ARTICLES DE VACANCES : La démocratie numérique, indispensable au développement des villes intelligentes par l’exemple de Reykjavik

Temps de lecture : 3 minutes
Mots-clés : Smart city, e-democracy, participative democracy, Reykjavik

Chers lecteurs,

En cette période de reprise que j’espère toute douce pour vous, entre télétravail et présentiel, entre crainte de la xième vague et pseudoretour à la normale, voici un beau vent de fraicheur que vous offre quelques un.e.s de mes étudiants. Ceux-ci se sont appliqués à rédiger un article de blog sur base d’une thématique qui se limitait à la question d’une application ou un usage/comportement lié à la smart city dans le cadre, respectivement, de mon cours de villes intelligentes en Master à la faculté d’architecture et d’urbanisme de l’université de Mons ainsi que du master en management territorial et urbain, campus de Charleroi et en partenariat avec l’ULB.

Ces textes sont intégralement reproduits ici avec l’accord des étudiants, complété par un commentaire professoral en fin de texte.  

Le troisème texte est celui d’Imrane BARRY traitant de la démocratie participative avec le numérique et de ses limites. Il s’inspire pour cette réflexion au travers d’un modèle islandais…. Histoire de voyage encore un peu.

J’espère que votre lecture sera agréable.

Résumé

La technologie et la collecte de données ne suffisent pas pour faire d’une ville une ville intelligente. Pour qu’elle soit intelligente, la ville doit adapter un nouveau modèle de gouvernance. Dans ce modèle, le citoyen joue une part primordiale, la ville intelligente étant créée par les citoyens pour les citoyens. La ville intelligente, pour être une démocratie numérique, doit mettre en place des outils numériques permettant aux citoyens de participer aux débats démocratiques. Ces outils peuvent prendre plusieurs formes, des bulletins de vote électroniques aux forums de discussion en ligne en passant par les e-pétitions. Reykjavik est une ville précurseur dans la mise en place de mécanisme de démocratie numérique. Le site internet Better Reykjavik en est une parfaite démonstration. Cette plateforme permet aux citoyens de proposer, de débattre, de partager, d’aimer ou non des projets urbains. Les projets les plus populaires étant repris par le conseil de la ville pour être soumis au vote. Ce papier revient sur la création et le fonctionnement de cette plateforme ainsi que sur les raisons de son succès.

It takes more than technology and data collection to make a smart city. For it to be smart, a city must adapt to a new mode of governance, in which citizens play a major part – as cities are created by and for citizens. The smart city, to become a digital democracy, has to set digital tools allowing citizens to take part to the democratic debates. These tools can take many forms, from electronic ballots to online discussion forums and e-petitions. Reykjavik is a pioneer city in the establishment of digital democracy mechanism. Reykjavik’s website is a perfect demonstration of this. This platform allows citizens to suggest, debate, share, like or dislike urban projects. The most popular projects being took over by the city council. This article is therefore about the creation of this platform, how it works and the reasons for its success.

Introduction

Faites ce test avec quelques-uns de vos amis, demandez-leur ce qui leur vient en tête lorsqu’ils entendent le terme de ville intelligente ? On vous parlera certainement de données, d’internet, de 5G, soit ce qui revient le plus souvent lorsque l’on évoque ce sujet. Pourtant cela serait une erreur de réduire les villes intelligentes seulement à cela. Une ville pour qu’elle soit intelligente doit replacer le citoyen au centre des débats en lui donnant les outils numériques adéquats lui permettant d’avoir voix au chapitre.

Démocratie numérique dans la ville intelligente

La ville intelligente pour fonctionner pleinement a besoin de s’écarter d’une vision purement Top-Down, où l’impulsion viendrait seulement des pouvoirs décisionnaires, pour tendre vers un modèle Bottom-Up, qui se focalise également sur l’input du citoyen. Nous pouvons définir la démocratie numérique comme étant l’utilisation d’outils technologiques permettant de faciliter le processus démocratique. La démocratie numérique comprend tous les moyens de communication électroniques qui permettent aux citoyens de tenir les dirigeants et les politiciens responsables de leurs actions dans le domaine public. Elle peut revêtir différents aspects : accroître la transparence du processus politique, renforcer l’implication directe et la participation des citoyens, permettre aux citoyens de développer une opinion de qualité en ouvrant de nouveaux canaux d’information et de délibération (Van Dijk, 2011).

Pour remettre le citoyen au centre des processus décisionnels, la ville intelligente doit lui procurer les outils intelligents nécessaires pour que sa voix puisse s’exprimer, que cela doit au niveau de son engagement et de sa participation citoyenne dans la prise de décision, mais également dans le processus électoral. Ces outils permettront de reconnecter le citoyen avec le monde politique de façon durable là où la démocratie traditionnelle a en partie échoué. Il ne faut pas comprendre la démocratie numérique seulement comme une façon de voter électroniquement, mais plutôt comme l’utilisation des technologies de l’information et de communication pour inciter les citoyens à soutenir les processus démocratiques de prise de décision. La démocratie numérique vise donc une participation citoyenne plus active dans les affaires publiques à travers l’utilisation d’internet, des réseaux sociaux ou d’autres technologies, elle vise également une implication citoyenne plus directe dans la résolution des challenges urbains (Kumar, 2017).

Better Reykjavik

De nombreuses villes ont mis en place des outils numériques innovants permettant aux citoyens de participer aux débats démocratiques. L’Islande est un pionnier dans ce domaine. En réponse à la crise économique que le pays a rencontrée en 2008 et aux nombreux mouvements sociaux qui en ont découlé, les Islandais ont imposé une nouvelle approche de la gouvernance et de la citoyenneté. Better Reykjavik est le parfait exemple de cette volonté. Le site internet Better Reykjavik (betrireykjavik.is) a été créé pour promouvoir la participation citoyenne et la résolution de problème selon une approche collaborative dans la gouvernance de la ville. Dans un premier temps créé par des militants pour récolter des idées, le site est ensuite devenu la plateforme officielle de consultation de la ville de Reykjavík. Le principe du site est très simple. C’est un réseau social collaboratif offrant la possibilité aux citoyens de présenter des idées sur des questions municipales. Les citoyens peuvent ensuite débattre, prioriser, aimer des idées qui seront ensuite reprises ou non par le conseil de la Ville. En 2017, plus de 70000 personnes avaient utilisé la plateforme, débattant sur plus de 1800 idées, 350 d’entre elles ayant été implantées par la ville. La plateforme a également mis en place un projet de budgétisation participative nommé Better Neighbourhoods. 3 millions d’euros sont alloués annuellement pour mettre en place les idées proposées par les citoyens. En 2017, plus de 600 projets ont ainsi été financés. Si Better Reykjavik semble être un succès contrairement à d’autres initiatives de ce genre, c’est notamment parce que la plateforme est née de la volonté de citoyens, attirant la confiance des habitants de la ville, et aussi parce que les premiers projets mis en œuvre ont été suffisamment financés, ce qui a démontré l’efficacité de la plateforme. Il est aussi très aisé de partager des idées sur d’autres réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter, ce qui permet un plus grand nombre d’interactions. Cependant, cette plateforme a bien évidemment ses limites, l’ancien maire de Reykjavik Jon Gnarr déclare par exemple être déçu du peu de jeunes actifs sur la plateforme.

Une solution miracle?

Il serait tentant de penser que la démocratie numérique est la solution miracle aux crises démocratiques que nous rencontrons. Ce n’est pas le cas. La démocratie numérique a également ses limites. L’illectronisme, qui est la difficulté que rencontrent certaines personnes face aux outils informatiques, est par exemple un frein important. Selon le baromètre d’inclusion numérique de 2020 publié par la fondation Roi Baudoin, 40% des Belges seraient en situation de vulnérabilité face à la numérisation croissante de la société. De plus, les outils de démocratie numérique peuvent difficilement échapper aux tentatives de manipulation de la part des partis politiques ou des citoyens eux-mêmes : trolls, faux comptes sur les réseaux sociaux, ingérence des puissances étrangères. L’affaire de la société Cambridge Analytica pendant l’élection américaine de 2016 en est le parfait exemple. Cela étant dit, utiliser les outils d’authentification de la blockchain pourrait être une solution à ce genre de problème.

Non, la démocratie numérique n’est pas la solution miracle, mais elle nous semble en tout cas primordiale dans les développements des villes intelligentes, à la condition, et c’est le cas de le dire, que cela soit fait de façon intelligente.

Commentaires 

le modèle islandais démontre que la démocratie participative numérique est à la fois essentielle et complexe, difficile à mettre en œuvre pour les pouvoir publics. Toutefois, cet article démontre également les avantages que peuvent apporter ces nouvelles formes de dialogue citoyen, souvent ultra autonomes et protéiforme.

RéFéRENCES

Article scientifique

Goulet, F. Gravel, F. Grondin, H. et Lessard, M-J., 2015. ‪« Les urbanistes, maîtres d’œuvre du territoire numérique », Urbanité, p. 21-23.

Ouvrages

Kumar, T.V., 2017, ‪« E-Democracy for Smart Cities », Singapore, Springer
Van Dijk, J., 2000, « Models of democracy and concepts of communication ». in Hacker K., Van Dijk J., (dir),  Digital democracy, issues of theory and practice. London, Sage,

Sources internet

Better Reykjavik, City of Reykjavik, [En ligne] https://betrireykjavik.is/domain/1 [consulté le 01 Janvier 2021].
Brotcorne, P., 2020 “Better Reykjavik: Open Municipal Policymaking.” Civic Media Project, [En ligne]. https://www.kbs-frb.be/fr/Activities/Publications/2020/2020_08_24_CF   [consulté le 01 Janvier 2021].               Financial Times « The world watches Reykjavik’s digital democracy experiment » [En ligne]. https://www.ft.com/content/754a9442-af7b-11e7-8076-0a4bdda92ca2   [consulté le 02 Janvier 2021].                Lackfak, D., 2016 ‪« Better Reykjavik: Open Municipal Policymaking » Civic Media Project, [En ligne]. https://medium.com/civic-media-project/better-reykjavik-open-municipal-policymaking-8e3440f72f25  [consulté le 02 Janvier 2021].

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