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mots-clés : soutenabilité, développement durable, sustainability, architecture, heritage, housing, logements, patrimoine immobilier
Chers lecteurs,
Quelle ne fut pas ma surprise de ce titre accrocheur proposé par Marie-Estelle Pech, journaliste au média généraliste Marianne.net, ce 3 janvier 2023 et consécutivement à un autre article (28 décembre 2022) traitant de la complexité des procédures de rénovations subsidiées en France !
En substance, cet article s’appuie sur une étude britannique présentant l’analyse et les conclusions que l’isolation des combles et des murs creux du parc de logements existant au Royaume-Uni ne réduit la consommation de gaz que pendant la première ou la deuxième année. Toutes les économies d’énergie disparaissent la quatrième année après une rénovation. À juste titre l’auteure nous signale cela déprimant.
L’étude

Cet article se base sur l ’étude Assessing the effectiveness of energy efficiency measures in the residential sector gas consumption through dynamic treatment effects: Evidence from England and Wales disponible sur la plateforme Science Direct (Energy Economics, Volume 117, Janvier 2023, 106435).
En substance, l’article démontre que sur l’étude du différentiel de consommation pendant 4 ans, à partir de la rénovation des logements, les effets de la rénovation sur les valeurs réelles de consommation ne sont pas significatifs. C’est ce qu’on appelle un « effet rebond » : je fais moins attention à ma consommation, car je sais que je vais moins consommer. L’étude, réalisée sur 55.154 ménages, démontre également que cet effet rebond est le plus marqué chez les populations les plus défavorisées.
Pour rappel, la question du bilan carbone de la construction est un problème essentiel dans la construction. Selon le rapport de UN Environment Programme et de Global alliance for Buildings and Construction sur l’état mondial des bâtiments et de la construction, édité en 2022 , la part mondiale des émissions de CO2 pour la fabrication des matériaux et les méthodes de construction des bâtiments représente 37% des émissions globales en 2021. Celle de la consommation énergétique finale des bâtiments représente 34% des émissions globales en 2021. Le secteur de la construction se place en tête des émissions de CO2 devant les autres industries et le secteur du transport (United Nations Environnent Programme 2022). Par ailleurs, notre travail dans le bassin hennuyer confirme la problématique sociodurable et économique dans un contexte bâti qui représente 1/3 des habitants de la Wallonie, dont le patrimoine bâti représente 37% du parc immobilier wallon (2019) et où le label énergétique G (30.2%) (ibid) est malheureusement le plus présent dans les conclusions des certificats de Performance Energétique du Bâtiment (PEB).

Le lien entre pauvreté, énergie et efficacité est donc un problème essentiel, mais qui reste encore aujourd’hui pris uniquement par une question d’efficacité technique et non sociale.
L’étude ne dire rein d’autre : selon un rapport du DECC (2012), alors que la consommation d’énergie domestique britannique a augmenté de 22 % entre 1970 et 2007, si une nouvelle isolation ou des technologies de n’avaient pas été installées pendant cette période, cette augmentation aurait été plus du double. Mais comme le souligne le rapport du DECC (2012), il reste encore beaucoup à faire en matière d’efficacité énergétique (ainsi que dans d’autres domaines) est nécessaire pour atteindre les objectifs du Royaume-Uni en matière de climat et d’efficacité énergétique, réduire les factures d’énergie et lutter contre la pauvreté énergétique. (ICL, 2019) et de surenchérir avec : L’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime qu’une série de politiques publiques peuvent réduire la consommation d’énergie dans les bâtiments résidentiels dans le monde de 30 à 80 %, tout en augmentant la sécurité énergétique et en améliorant les conditions de bien-être (AIE, 2017). Toutefois, cette estimation est fondée sur un modèle ex ante basé sur l’ingénierie qui fait d’importantes hypothèses concernant l’impact des nouvelles politiques sans tenir compte des aspects systémiques ou comportementaux.
Lorsque les études montrent que le bilan carbone des logements sont liés à + de 90% des besoins en chauffage, cette question devient centrale lorsque les pays et régions désirent atteindre les objectifs européens de 2050.

Comment améliorer l’équation investissement + usages ?
Le projet CityZEn (Urban New Energy, Smart Energy Solutions: what is keeping cities from implementing?) , financé par l’Europe (Grant agreement N° 608702) avait déjà démontré aux Pays-Bas (Amsterdam) que la rénovation des logements sociaux n’avait pas l’impact espéré. Pour y remédier, les pouvoirs publics ont focalisé leur attention sur l’éducation à travers un serious game sous le nom de The Age of Energy.et permettant aux enfants … d’éduquer les parents. Basée sur la plateforme Android/Google Ingress, cette application permettait aux enfants de gagner des crédits lorsque la famille faisait attention à leur consommation d’énergie.
L’étude a démontré que l’efficacité finale s’approchait des modèles à +/- 10%, ce qui est un gap important pour l’efficacité des investissements.
De nouvelles approches ?
Au sien de notre équipe d’ingénieurs chez POLY-TECH Engineering nous travaillions sur le concept d’entropie globale liant à la fois la gestion des processus de réduction des besoins d’énergie en amont (conception/CAPEX), mais aussi l’entropie des consommations (consommation/OPEX). Si la première phase de conception se doit d’être la plus sobre dans ses choix, la seconde quant à elle se déploie grâce aux outils numériques mis à notre disposition (IoT et monitoring) nous permettant de mesurer la réalité de nos simulations, mais surtout de les adapter et les corriger en transmettant les données aux usagers pour qu’ils puissent prendre conscience de leur impact dans l’efficacité réelle des solutions mises en œuvre. UN processus toujours en cours, mis en œuvre de manière structurée (et théorisée) depuis 2020.
Conclusion
Cet article anglais met une nouvelle fois en évidence ce qui est reconnu par les professionnels depuis de nombreuses années et l’ensemble des plans d’isolations des logements sociaux. IL apparait de plus en plus évident que non seulement ces plans sont nécessaires, mais tout autant insuffisant si les maitres d’ouvrage ne s’activent pas pour accompagner les changements d’usage et, il faut le dire, les contrôler, ce qui implique également une éducation participative des locataires dans les objectifs de réduction du bilan carbone de nos territoires. C’est dans l’intérêt de tous, et certainement plus encore, de celui des personnes précarisées.
Merci de cette lecture.
Pascal SIMOENS Architecte et urbaniste, data Scientist. Expert Smart Cities. J’ai commencé ma vie en construisant des villes en Lego, j’en ai fait mon métier. Geek invétéré, aujourd’hui je joins mes passions du numérique et de la ville au travers d’une expertise smart Cities et smart buildings en travaillant en bureau d’étude (Poly-Tech Engineering) et j’enseigne cette même expertise à l’UMONS et l’ULB.
sources photos :
première photos : Cité Parc, Charleroi, architectte Axi(h)ome
autres photos : issues du site City Zen