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mots-clés : CO-APS, Barcelona, Istanbul, Sofia, Karditsa, Transports en commun, Covid-19, UITP, usagers, traçabilité, heures de pointe.
Chers lecteurs,
Toutes les études démontrent que la COVID-19 a eu un impact majeur sur les usages des transports en commun. Une étude de l’union des Transports publics en France donne des chiffres mesurés en septembre 2020 qui sont significatifs et dans la moyenne d’autres analyses de l’UITP.
« Un chiffre choc ressort de l’enquête publiée jeudi 19 novembre et menée, en septembre, auprès de 1 500 personnes habitant des villes de plus 50 000 habitants : 30% des voyageurs habituels des transports prévoient de s’en détourner une fois la crise sanitaire passée. Un tiers des sondés comptent utiliser moins souvent (27 %) ou plus du tout (3 %) les transports publics ne soulignent l’étude, prolongeant (en l’atténuant) au-delà de la « période virus » la tendance observée pendant le premier confinement. » (Source : Eric Béziat, 30 % des usagers disent vouloir renoncer durablement aux transports en commun une fois la crise sanitaire passée, le Monde, 19 novembre 2020)
L’objet de cet article n’est pas d’entrer dans la polémique quasi habituelle des gens regroupés dans les transports en commun, alors qu’ailleurs on demande de la distanciation sociale. Pour rappel, les règles de base sont : si pas de distance sociale possible, alors le masque est obligatoire. Ajoutons à cela, dans un local fermé, il doit être ventilé malgré cette distance sociale. Et la question de ventilation est essentielle pour les transports en commun. En effet, une rame TGV est recyclée d’aire neuf toutes les 3 minutes. L’UITP ne dit rien d’autre dans une étude qu’elle a menée le risque de contamination dans les transports publics est minime, du moins si le nettoyage et la ventilation sont suffisamment assurés. D’après les résultats d’analyses, à peine 0,2 % des infections peuvent être attribuées aux transports publics en Allemagne. En France, ce chiffre est de 1,2 % et en Grande-Bretagne, le risque d’être infecté dans un train est de 0,01 %, ce qui est inférieur à celui de mourir dans un accident de voiture. (Source : Belga /le Soir, Coronavirus: le risque de contamination dans les transports publics est minime, selon l’Union internationale des Transports publics, 22 octobre 2020).
L’enquête note que 66 % des utilisateurs réguliers des transports publics ayant continué à se déplacer au printemps ont évité les modes collectifs et préféré voiture, vélo ou marche à pied plutôt que le transport collectif du quotidien. Ces choix de « nouvelles mobilités » renvoient à un usage pas nécessairement plus important de la voiture, mais bien à des déplacements alternatifs tels que le vélo, la trottinette ou tout simplement à pied. Ce qui renvoie à un problème de fond pour les transports publics : une perte de clientèle qui pourrait difficilement revenir à la contrainte des transports moins flexibles que les multimobilités offertes aujourd’hui dans les grandes et moyennes villes. Notons toutefois que la congestion s’accroit lorsqu’il est question de déplacements à plus grande distance (la banlieue) expliquant probablement un retour presque normal sur les routes lors du deuxième confinement en Belgique. Globalement, on parle d’une évaporation de potentiel de 3 usagers sur 10, soit 1/3 des passagers, ce qui est une catastrophe pour les finances des transports publics. Pour rappel, en région bruxelloise, 1/3 du financement des transports vient des tickets et abonnements. Cela signifie dont un manque à gagner dans le budget global de la STIB de 1/6e !
Quelles alternatives pour ramener les passagers dans les transports en commun ?
Une ville comme Barcelone, aidée par l’UE et l’UITP a lancé avec quelques villes sœurs une application d’information sur la densité de trafic en temps réel. Cette application CO-APS, financée par EIT Urban Mobility, une initiative de l’Institut européen d’innovation et de technologie (EIT) propose de mesurer le nombre de passagers par rame et d’en définir des statistiques renvoyées aux personnes géolocalisées et dont les habitudes sont intégrées dans l’application. De ce fait, la personne est informée que si elle le désire, elle peut partir 15 minutes plus tôt ou plus tard pour avoir moins de personnes dans le métro ou le bus.
Comment fonctionne l’application ?
Nous nous trouvons face à un cas d’école de gestion et apport des métadonnées pour l’optimalisation des systèmes « CO-APS collecte en permanence des données (à partir de capteurs de présence, de caméras, de validation de ticket, etc.) pour déterminer la densité dans une station, un véhicule ou une zone spécifique. En fournissant ces informations aux passagers, ils peuvent prendre une décision éclairée concernant leur voyage. » (Daniel Serra, Directeur de l’Innovation Hub South chez EIT Urban Mobility). En outre, l’application permet aussi à l’utilisateur d’informer de la densité de la station ou de la rame. Finalement, si cette application est pertinente pour l’usager en améliorant son confort, il est également un puissant outil de mesure des transports publics pour mieux modéliser les heures de pointe. Comme c’est souvent le cas dans les applications numériques, on la destine à une solution et d’autres réponses non prédéfinies viennent valoriser le cout des infrastructures nécessaires aux usages et collectes desdites données.
Toutefois, se pose à nouveau la même question : qu’est-il fait de ces données ? où sont-elles stockées, comment sont-elles anonymisées ?
Car pour les besoins de cette pandémie, il semblerait que nombre d’entre nous accepte une intrusion sans pareil dans notre intimité. Ici, en l’occurrence, savoir à chaque instant dans les transports publics où vous vous trouvez. Imaginez-vous voici à peine un an, une société de transport vous proposant : « téléchargez nous application pour plus de confort dans nos trains. En contrepartie nous saurons à chaque instant où vous nous trouvez, mais c’est pour votre confort. ». Franchement auriez-vous accepté ?
Chers lecteurs, il est grand temps de reprendre la main sur vos données et les questions sanitaires sont à mettre en balance avec votre vie privée. Imaginez qu’aujourd’hui, CO-APS est testé dans quatre villes pilotes en Europe : Istanbul, Sofia, Barcelone et Karditsa. Ce projet très efficace pourrait se généraliser dans tous les transports en commun…
Merci de votre lecture.
Pascal SIMOENS Architecte et urbaniste, Data Curator. Expert Smart Cities. J’ai commencé ma vie en construisant des villes en Lego, j’en ai fait mon métier. Geek invétéré, aujourd’hui je joins mes passions du numérique et de la ville au travers d’une expertise smart Cities et smart buildings en travaillant en bureau d’étude (Poly-Tech Engineering) et j’enseigne cette même expertise à l’UMONS et l’ULB.