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mots-clés : City, ville, végétation, architecture, écologie, sustainability, 21st century
Chers lecteurs,
Lorsque je travaille avec mes étudiants, souvent ils me proposent des projets avec comme référence la verdurisation de Paris pour 2050, proposée par Vincent Callebaut, architecte de l’image verte. Cette référence a le don de m’énerver !
En effet, ces belles images ont-elles vraiment du fond, et si oui, lequel ? Nombre d’entre -nous connaissent le beau projet de tours forestières développées par l’architecte Stéfano Boeri en 2014 à Milan. Toutefois, le retour sur expérience semble bien plus mitigé que l’enthousiasme des « spacialistes ». En effet, la nature et l’architecture ne font pas toujours bon ménage. Dans le cas qui nous concerne, nombre des personnes vivant dans ces deux immeubles se plaignent que les insectes envahissent leurs appartements. Bonjour les araignées… oui, dans le prix de cette nature formatée, les lois naturelles reprennent vite leurs droits. La seconde complainte est le cout exorbitant de l’entretien… un arbre, ça pousse. Cette expérience n’est pas la seule, le quartier des casernes à Grenoble (N. Michelin) intégre également des façades végétales sur certaines parties d’immeubles avec les mêmes griefs des habitants.

Pourtant, les architectes ne sont pas en reste, et des caciques comme jean Nouvel (associé à Alberto Medem) s’y mettent aussi pour le projet Aquarela dans le quartier de Cumbaya de Quito (Équateur).
Ce projet est présenté comme conçu comme un monolithe, le complexe « aquarela » a une cour intérieure qui a été conçue par les ateliers jean Nouvel – aux côtés de l’architecte associé alberto medem / humboldt arquitectos – pour se sentir comme un col de montagne avec plus de 1000 mètres carrés de jardins verticaux. D’ici, les résidents peuvent accéder à une suite d’équipements qui comprend une piste de bowling, une salle de musique et un parcours de minigolf. Toutes les commodités communes, visibles dans la galerie au bas de cette page, sont déjà terminées alors que les résidents commencent à emménager. À l’extérieur, le projet se définit par son utilisation de la verdure et de la végétation – répondant à son environnement et à son contexte. Les extérieurs en pierre se traduisent par une façade qui répond à l’espace physique où elle est située, avec des plantes indigènes de la région se mêlant à la façade extérieure. (DesignBoom, 12 octobre 2020).

Outre une architecture pour riches, comme si la nature devenait un luxe, il est peut-être temps également de se demander quel est le bilan carbone de ce type d’opérations. Car si de prime abord, on peut rêver de la captation du carbone par les plantes installées sur les murs et les terrasses, ces mêmes structures sont fortement alourdies par leurs propres poids (terres, stockage de l’eau …). Nous savons aujourd’hui que la construction (le fait de construire) est l’un des facteurs importants de la production de carbone dans les villes. Bientôt, avec la généralisation des VE, le chauffage et la construction seront les plus grosses productions de carbone en ville. Alors, augmenter les dimensions des structures en béton (ou en acier) pour planter des arbres à 150 m de haut, cela a-t-il du sens ? N’y a-t-il pas suffisamment d’espaces au sol pour ramener de la nature en ville ? Le travail mené par la ville de Milan est exemplaire à cet effet pour réduire les températures des ilots de chaleur est remarquable.

Mais ne me faites pas dire ce que je ne dis pas, l’écologie et l’architecture, la nature est l’architecture se porte bien et peuvent sans problème développer des symbioses remarquables. Cette école des sciences et de la biodiversité en est la preuve à Boulogne Billancourt : 4 milieux différents : les murs, les pieds de murs, les prairies et la forêt.
114 espèces végétales observées au total, dont 70 espèces arrivées spontanément ! (source : Agence régionale de la biodiversité) une architecture sans concession, non habitée et catalyseur de biodiversité pour tout un quartier. Peut-être qu’un équilibre pourrait donc être trouvé, mais probablement pas avec les habitants, mais bien les usagers de la ville. Cette même biodiversité peut également se retrouver ponctuellement sur les toitures avec des plantations mellifères, un choix plus raisonné des espèces d’arbres plantés dans les projets, anticipant les changements climatiques et servant de refuges pour les insectes dans 15 ou 20 ans, etc.

Pour conclure, je pense que ces images « toutes vertes » sont contreproductives ainsi que ces projets emblématiques et souvent réalisés pour un club de super riches dont le cout d’entretien ne présente pas d’enjeu. En revanche, une réflexion douce et concertée pour l’amélioration de la place de la nature en ville est nécessaire pour compenser les risques climatiques à venir et pour lesquels, la ville est très peu résiliente actuellement. Lorsqu’on sait que la ville peut être 3 ou 4°C plus chauds que la campagne, cela mérite réflexion. Et rappelons-nous que le temps de la nature n’est pas le temps de l’homme. Aucune technologie ne fera paraitre 15 ans un arbre de 5 ans.
Merci de votre lecture.
Pascal SIMOENS Architecte et urbaniste, Data Curator. Expert Smart Cities. J’ai commencé ma vie en construisant des villes en Lego, j’en ai fait mon métier. Geek invétéré, aujourd’hui je joins mes passions du numérique et de la ville au travers d’une expertise smart Cities et smart buildings en travaillant en bureau d’étude (Poly-Tech Engineering) et j’enseigne cette même expertise à l’UMONS et l’ULB.