IMMOBILIER, DATA & VENTE EN LIGNE : NOUVEAUX PARADIGMES D’UN FUTUR PROCHE

extrait du site TurnKey, joinventure entre les grands real Estate Américains et Amazon.

Temps de lecture : 5 minutes
Mots clés : immobilier, data analyst, données, Amazon, agents immobiliers

Je le rappelle souvent dans les posts de ce blog : les données changent tout, pour tous. Si dans les domaines tels que la mobilité ou le monde médical cela apparait déjà comme une évidence, ces mécanismes et leurs conséquences sont moins facilement discernables pour les domaines de la construction. Je remercie donc spécialement mes « amis » d’Amazon qui m’offrent l’opportunité de décrire un processus de dataification remarquable et lié à l’immobilier.

Le projet Riva, le long du Canal à Bruxelles. arch. Architectes associés.

De nouveaux opérateurs dans l’immobilier

Si vous avez regardé la vidéo sur les BID, vous connaissez donc les nouveaux acteurs de l’immobilier comme Google ou IKEA. Ce dernier sévit déjà en Belgique dans certaines opérations immobilières spécifiques. Un nouvel acteur s’immisce dans cette nouvelle danse : Amazon. Nous allons décortiquer l’intérêt d’Amazon pour ce domaine complexe qu’est la vente immobilière pour mieux comprendre que les GAFA sont d’ores et déjà les meilleurs agents immobiliers du monde… grâce à vos données et vos achats en ligne.

Amazon s’est alliée aux plus grands opérateurs de vente immobilière en Amérique. Cette association, si vous passez par Amazon et les agences, vous offre l’opportunité de gagner jusqu’à 5.000 $US dans le magasin Amazon afin d’aménager votre futur nid douillet grâce à une sélection de produits connectés à Alexa (bien sûr). Mais en fin de compte, qu’est-ce qui peut vraiment motiver Amazon à S’associer aux Century21, Sotheby’s, ERA et consorts ?

Le projet Quatuor, bureaux et usages mixtes , commerces. en cours de chantier. arch. Jaspers-Eyers

La donnée au centre des enjeux

Pour comprendre, nous vous proposons une simulation d’achat tout en indiquant, à terme, les enjeux de la donnée. Joséphine et Louis ont respectivement 32 et 34 ans, ils ont 2 enfants. Ils sont hésitants sur leurs choix et donc s’offrent un large panel via le site agrégateur d’offres immobilières Turnkey regroupant Amazon et les opérateurs en lien avec le leader mondial de la vente. Pour permettre un choix pertinent, les agents immobiliers doivent être concurrentiels et déterminer au plus vite les bons choix de visites d’immeubles pour les demandeurs. Amazon leur fournit les profils des potentiels acheteurs au travers de ses algorithmes et données issues des 15 années d’achats récurrents sur sa plateforme. Il en découle ce qui suit :

« Louis et Joséphine sont tous deux universitaires (vu leurs achats, leur niveau de vie est de +/-145.000$/an). Ils adorent voyager et sont devenus très urbains. Toutefois ils sont initialement issus de régions rurbaines et industrielles. Joséphine vient de la banlieue riche de Detroit et Louis du sud de Columbus. Louis est fan d’Indie Rock alors que Joséphine adore les films policiers-Thriller. Ils joignent leurs passions dans le matériel de projection Home-Cinéma. Ils sont également fans de jeux de société et de lecture. Leurs enfants sont sportifs (football américain). »

Tous ces éléments ne sont qu’une partie infime des données agrégées et liées à leurs achats. Il faudrait également lier celles de leurs parents respectifs qui les ont influencés tout au long de leur vie, le lien entre leur université et les acheteurs issus de s mêmes universités, etc. Globalement, des données aussi précises que pour faire gagner les élections d’un président ! Pour rappel, Facebook, Amazon et les autres ont en moyenne 140 à 200 points de liaison avec votre profil. Cela parait peu, mais pensez-vous être capable de définir une liste de 100 éléments vous caractérisant ? Essayez pour voir…

Finalement, la définition de ces profils doit permettre aux agents immobiliers de vous proposer un logement pertinent le plus rapidement possible. N’est-ce pas l’objectif de tout agent immobilier ? Le temps c’est de l’argent. En substance, l’agence immobilière pourra leur proposer le bien idéal issu de leurs propres bases de données :

« un nouvel immeuble de petite copropriété dans la banlieue de Chicago, proche de la future fondation Obama et facile d’accès avec les transports en commun et une ligne directe de métro vers le complexe du cinéma et la plus grande salle de concert de la ville. Le bien se situe à côté d’écoles réputées qui ont un très bon taux de réussite à l’admission des universités du pays. L’un des Collèges offre des études scientifiques de premier ordre avec une équipe de football parmi les meilleures de l’état du Michigan. »

En fin de compte, c’est une belle alternative puisqu’ils vivent confortablement, mais n’ont pas les moyens de payer deux grandes universités à leurs enfants séparés de 3 ans. Donc si l’un obtient une bourse universitaire liée à l’équipe de Foot, pourquoi pas ? Ces détails peuvent faire la différence.

Projet Nautilus, Bruxelles, arch. Axent Architects

Et ensuite, les bons d’achat Amazon

Ils n’ont pas besoin de ces bons, mais c’est toujours bien à prendre. La famille déjà bien connectée va renforcer celle-ci avec une liste spécialement proposée par Amazon en fonction de leur achat immobilier. Rappelez-vous, ils regroupent à eux seuls plus de 400 de concordances et Amazon va leur proposer tout ce qui peut leur correspondre et dans les moindres détails. Par ailleurs, des publicités ciblées seront proposées sur bases des données conjointes entre les agents immobiliers et Amazon pour que des tiers puissent offrir de nouveaux services dans la zone de leur futur habitat : restaurants, salles de sport, musées, bars, VPC…

Et en plus, la maison est maintenant totalement connectée, ce qui permettra à Amazon d’encore mieux connaitre ses clients consommateurs et les algorithmes de sociétés immobilières pourra vérifier les conséquences de leur déménagement sur leurs habitudes dans le nouveau quartier.

Affiner, raffiner les données

Finalement, l’objet de cette join venture est de raffiner les données croisées des opérateurs. C’est du gagnant-gagnant.

L’opérateur immobilier a gagné plus d’argent en sélectionnant directement les meilleures possibilités. Son client est content et donc en fait sa publicité. Dans un pays comme les USA où les gens déménagent fréquemment, ce n’est pas anodin.

Amazon, lui, fidélise ses clients, mais, surtout, continue à développer ses outils algorithmiques lui permettant un contrôle social de ses clients et acheteurs. Alexa y est pour beaucoup et Amazon a besoin de savoir dans quoi et où vivent les gens pour mieux cerner leurs besoins.

L’agent immobilier sera data analyst ou ne sera plus

Finalement, si Amazon continue à faire son bonhomme de chemin traditionnel, celui qui sera le plus impacté sera sans nul doute l’agent immobilier qui doit se transformer en data analyste, à la fois dans la structuration des données en amont, l’analyse des potentiels marchés selon les données mises à sa disposition et ensuite, l’analyse des données de ses clients. Aujourd’hui, ce travail se fait de manière quasi analogique, demain ce sera au travers de logiciels. Cela pose une autre question pour les aménageurs et urbanistes : une forme de normalisation du marché avec l’effacement des biais qui font pourtant l’intérêt de produits hors norme et à forte plus-value. L’agent immobilier devra donc devenir un data analyste qui aura une forte expertise des biais face à la machine qui déterminera le marché moyen.

Merci de votre lecture.

Pascal SIMOENS Architecte et urbaniste, Data Curator. Spécialiste Smart Cities et données urbaines, Université de Mons, Faculté d’architecture et d’urbanisme

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