CONNAISSEZ-VOUS LA PREMIÈRE AUTOROUTE AU MONDE ET CE QU’ELLE NOUS APPREND SUR L’ÉVENTUEL DEMENTELLEMENT DU VIADUC HERMAN DEBROUX ?

source : https://www.vanderbiltcupraces.com/

Temps de lecture : 5 minutes
mots-clés : autoroute, motor parkway, Vanderbildt Cup races, New York, Long Island, cars, Herman Debroux, Woluwé, Bruxelles.

Chers lecteurs,

La Long Island Motor Parkway ne vous dit probablement pas grand-chose et c’est normal. Cette route construite du Queens vers Long Island le long de la côte atlantique fut, comme souvent aux USA, un projet d’initiative privée : la construction d’une route entre Manhattan et les résidences de villégiature situées à quelques dizaines de kilomètres. Eric Kober le rappelle fort bien dans son article Scars on the Cities (Autumn 2021, City Journal[1]) :

« La première route américaine conçue pour la conduite rapide fut la Long Island Motor Parkway, construite à titre privé par un homme riche pour lui et ses amis qui se rendaient de New York à leur propriété de Long Island. La promenade a été ouverte aux voitures en 1908 ; aujourd’hui, on peut marcher ou faire du vélo sur une partie de la route originale dans le Queens. Avec ses ponts au-dessus des rues et ses bretelles d’accès et de sortie, la Long Island Motor Parkway a établi le vocabulaire de conception de toutes les routes à accès limité qui ont suivi. »

source : ibid
dédoublement de la première « motorway » dans les années 1930, source : ibid.

Outre le vocabulaire autoroutier développé pour l’occasion et devenant la norme pour la suite (éviter les croisement, ouvrages d’art de contournement des villes et villages, etc.), l’intérêt est de voir l’évolution de cette simple route à 2 bandes pour devenir une autoroute à 4 bandes avec échangeurs imposants dès les années 1930… mettant en désuétude la première autoroute qui est devenue aujourd’hui un… RAVeL (réseau autonome de voies lentes). Un paradoxe et surtout un magnifique recyclage !

la première autoroute… aujourd’hui.

C’est un processus qui doit être analysé également à l’aulne de l’arrivée massive des véhicules électriques qui, paradoxalement, consomment bien moins de kW sur les routes traditionnelles que sur les autoroutes. Dans les années 50-60, au même titre que la décongestion des villes est passée par des concepts de Rings/ceintures souvent matérialisés par des viaducs et tunnels de l’âge d’or des grands travaux, ces mêmes infrastructures sont aujourd’hui en voie d’obsolescence, autant par l’inutilité de la vitesse, mais également par la réduction des besoins de mobilité individuelle remplacée par les Métavers et consort encore à l’état de prototypes… comme la Long Island Parkway voici un siècle.

Une nouvelle équation

Nous avons déjà longuement écrit sur la mobilité du futur dans les articles de 2021. Nous n’y revenons pas. On y retiendra l’hypothèse des nouveaux paradigmes de mobilité (réduction du nombre de véhicules, augmentation de la mobilité alternative et douce, développement massif des transports en commun…) qui obligent à réfléchir différemment aux usages des routes dans un contexte où l’un des enjeux de demain est de maintenir au maximum l’offre globale de mobilité dans des territoires wallons où l’urbanisation linéaire et relativement peu compacte est la règle.

le projet Seoul 7017, la récupération d’une bretelle d’autoroute pour en faire un parc.

Des solutions de transformations des infrastructures existent déjà. Nous pourrions citer le Seoullo 7017 Skygarden de MVRDV en Corée du Sud (2017), l’incontournable High Line à New York … Ce que nous constatons de ces différents projets, c’est que la transformation de ces infrastructures s’accompagne toujours d’une plus-value foncière. On notera également que si le pont ne vient pas au sol, le sol peut venir au pont, tel que le suggère le Baumeester carolo l’a proposé à Décathlon et aux architectes de l’Atelier de l’arbre d’Or (Namur) pour la réalisation du Décathlon centre-ville à Charleroi, le long du Ring n°9.

source : MVRDV, 2017
le projet Décathlon, le long du ring 9 de Charleroi, arch. L’atelier de l’arbre d’or.

Nous pensons que cette évolution n’est pas fortuite dans un monde où la mobilité individuelle massive est déjà dépassée et où la question de l’évolution des infrastructures se pose. Contrairement à ce qui est souvent imaginé, une route est en continuelle mutation dans le temps même si leurs tracés sont souvent immuables. Prenons l’exemple des routes romaines traversant le nord-ouest de l’Europe et qui aujourd’hui continue à irriguer les traversées de campagnes et villes, bien loin des paysages gaulois. En outre, ces axes sont souvent accompagnés d’aménagements du territoire qui facilitent la construction d’activités économiques générant des emplois. Face à ce constat, certaines interventions comme celle sur le périphérique parisien et sa couverture montrent une voie couteuse et qui ne règle pas la question du développement adaptée à la nouvelle mobilité qui vient poindre son nez et risque bien de se renforcer d’année en année.

Toutefois, chaque époque doit rencontrer son upgrade (c’est à la mode en ce moment avec Windows 11). Il doit permettre de réfléchir avec ce qui est déjà construit plutôt que de démolir tout en offrant de nouvelles opportunités.

source image : de standaard

Un exemple : Herman Debroux

C’est la question qui va se poser pour le futur démantèlement du viaduc Herman Debroux en région Bruxelloise. Si tout le monde rêve aujourd’hui de le voir disparaitre, il se pose toutefois la question de la pertinence de son démantèlement complet. Tant pour des raisons d’écologie de la construction (déconstruction c’est avoir besoin d’énergie) que pour des questions de développement d’un espace public atypique reliant la Plaine à la forêt de Soignes. Un ruban d’asphalte qui, se dédoublant du sol, offre une multitude d’aménagements tridimensionnels sur un même espace superposé permettant d’offrir bien plus qu’un simple boulevard arboré.

En ces temps où les besoins en espaces publics se font drastiquement sentir, on est en droit de demander que tout élément permettant la création de plus d’espace public sur un même espace soit pris en considération. Il en va de même pour les espaces futurs dessous du ring de Charleroi, des viaducs sous l’entrée des autoroutes à Gand, etc. Innover avec nos infrastructures pour les faire entrer dans le 21e siècle nécessite de penser « en dehors de la boite » en incluant la gestion parcimonieuse des ressources tout autant.

Merci de votre lecture.

Seoul skygarden , MVRDV.

Pascal SIMOENS Architecte et urbaniste, Data Scientist. Expert Smart Cities. J’ai commencé ma vie en construisant des villes en Lego, j’en ai fait mon métier. Geek invétéré, aujourd’hui je joins mes passions du numérique et de la ville au travers d’une expertise smart Cities et smart buildings en travaillant en bureau d’étude (Poly-Tech Engineering) et j’enseigne cette même expertise à l’UMONS et l’ULB.


[1] City Journal is a publication of the Manhattan Institute for Policy Research (MI), a leading free-market think tank.

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