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mots-clés : Plateformes socionumériques, Espace public, Espaces numériques, Social Platform, Habernas, tiers lieux, vie privée, vie publique
Chers lecteurs,
Comme chaque été, je vous propose une lecture de travaux de mes étudiants en architectures confrontés à la question nouvelle du numérique dans leur exercice. Le sujet proposé par ceux-ci est relativement libre pour autant qu’ils aient un lien avec l’architecture ou l’urbanisme. Comme vous le constaterez avec l’article de DEHIMI Ikhlass, étudiante algérienne en urbanisme at ayant prolongé son cursus en Europe au sein de notre faculté d’architecture et d’urbanisme à Mons, lorsque nous parlons de lien avec les sujets traditionnels de l’aménagement du territoire, nous pouvons aussi nous poser des questions sur la virtualité (ou pas ? ) de celui-ci. En l’occurrence, le sujet traité concerne un questionnement sur la valeur du « café du commerce » pour certains, un réel espace d’échange pour d’autres : les plateformes socionumériques. À tout le moins, notre étudiante démontre que si les plateformes sont virtuelles, elles impactent la vie réelle entre vie privée et vie publique.
Bonne lecture(°).
NOTA : comme pour chaque article de mes étudiants, vous trouverez après celui-ci une analyse critique de ma part.

Introduction
Ces dernières années, il est devenu assez courant de dire que les réseaux sociaux font partie intégrante de nos vies. Chaque année, l’environnement web voit germer de plus en plus de technologies innovantes, des applications de plus en plus diversifiées se développent, et de plus en plus de questions sociétales se posent. L’émergence des nouveaux médias est liée au retour du discours sur l’espace public chez les élites académiques qui voient dans les nouveaux médias la solution d’établir « l’agora » pour sa capacité à créer un espace multidimensionnel espace qui embrasse de multiples modes d’interaction et de partage de l’information (Al-Sadiq, 2011).À la lumière de ces évolutions , attardons-nous un instant sur cette question : les réseaux sociaux représentent- ils un espace public ?
La révolution de l’information
Il y a eu une transformation massive du monde numérique avec l’essor des réseaux sociaux, tels que Facebook, Instagram, YouTube, Tiktok et des dizaines d’autres applications, et l’émergence des nouveaux médias comme vaste champ de diffusion, de réception réciproque, de débat et de reproduction de l’information (Scherer, 2011). Ces réseaux ne se limitaient pas à cela seulement ; mais sont devenues, de manière significative, les plateformes officieuses/officielles de la transmission des messages politiques et sociaux par les hauts responsables politiques, les hommes d’affaires, les ministres.
L’émergence des réseaux sociaux a été liée à l’émergence de la deuxième génération du Web 2.0, qui a véritablement provoqué une révolution dans le monde d’Internet et formé ce qu’on a appelé la communauté virtuelle. Cette révolution numérique a permis aux citoyens et aux membres du public de s’approprier le pouvoir de l’information, car elle est devenue disponible à tout le monde, bien qu’elle fût auparavant limitée à la classe politique, aux aristocrates et aux propriétaires du capital (Scherer, 2011). Cette force a la capacité de collecter des informations, de les analyser, de les reproduire et de les diffuser de manière énorme, car elle obtient des informations sensibles que parfois les gouvernements n’aiment pas publier à leur public. Elle a non seulement mis fin au monopole de l’information sur un certain groupe de la société, mais elle a également été capable de surmonter la distance et le temps et de briser les barrières de classes sociales et économiques, et a facilité la campagne contre des projets qui nuisent au public en touchant le plus grand nombre d’individus intéressés (Cardon, 2010).
Les réseaux sociaux, espace public ou privé ?

La fin de l’année 2013 a été témoin d’un cas qui a fait sensation au niveau mondial, celui où la responsable des relations publiques d’une entreprise américaine géante a été forcée de démissionner de son poste, à cause d’un tweet qu’elle a écrit avant de décoller pour l’Afrique du Sud pour un voyage de 12 heures où elle n’a pas pu donner suite aux réponses. Justine Sacco a tweeté : « Je pars pour l’Afrique. J’espère que je ne vais pas attraper le SIDA. Je blague! Je suis blanche« . Un de ses followers l’a lu et retweeté, le tweet s’est propagé jusqu’à ce qu’il atteigne des magazines et des journaux internationaux, tandis que Sacco, était toujours dans l’avion et ne savait pas qu’elle avait remué l’opinion publique, ce qui lui a coûté en retour la perte de son emploi, car l’entreprise l’a licenciée après qu’elle s’est excusée (Chahuneau, 2018). Les experts des médias et des médias sociaux ont estimé que cet incident de Sacco soit l’une des leçons le plus important pour les années à venir dans le domaine des réseaux sociaux (Pottier, 2013). Tout cela a suscité un tollé parmi le public, les académiciens et les intellectuels, sur ce que sont les médias sociaux et est-ce un espace public ou privé ? Les discussions se poursuivent sur la manière de séparer ce qui est privé et ce qui est public, ce qui est considéré comme une violation de l’éthique publique, que ce soit au travail ou à la maison (comportements individuels et comportements sociaux), et posant la question d’un État ayant le droit de surveiller ou d’accéder aux comptes d’utilisateurs pour obtenir des informations sans autorisation préalable ?
Espace public :
Le philosophe allemand Jürgen Habermas est considéré comme l’auteur de la théorie de l’espace public (Sphère publique), il a été le premier à mettre l’accent sur la nécessité de transcender l’État à travers la formation d’un espace social au cœur de l’espace public, qui est le noyau fondamental de la critique de l’État et de son fonctionnement politique, dans son célèbre livre (Transformations structurelles dans la sphère publique) (Lits, 2014). L’espace public est considéré comme un lieu public de discussion sur des enjeux publics qui ont des répercussions différentes, sur toute décision politique ou sociétale pouvant affecter l’individu actuellement ou dans le futur. Habermas définit l’espace public comme l’environnement que la société utilise pour discuter et former un mouvement général sur tout ce qui la concerne en dehors du regard et des outils de contrôle des autorités. Sa définition de l’environnement public était limitée à une certaine classe de la bourgeoisie européenne aux XVIIIe et XIXe siècles, et donc la catégorie qu’il étudiait et sur laquelle il fondait sa théorie était très limitée, et sa définition était étroite (Lits, 2014). Dans l’un de ses essais « Repenser la sphère publique : une contribution à la critique de la démocratie réellement existante », Nancy Fraser critique Habermas et affirme qu’il existe plus d’un espace public. D’après elle ce dernier est formé de plusieurs couches similaires d’espaces publics, construits sur la base de la race, du sexe, de la couleur, du statut politique, du statut social et de la profession, qui dans leur forme complète constituent les déterminants d’un seul espace public (Fraser, 1992). L’espace public, en d’autres termes, est le lieu de dialogue et de discussion au sein de la société sur les problèmes. Il existe un autre concept d’espace public, celui qui veut dire : des lieux sous leur forme tangible tels que les parcs, les écoles, les rues, les marchés, les terrains de jeux, les lieux historiques et les places. Il s’agit d’une symbolisation et d’un reflet de l’environnement public dont parle Habermas (Karim, juin 2016).
Espace privé
L’espace privé désigne le lieu appartenant à un individu ou à un groupe d’individus autres que les institutions officielles et gouvernementales. Il est généralement destiné à un usage individuel ou collectif, et est soumis à la propriété de ces individus conformément à la loi, et aucune personne, institution ou même le gouvernement lui-même n’a le droit de disposer de cet espace sans couverture légale. En appliquant la notion de propriété privée sur les réseaux sociaux, on constate que toute personne disposant d’un compte et d’un identifiant protégés par un mot de passe personnel, et est autorisée selon les règles de droit commun du site, à accéder à son compte et à accéder à ses informations, notamment messages privés et informations non publiques. Selon la réglementation de certaines entreprises, ce que vous partagez en public devient la propriété de cette entreprise (photos et vidéos) (Lits, 2014).
Tiers lieu
L’un des angles les plus importants qui doivent être recherchés est le tiers lieu, où l’espace public tangible (lieux) chevauche l’espace virtuel, où se trouve le monde d’Internet et des réseaux sociaux. Cela établit une vie publique informelle en dehors des murs de la maison, du travail et des espaces publics. Dans cet espace, la valeur morale de la participation politique augmente dans les sociétés où la liberté d’expression est limitée ou interdite par le système politique (Lits, 2014). Oldenburg a parlé de Starbucks comme d’une alternative à l’espace public, l’appelant « la culture de Starbucks« . Mais il s’est concentré sur l’aspect commercial et rentable, excluant l’étude de différents espaces, et affirmant que cela ajouterait une qualité dans les sociétés démocratiques en fournir un endroit comme Starbucks. Et c’est ce qu’on appelle l’espace pseudopublic (Team, 2020).
Internet et les réseaux sociaux comme tiers lieu

Sites de réseaux sociaux : est le contenu des données que les utilisateurs publient, écrivent et partagent, qu’elles soient sociales ou politiques. Mais l’État est confronté à de véritables défis lorsque le contenu publié affecte ses pratiques et la manière de gérer ses affaires, de sorte qu’il fixe ses yeux sur ces sites et les documents publiés. En 2012, Google et Facebook ont renforcé leurs mesures de sécurité, obligeant les utilisateurs à ajouter leurs numéros de téléphone portable sous conditions de protection. Facebook ne s’est pas arrêté là, mais il oblige parfois les utilisateurs à envoyer une photo de la carte d’identité, ou un justificatif personnel de l’entreprise, sous des prétextes de sécurité qui affectent les utilisateurs. Des millions de données d’utilisateurs ont été collectées à leur insu pour influencer le vote des électeurs américains lors de l’élection présidentielle de 2016 (Untersinger, 2018). Auparavant, Apple avait resserré les procédures de téléchargement d’applications afin que l’utilisateur dispose également d’un compte lié à une carte de crédit. Cela signifie que les entreprises qui fournissent des services dans le monde virtuel renforcent leurs mesures de sécurité, par le biais d’un nom d’utilisateur, d’une identité ou d’une carte de crédit.
Il existe un autre monde virtuel dans lequel s’exercent toutes les activités politiques, sociales et économiques, avec la présence d’entreprises et d’individus. Et selon la théorie de la « ville d’entreprise », l’entreprise est comme une ville (Illinois, 1971). Il est à noter qu’avec la capacité différente à construire des perceptions juridiques et des réglementations en vertu desquelles cette ville numérique régit ses habitants, l’espace public réel bénéficie de la facilité de le contrôler et de fixer des lois et des contrôles par l’État. Mais nous devons admettre que l’absence de contrôle de l’État sur le tiers lieu ne signifie pas qu’il s’agit d’un espace indéfini. Il est contrôlé et l’État peut l’arrêter ou se tenir dans cet espace pour réduire la pression sur lui, comme cela s’est produit en Égypte, en Tunisie et d’autres pays arabes en 2011. Bien que le service Internet appartienne à des entreprises privées, où l’individu paie des sommes d’argent pour leurs services, mais l’État a pu les arrêter (Cellan-Jones, 2011).
Par conséquent, le plus grand défi dans ce monde virtuel est la capacité de certaines entreprises privées qui ont les caractéristiques d’un espace privé, et qui fournissent des services à but lucratif, à contrôler l’espace public ou semi-public et à contrôler la vie individuelle et collective dans nos sociétés contemporaines et dans une mesure inadmissible, car cela est considéré comme une ingérence dans la vie privée, ce qui nécessite parfois l’intervention de l’État pour que ces entreprises cessent leurs atteintes à la liberté de l’individu (Damien Leloup, 2015). En appliquant les mêmes critères que Habermas dans sa théorie sur le tiers lieu pour construire une société démocratique et dans laquelle l’information se diffuse rapidement afin que les tiers lieux prennent un espace précis, celui-ci peut être considéré équivalent à l’espace public réel (Burret, 2013). Ces critères sont :
- Le statut social : Dans le tiers lieu, le statut social de toute personne est ignoré, et toutes les opinions sont exprimées librement et complètement sans tenir compte ni affecter l’opinion des individus, donc le principe d’égalité est atteint.
- L’autorité d’interprétation : L’autorité d’interprétation est considérée comme l’un des pouvoirs les plus importants dans les sociétés démocratiques, et celui qui la possède dans le monde numérique est le citoyen qui utilise les réseaux sociaux pour exprimer son opinion, cette autorité reste toujours un objet de lutte entre le citoyen et l’État.
- L’inclusivité : Aucun individu ou citoyen ne peut être exclu de la participation au débat politique. Tout comme les médias traditionnels ont contribué à façonner l’opinion publique, les médias sociaux travaillent à créer des sujets de débat et à former une opinion publique autour de ces derniers, et ont même facilité l’accès de l’individu à son espace privé dans les outils de médias sociaux via les téléphones mobiles attachés à lui. L’inclusivité a conduit à un retour au concept d’espace public de Habermas et a fourni une couverture à sa théorie dans laquelle une seule classe de la bourgeoisie européenne étudiait.
Conclusion
Toute question ou opinion publiée ou divulguée qui n’était pas dans le cadre de l’opinion publique relève toujours du jugement privé et individuel, et aucune institution officielle ou non officielle n’a le droit de tenir responsable tout utilisateur d’un outil de médias sociaux, premièrement : parce qu’il lui manque l’élément de sa présence dans la zone de l’opinion publique, et deuxièmement : la liberté d’expression comprend l’utilisation de tous les moyens disponibles individuellement et garantis par la loi. Il y a ceux qui croient que l’espace public n’est pas seulement une arène de discussion, car il est important de soumettre les résultats des débats aux autorités pour former des décisions qui soutiennent le changement social. Les pages Facebook ou les comptes Twitter protégés ne peuvent pas être considérés comme un espace public, parce qu’ils sont protégés par une personne et si le contenu publié sur sa page est distribué, republié ou utilisé sans avoir son autorisation, cela peut être considéré comme une atteinte à la liberté individuelle. Ainsi, certains sites de réseaux sociaux limitent les possibilités de partage des écrits entre public et privé, et entre plusieurs espaces prédéfinis. Si la participation est destinée au public, alors c’est un message et une participation dans l’espace public, et son auteur peut être tenu pour responsable s’il s’agit d’un crime exprimé.
Analyse critique :
Notre étudiante montre à quel point les aspects culturels peuvent influencer aussi notre perception des modèles. En effet, ses origines issues d’un pays où la liberté d’expression reste complexe influencent judicieusement sa perception de la notion d’espace public développé par de nombreux chercheurs sur les plateformes socionumériques. Les arguments contractuels sont assez justes, toutefois il en va de même lorsque vous entrez dans un café et commencez à discuter de sujets d’actualité avec vos amis et amies : vous entrez dans un domaine privé régi par le cafetier et vous en accepter ses conditions d’utilisation. C’est pour cette raison que la notion de tiers lieux reste encore aujourd’hui très complexe à définir alors que la théorie de la ville intelligente est plus ou moins stabilisée lorsqu’elle n’existe que depuis à peine 20 ans.
Il reste alors la question de Justine Sacco qui pose la question du second degré qui est beaucoup plus culturel. Or la question culturelle est de plus en plus croisée grâce aux PSN qui permettent de croiser le monde entier. Peut-être que ce second degré nécessite justement une rencontre IRL mettant en éveil les 5 sens pour mieux se comprendre. IRL ou bien dans le métavers.
Pascal SIMOENS Architecte et urbaniste, Data Scientist. Expert Smart Cities. J’ai commencé ma vie en construisant des villes en Lego, j’en ai fait mon métier. Geek invétéré, aujourd’hui je joins mes passions du numérique et de la ville au travers d’une expertise smart Cities et smart buildings en travaillant en bureau d’étude (Poly-Tech Engineering) et j’enseigne cette même expertise à l’UMONS et l’ULB.
(°) les modalités rédactionnelles proposées aux étudiants :
- L’article fera +/- 3 pages de texte soit 3.000 mots, structuré avec une table des matières et sur base du modèle de texte qui est mis à votre disposition dans > fichiers
- Les critères d’évaluation sont :
- Le choix de la thématique en rapport aux questions numériques (au sens large)
- La base de lectures que l’étudiant.e a utilisé pour étayer ses propos écrits
- Le développement des idées personnelles de l’étudiant.e face au sujet développé
- La qualité rédactionnelle (tournures de phrases, orthographe…)
- l’article ayant une finalité « blog » et non scientifique, les sources issues de sites internets sont acceptées.
Références :
Al-Sadiq, A.-H. (2011). Les nouveaux médias et espace public : renouveau et renaissance. magazine de la radio arabe, 15-26.
Burret, A. (2013). Démocratiser les tiers lieux. Multitudes, 89-97.
Cardon, D. (2010). Les réseaux sociaux en ligne et l’espace public. L’Observatoire, pages 74 à 78.
Cellan-Jones, R. (2011, 01 28). Egypt severs internet connection amid growing unrest. Retrieved from BBC News: https://www.bbc.com/news/technology-12306041
Chahuneau, L. (2018, 02 13). Justine Sacco, histoire d’un lynchage en ligne. Retrieved from Le Point: https://www.lepoint.fr/societe/justine-sacco-histoire-d-un-lynchage-en-ligne-13-02-2018-2194655_23.php
Damien Leloup, M. U. (2015, 10 06). Les conséquences de l’invalidation de l’accord « Safe Harbor » sur les données personnelles. Retrieved from Le Monde: https://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/10/06/safe-harbor-que-change-l-arret-de-la-justice-europeenne-sur-les-donnees-personnelles_4783686_4408996.html
Fraser, N. (1992). REPENSER LA SPHÈRE PUBLIQUE :. MIT Press, p 109 -142.
Illinois, L. (1971). A Model Company Town (1890-1934). Journal of the Society of Architectural Historians, 219-227.
Karim, B. A. (juin 2016). Médias et communication : une lecture critique dans la problématique des espaces. Riwak, 38-56.
Lits, M. (2014). L’espace public : concept fondateur de la communication. CAIRN.info, de 77 à 81.
Pottier, J.-M. (2013, 12 22). Justine Sacco, ou les infortunes de la vertu en ligne. Retrieved from Slate.fr: http://www.slate.fr/life/81481/justine-sacco-tweet-sida-indignation
Scherer, É. (2011). À-t-on encore besoin des journalistes ? paris: Presses Universitaires de France, pages 25 à 97.
Team, M. (2020, 09 04). Third Place and the Starbucks empire: the user experience at the heart of strategy. Retrieved from MJV: https://www.mjvinnovation.com/blog/third-place-and-the-starbucks-empire-the-user-experience-at-the-heart-of-strategy/
Untersinger, M. (2018, 03 18). Données siphonnées sur Facebook pour servir la campagne de Trump. Retrieved from Le Temps: https://www.letemps.ch/monde/donnees-siphonnees-facebook-servir-campagne-trump