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mots-clés : Espaces publics, ODD, ONU Habitat, PPS, États-Unis, science, revue Land
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En bref : Les ODD sont soumis à toutes les recettes et sauces dans de nombreux domaines. La dernière étude du centre de recherche PPS aux États-Unis montre quelques éléments intéressants à approfondir.
Chers lecteurs,
Les 17 ODD développés par ONU-Habitat en 2015 offrent un cadre commun à diverses analyses dans des domaines aussi variés que le management entrepreneurial, la production de biens et services ou encore… l’architecture et l’urbanisme. Aujourd’hui nous allons nous attarder sur un article intéressant d’Ipek Yaralioglu et Can Kara de la Faculté d’architecture, Université du Proche-Orient à Chypre (partie turque) et publiée le 26 décembre 2024. Le titre (ici traduit) pose le cadre : « Approche d’urbanisme durable pour les espaces publics utilisant un processus de hiérarchisation analytique (AHP) ». Il présente l’intérêt de retranscrire une étude de Project for Public Space, une fondation puissante aux USA et qui défend une attention particulière de l’amélioration des espaces publics.
Les ODD : Objectifs de développement durable

Les objectifs de développement durable (ODD) ont été publiés par ONU-HABITAT en 2015 dans le cadre du programme de développement durable à l’horizon 2030. L’article 11 des ODD met l’accent sur le développement urbain, en mettant l’accent sur le fait que les villes deviennent « sûres, inclusives, résilientes et durables ». Cet objectif est directement lié à la conception des espaces publics, qui jouent un rôle crucial dans la création d’environnements urbains durables. La conception des espaces publics ouverts est essentielle pour favoriser l’interaction sociale, soutenir la durabilité environnementale et renforcer la résilience urbaine. Les objectifs de développement durable se composent de 17 objectifs principaux couvrant différentes questions, allant de l’inégalité urbaine au changement climatique. La cible 11 est détaillée comme suit : À l’article 7, dans les espaces publics; assurer l’accès à des espaces verts et à des espaces publics sûrs et inclusifs. D’ici à 2030, « assurer l’accès universel à des espaces verts et à des espaces publics sûrs, inclusifs et accessibles » est le résultat ciblé, en particulier pour les enfants, les femmes, les personnes âgées et les personnes handicapées.
Pour tous acteurs ayant tenté de travailler avec les 17 ODD, on se rend très rapidement compte de la difficulté de sérier les ODD face aux besoins et actions. Celles-ci sont pour la plupart du temps transversales. Il résulte des éléments croisés qui trouvent difficilement leur place dans une seule cible. À cela s’ajoute la complexité de l’aménagement et de l’urbanisme, qui est transdisciplinaire par définition. C’est là que cette étude offre tout son intérêt. Nous invitons bien sûr à lire l’article. Nous ferons ici qu’une analyse spécifique d’un des résultats qui est l’analyse comparative des critères physiques, sociaux, économiques et administratifs à l’aide de la méthode PHA (cf. article).
Analyse comparative :

4 facteurs déterminent la création d’un « bon espace public » : les critères physiques, sociaux, économiques et administratifs. Ils n’ont évidemment pas le même poids, c’est ce que nous allons préciser ici. L’étude montre que le critère physique (42,6%) est le plus important, suivi des critères économiques (21,5%) et administratifs ( 19%) , enfin, le dernier critère est social avec 16,9%.
Dans le détail, on retient que chaque critère définit certains objectifs du « bon aménagement » :
- Physique : Forme et diversité, efficacité écologique, accessibilité, confort, flexibilité.
- Économie : contribution à l’économie locale et flexibilité de l’espace dans le cadre de ces activités.
- Administratif : relève de deux aspects : une bonne gouvernance pendant la création de l’espace et son prolongement par une réflexion sur l’efficacité de l’entretien.
- Social : lisibilité de l’espace, sens du lieu, expérience vécue, interactions sociales, sécurité (confort social).
Quelques remarques face à ces critères :
- La première nous parait à la fois étonnante et pourtant évidente : le critère ayant le poids le moins élevé est le « social ». La raison en est relevée également dans l’article en précisant que, si les 3 autres critères ne sont pas relevés, la durabilité de l’espace sera fortement hypothéquée : Bien que l’interaction et le confort sociaux soient importants, leur plein potentiel dépend du succès des aspects physiques et économiques. Cette remarque nous apparait essentielle et parfois quelque peu oubliée dans le cadre des aménagements contemporains : l’espace public a pris naissance dans l’agora grecque, mais a pris son essor au Moyen-âge comme espace d’échange avant l’arrivée des bourses (Amsterdam, Londres …).
- La seconde est liée à la flexibilité de l’espace qui rend celui-ci ouvert et lisible, offrant, de facto, plus de sécurité. Ces liens sont détaillés dans l’étude et renvoient à une maladie spécifique des techniciens et des architectes : remplir l’espace public n’est pas une solution optimale. D’une part, remplir l’espace le rend beaucoup plus insécurisant (je sais, c’est contre-intuitif) et difficile à entretenir tout en le rendant moins flexible. Ce mal est souvent porté par les administrations qui désirent que tout soit prévu et donc avec de nombreux objets de gestions sur l’espace proprement dit. À cela s’ajoute la nécessité de placer les abris bus, les places de parkings, souvent entre deux arbres, etc. Lorsque l’espace est large, cela pose relativement peu de problèmes, mais, lorsque l’espace est plus restreint, on se retrouve souvent avec un catalogue de mobilier : il y a le poteau d’éclairage, puis le potelet de protection du poteau, etc.

L’article met en exergue que la question sociale, bien que ce ne soit pas le seul résultat d’un bon aménagement, est toutefois une bonne manière de vérifier que l’« espace fonctionne bien« . Toutefois, c’est la conception avec ses vertus physiques et de gouvernance qui rendent l’espace vivable et viable à long terme par son agilité fonctionnelle. Dans une époque un peu floue où des solutions parfois étonnantes de « rendre à la nature l’espace » fait fureur, on constate qu’un espace public n’est pas nécessairement bon si seulement écologique; l’espace publique étant une création strictement humaine, elle reste un espace complexe et le rôle de l’urbaniste, du paysagiste ou de l’architecte est de le rendre intelligible pour tous.
Pour conclure
Globalement, il découle de ces critères une approche plus systémique de l’évaluation des critères ODD dans le cadre de l’aménagement des espaces publics. Une méthode qui prendra de plus en plus d’ampleur face à la double comptabilité que les communes vont devoir implémenter dans les années à venir. Comme tous les projets d’aménagements prennent du temps, il semble assez logique de commencer à y penser aujourd’hui et pour tous les nouveaux projets : Ce classement sert d’outil pour orienter les futurs projets en fournissant des informations précieuses sur les éléments qui devraient être prioritaires dans les processus de conception durable.
Bonne et belle journée à vous.
Pour complément : une autre réflexion sur l’écologie et la gestion des espaces publics.
- Changement climatique : lorsque les villes et leurs périphéries ne font qu’un, 12 septembre 2024
- Les Mèmes « Il faut moins chaud dans la rue avec des arbres »: une vérité absolue?, 1 septembre 2023
- retour sur la définition d’ilot de chaleur et outils d’aide à la décision (Open data), 8 septembre 2022
- The tree that hide the City, 12 janvier 2021
- ONU-Habitat, les ODD : ici
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Pascal SIMOENS Ph.D, Architecte et urbaniste, data Scientist. Expert Smart Cities. J’ai commencé ma vie en construisant des villes en Lego, j’en ai fait mon métier. Geek invétéré, aujourd’hui je joins mes passions du numérique et de la ville au travers d’une expertise smart Cities et smart-buildings en travaillant en bureau d’étude (Poly-Tech Engineering) et j’enseigne cette même expertise à l’UMONS et l’ULB.
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