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Mots clés : train, banlieue, Japon, architectes, Sanaa, beauté.
Dans mon métier d’architecte ou d’urbaniste (espace public), c’est toujours une guerre quotidienne pour expliquer que le beau c’est ce qui est inutile, mais qui fait que l’architecture devient un art, telle une peinture : ça ne sert à rien, mais ça fait du bien lorsqu’on la regarde !
Aujourd’hui, j’ai envie d’illustrer cela par l’exemple du train remarquable de l’architecte japonais Kazuyo Sejima, fondatrice de SANAA et lauréat du Pritzker en 2010. Cette dame a été commanditée par l’opérateur privé de chemin de fer au Japon SEIBU RAILWAY pour réaliser le design d’un nouveau train de banlieue.
Mais revenons d’abord sur le travail des architectes du bureau de SANAA qui sont reconnus pour leur approche minimaliste (au point qu’ils n’ont pas de site internet !) : faire de l’architecture « rien » pour aller à l’essentiel. Mais « rien » ne veut pas dire rien, bien au contraire. Le design minimaliste est souvent bien plus compliqué que l’architecture des fioritures. L’exemple récent et pas loin de chez nous est le Louvre à Lens composé de volume simple, mais jamais disposé de manière aléatoire. Ils sont plutôt disposés pour créer des espaces entre-deux, constituant des volumes en soit amenant vers les espaces d’expositions eux-mêmes. À l’intérieur, la lumière remplit l’espace… et rien d’autre, simplement pour mettre en valeur les œuvres et le paysage, créant ainsi des interactions parfois insolites entre les anciennes mines et l’antiquité. Des confrontations qui inspirent à réfléchir.

Alors, me direz-vous : comment un architecte peut-il dessiner un train ? Parce qu’un bâtiment et un train sont tous deux de l’ingénierie ! la question de l’architecture n’est pas une question de poutres et de colonnes, ni d’essieux. Ce sont également des questions de programmes et d’espace : l’un sur des rails , l’autre sur un terrain délimité en ville ou à la campagne et pour lequel les surfaces sont limitées soit par le programme , soit pour des raisons techniques, soit pour des questions financières.
Et donc à quoi ressemblent les wagons de banlieues ? Avant de regarder ci-dessous les wagons japonais, j’aimerais d’abord rappeler à quoi ressemblent les trains de banlieue à Londres, Paris et Bruxelles :

Les modèles bruxellois sont des modèles Desiro que chez Siemens. Ils sont très… très basiques, un peu comme votre voiture sans aucune option. Ils sont donc très récents et correspondent à l’ouverture partielle du réseau RER en 2017.
Les modèles de Londres (dernière mouture) sont de la même classe Desiro de chez Siemens.

Le RER francilien voit apparait de nouvelles versions de matériel de chez Alsthom. Nous avons fait le choix de montrer ce matériel récent pour que la comparaison avec le train japonais soit équivalente.

Maintenant et pour comparaison, nous mettons à votre disposition quelques photos (Deezen) du train de Seibu Railway.

Je pense que la comparaison est évidente et, pour en revenu au début de ma réflexion, démontre encore une fois que le beau c’est quand l’inutile devient indispensable. Ce qui est frappant dans ce train c’est la dimension des fenêtres qui crée un véritable cadre, une fenêtre, vers l’extérieur, mais amène aussi un bain de lumière dans les trains. Ensuite, toutes les couleurs sont douces et apaisantes.



Mais je vous entends déjà dire : « oui, mais chez nous, ça ne marcherait pas, car tout serait rapidement détruit. » Peut-être, mais en êtes-vous certain ? le beau à cette force d’être respecté, car il ne faut pas de culture pour « sentir » le beau. Tout le monde peut le comprendre, car le beau est une manière de respecter les gens. Je reste convaincu qu’un beau train est une manière de respecter les voyageurs et lorsqu’on vous respecte, vous respectez les autres personnes ou le matériel qui vous déplace d’un point a à un point b.
Pascal SIMOENS, architecte et urbaniste, Data Curator.