du courant. Certes, cela semble logique, mais les intercommunales de distribution sont devenues des vaches à lait que l’on tire dans un abattoir sans se demander si l’animal est bien traité. Et demain, la vache risque la thrombose avec une mort certaine faute de contrôle et d’investissements envers le bien-être du réseau.

Traffic moves past a gas station during a blackout in Calistoga, California on Oct. 24. Photographer: David Paul Morris/Bloomberg

C’est ce qui s’est passé aux USA avec la libéralisation des réseaux de distribution d’électricité (âge d’or des mandats de R. Reagan). Le résultat c’est que plus aucun investissement n’a été engagé durant ces 40 dernières années et qu’aujourd’hui, les Américains du Middle West et en Californie risquent régulièrement un black-out de 3 jours sans courant. Vous comprendrez donc maintenant mieux pourquoi Elon Musk a lancé sur le marché des batteries de maison qui ne sont pas amortissables, mais en revanche garantissent un confort continu aux Américains. La proposition de tuiles solaires est du même tonneau.

Devrons-nous en arriver là ? La question est à poser aux administrateurs des intercommunales…

Merci de votre lecture.

Pascal SIMOENS Architecte et urbaniste, Data Curator. Spécialiste Smart Cities et données urbaines, Université de Mons, Faculté d’architecture et d’urbanisme

pour compléter :

The Cost of Doing Business in California Is One Blackout a Week
Californians Confront a Blackout Induced to Prevent Blazes
vehicule 2 grid (blog)
V2G, V2H, V2B : les voitures électriques et les réseaux intelligents
Powerwall : la batterie de Tesla trop populaire pour suivre la demande
Small energy storage

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