
Je suis régulièrement abonné à des nouvelles venant de différents sites américains sur l’aménagement du territoire ou l’architecture. De fait, cette culture nord-américaine est souvent galvaudée par l’image d’Épinal qui ferait croire que les Américains ne s’intéressent pas à la culture et donc à l’architecture. A contrario, on pourrait plutôt se dire que les Européens regardent trop souvent leur nombril en ces matières… Toutefois, il faut bien reconnait qu’un élément fondamental vient perturber la lecture de la culture chez les Européens : elle doit être payée par les pouvoirs publics, gage selon eux d’indépendance, alors qu’aux États-Unis, c’est le privé qui se charge de valoriser l’art sous toutes ses formes.
Nous allons donc nous intéresser à deux projets, l’un construit qui est l’arche de Saint Louis et ses derniers aménagements qui permettent enfin de relier vraiment la ville à l’espace qui lui est dédié et, dès aujourd’hui au projet de campus de la fondation Obama qui sera construit dans le parc Jackson au sud du cœur urbain de Chicago, le long du lac Michigan.
Une fondation sponsorisée
Le président des États-Unis de manière assez similaire au président français est relativement peu rémunéré pendant ses 2 mandats successifs (ou pas). Par contre, il jouit d’une aura et d’une très belle pension. En contrepartie, la fondation de chaque président développe un objet social qui lui tient personnellement à cœur. Ces fondations sont supportées par les acteurs privés. Précisons que les fondations américaines permettent aux personnes de transformer leurs impôts en donation auprès de ces fondations. En quelque sorte, si vous devez payer des impôts, vous choisirez ce à quoi vous voulez que ce soit utilisé. La Fondation Barak OBAMA a pour objet la création et la formation des leaders de demain. Cette fondation nécessite donc un campus et Chicago (ville originaire du Président) s’est battue pour offrir un terrain adapté à ce futur campus.
Le parc Jackson est situé au sud de la banlieue de Chicago, un espace vert entouré de golfs, d’une marina et de centres culturels. Le tissu urbain avoisinant est composé de maisons bourgeoises de premier ordre tout en état accessible par les transports en communs ferrés.

Le projet de campus a été imaginé par les architectes Tod WILLIAMS & Billie STIEN, sélectionnés par Obama (après un concours) et vivant à New York. Ils sont les architectes de la nouvelle embrassade américaine à Mexico (associés à Davis Brody BOND) et leur architecture balance entre le déconstructivisme de Tom MAINE (Morphosis) et le modernisme expressionniste de Richard MEIER : Barnes Foundation art muséum à Philadelphie, American art folk muséum à NY, Université de Reva à Chicago… Rappelons également pour l’occasion que B. OBAMA rêvait d’être architecte…
En ce qui concerne le projet, c’est un ensemble relativement discret qui s’installe de manière enterrée ou presque, sauf la tour « Obama » . Une tour qui semble porter à polémique par les tenants du paysage. En effet, le parc fut réalisé par le célèbre architecte de jardin Omlsted qui, au début du 20e siècle conçut ces parcs le long du Michigan « pour être un havre de repose face à l’intensité urbaine ». Le journaliste et critique d’architecture K. BLAIR relève dans son article du Chicago Tribune ( 13 janvier 2018) que pour les opposants au projet, comme la Cultural Landscape Foundation, basée à Washington DC, le plan représente la profanation potentielle d’un parc très prisé. Après la publication du nouveau design la semaine dernière, la fondation a qualifié le plan de « confiscation de parc public » par une entité privée et brandi une citation séculaire d’Olmsted comme s’il s’agissait d’une sainte Écriture. (Traduit par Google) . Comme quoi, les mêmes intégristes se retrouvent partout… tellement cela me fait penser à certaines discussions avec la Commission Royale des Monuments et sites bruxelloise ou encore quelques fonctionnaires zélés en Région wallonne.
Précisons tout de même que les délais semblent plus raisonnables vu que cette discussion arrive 7 mois après la désignation du lauréat et après un parcours de négociation avec les différentes instances. Comme quoi, l’architecture est un travail de dialogue où que ce soit.
Je vous laisse donc découvrir ce projet composé d’un énorme parking (on est aux USA !), des salles de classe, un musée présidentiel et une bibliothèque. Pour ma part je relève deux choses :
- Une architecture à la fois sobre et imposante qui correspond bien à l’image du président qui est un faux humble…
- Une intégration paysagère assez réussie avec un respect bien réel du parc d’origine malgré le nombre de m2 prévus.

Notons cette réflexion au passage : en France, les présidents se font plaisir en construisant un musée avec les deniers publics. Aux USA, les présidents se construisent un musée pour leur gloire avec de l’argent privé. Tout un symbole des différences, non ? mais l’un est-il vraiment mieux que l’autre ? À vous de juger.
Pour compléter :
An Obama tower in an Olmsted park? Yes, but design still needs refinement.
timeline of the project (chicago Tribune)
Pascal Simoens, Urbanisme et Architecte, Data Scientist
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