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Mots clés : Facebook, censure, masques, covid-19, groupes, unmask
Si je vous pose la question de but en blanc
« est-ce que vous acceptez que Facebook vous censure ? »,
vous me répondrez comme un seul homme : NON. Si je vous demande
« faut-il censurer les #fakenews sur le port du masque dans le cadre de la pandémie COVID ? »,
je ne doute pas que vous serez certain de votre choix en signalant que ces mauvaises informations sont la plaie des réseaux sociaux et qu’il faut les censurer. Vous avez raison. Si je vous pose ensuite la question :
« pensez-vous que ce que nous savons sur la maladie aujourd’hui sera vrai demain ? ».
Pour autant que vous vous informiez régulièrement et de sources diverses, vous serez au courant de de nombreuses décisions prises en mars 2020 sont aujourd’hui contredites par les découvertes journalières sur cette pandémie. Heureusement que cela se passe de la sorte, car le principe de toute vérité scientifique c’est qu’elle reste vraie… jusqu’à ce qu’elle puisse être démentie !
Deux et deux font cinq (Georges Orwell, 1984)
Dans ce contexte, loin de moi de tenter de défendre les groupes sur les réseaux sociaux qui sont anti-masques. Mais de là à les censurer, il y a un pas qui me laisse perplexe face aux enjeux démocratiques. En effet, si Facebook se permet de censurer, qui contrôle Facebook et sur base de quoi ? Dans un autre cadre, celui du racisme, l’humanité a une histoire suffisamment construite autour de ces questions que pour permettre un jugement éthique sur ce qui peut être raciste ou ne l’est pas. Mais dans le cadre de la pandémie où tout le monde apprend sur le tas, ce qui est vrai ou pas, comment une des GAFA peut-elle savoir, mieux que la société, ce qui est bon ou mauvais ?
Une situation qui me rappelle 1984 où le héros principal Winston Smith travaille dans les bureaux qui transforment les articles pour en faire une vérité. Cette vérité qui évolue avec le temps, instillant le doute et renvoyant à cette approche de Goldstein rappelant que l’ « esclavage c’est la liberté ». Les critiques littéraires vous parleront de l’ignorance qui est une clé fondamentale pour asseoir le pouvoir total du parti. Elle se base sur la falsification permanente des faits, sur la ré-écriture continuelle de l’Histoire selon les intérêts du pouvoir, sur la double-pensée (capacité de garder à l’esprit 2 pensées contradictoires) et sur les suppressions (« vaporisations ») arbitraires des individus « gênants » (source ici). Il est question d’aliénation et de manque de discernement de la population, savamment cultivé par le pouvoir.
Certes, nous n’en sommes pas encore là, mais en sommes-nous si éloignés ? Ce n’est pas certain car à partir du moment à la censure est appliqué sur base d’une vérité du moment, il suffit de maitriser cette vérité pour maitriser l’information. Or n’est-il pas plus sain que chaque individu puisse exprimer ses idées ?
Le discours politique est destiné à donner aux mensonges l’accent de la vérité, à rendre le meurtre respectable et à donner l’apparence de la solidarité à un simple courant d’air (Georges Orwell, 1984)
Certains pourront préciser que c’est une question de santé publique et ils auront raison… mais de là interdire le point de vue de certains, c’est somme toute, une forme de particratie unique. En tout cas, cette question pose débat actuellement aux USA avec la suppression du groupe FB Unmasking America qui comptait presque 10.000 adhérents. Cette suppression a été dénoncée par le groupe comme suit : C’est une pression psychologique pour la suppression, l’asservissement et l’obéissance soumise. Lorsque vous portez un masque, vous êtes complice en déclarant tous les humains comme dangereux, infectieux et menaçants (traduit par l’auteur). Et FB d’exprimer (par E-mail, la porte-parole de FB): nous avons des politiques claires contre la promotion de fausses informations nuisibles sur COVID 19 et avons supprimé ce groupe pendant que nous examinons les autres . Pour bien comprendre les mécanismes de FB sur la curation des informations, si un groupe partage de fausses nouvelles à plusieurs reprises, la plate-forme affichera le contenu du groupe plus bas dans les fils d’actualité des utilisateurs et cessera de suggérer aux gens de rejoindre le groupe pour réduire sa croissance (Kim Lynos, The Verge).Ensuite, sir les groupes continuent la divulgation des fausses nouvelles, FB peut unilatéralement rendre le groupe inaccessible.

Généralement, ces groupes sont des groupes pro-Trump, nous les voyons souvent… porter le masque avec la mention « make America great again ». Rien de transcendant en soi. La raison pour laquelle FB a fermé certains groupes, c’est que ceux-ci ont relayé une fausse attestation (bidon) permettant soi-disant de ne pas porter de masque, la lecture de cette attestation rédigée avec un faux logo de l’administration fédérale américaine était assez grossière. Il y est précisé sur le site que si le nombre de personnes est suffisant pour ne pas porter le masque, elles ont le droit de ne pas le porter. Bien évidemment, cela pourrait prêter à confusion, mais, faisons confiance aussi au bon sens… car faudrait-il encore trouver un lieu où il y a plus de personnes qui ne portent pas le masque que ceux qui en portent. Quant à la fausse attestation, l’ensemble des médias ont relayé l’information (juin 2020). Rappelons qu’aujourd’hui, de nombreux états américains imposent les mêmes règles que chez nous, à savoir, port du masque obligatoire dans de nombreux espaces clos, distanciation sociale, etc. Mieux, certains états sont allés plus loin où tous les espaces publics nécessitent de porter un masque.
Toujours au sujet de la liberté d’expression, et du dilemme cognitif à savoir ce qui est juste ou pas, l’un des groupes fermés par FB était un groupe revendiquant la nécessité de ne pas faire porter le masque pour les jeunes enfants, plus particulièrement dans les écoles. Si je prends cet exemple, c’est que si nous nous référons aux 3 questions initiales de cet article, la question reste posée pour les enfants, du fait que les scientifiques ont maintenant prouvé que les jeunes enfants n’étaient ni porteurs et ni transporteurs du virus. D’ailleurs, les enfants de moins de 12 ans ne sont pas obligés de porter un masques contrairement aux adolescents et adultes. Bien sûr, la question de la protection des professeurs peut être posée… mais s’ils n’ont pas le virus ni le transportent, le masque ne sert à rien. Nous nous retrouvons ainsi face à un véritable dilemme : les parents contre le port du masque pour les enfants en maternelle et primaire peuvent-ils encore exprimer leur désarroi ?
Extrait de The Verge : Parmi les groupes privés se trouve le groupe «Million Unmasked March», qui compte plus de 7 800 membres. «Les parents sont puissants! Nous sommes un groupe de mamans, de papas, de grands-parents, d’oncles, de tantes, d’enseignants, d’amis, d’infirmières et de toute personne préoccupés par le fait que nos enfants portent des masques à l’école à l’automne », lit-on dans la section« À propos »du groupe. «Nous pensons que nos enfants qui portent des masques à l’école sont physiquement et psychologiquement préjudiciables. Rejoignez-nous pour dire PLUS DE MASQUES! »
Nous n’allons pas chercher ici à trancher sur la pertinence des arguments pour ou contre les masques. Vous aurez compris que cela n’était pas notre intention. Cependant, il nous semble important de mettre en garde face à l’acceptation de certaines méthodes de censures « pour la bonne cause » et rappelons que les bonnes causes d’un jour sont les pires d’un autre jour. Nous terminerons par encore paraphraser Georges Orwell, toujours dans 1984 :
Le crime de penser n’entraîne pas la mort. (Georges Orwell, 1984)
Belle journée à vous et merci de votre lecture.
Quelques lectures supplémentaires :
Facebook suspends anti-mask group for spreading COVID-19 misinformation, Kim Lyons 20 juillet 2020
Mask Exemption Cards From the ‘Freedom to Breathe Agency’? They’re Fake,Christina Morales, 28 juin 2020
COVID-19 ALERT: Fraudulent Facemask Flyers, US dept. Of Justice, 25 juin 2020
Considerations for Wearing Cloth Face Coverings, CDC, 16 juillet 2020
Pascal SIMOENS Architecte et urbaniste, Data Curator. Expert Smart Cities. J’ai commencé ma vie en construisant des villes en Lego, j’en ai fait mon métier. Geeks invétéré, aujourd’hui je joins mes passions du numérique et de la ville au travers d’une expertise smart Cities et smart buildings en travaillant en bureau d’étude et j’enseigne cette même expertise à l’UMONS et l’ULB.