FRANCE vs BELGIQUE : DES INTERACTIONS ET RESEAUX DE VILLES MOYENNES AVEC LES METROPOLES

p.25, Schéma de développement territorial wallon, carte du maillage des pôles majeurs wallons à l ‘échelle européenne, projet à l’enquête publique, DGO4, 2018

Le journal le monde offrait en cadeau de Noël (entre autres) une tribune à l’architecte urbaniste François Leclercq auteur, entre autres, du bois habité à Lille. Cet architecte urbaniste diplômé de l’école nationale d’architecture de Paris – La Villette en 1981 a travaillé sur de nombreux projets, de l’extension d’euro Méditerranée à Marseille en passant par le Grand Paris. Son article « les métropoles doivent jouer un rôle d’entraînement des territoires plus éloignés » offrait comme préambule le fait de repenser l’aménagement du territoire afin de le renforcer par le lien social d’intégrer les populations et dynamiser la vie économique des espaces périphériques. Une tribune intéressante pouvant se résumer par la proposition d’une intervention des régions pour définir un aménagement plus cohérence sur une grande échelle de territoires ne se limitant pas aux métropoles et englobant les petites villes alentour, afin qu’elles ne se sentent pas exclues de la mondialisation urbaine de plus en plus grandissante depuis le basculement de plus de 50 % d’habitants dans les villes. Entre autres, l’architecte urbaniste s’appuie sur l’amélioration des mobilités qui doit aussi passer par l’idée de réouverture des petites lignes de chemin de fer qui ont maillé le territoire de la première révolution industrielle. Il espère de la sorte, et avec bien d’autres réflexions, renforcer le lien social afin d’intégrer des populations dans la dynamique économique des métropoles.

p.31, Schéma de développement territorial wallon, carte du maillage des pôles majeurs wallons à l ‘échelle régionale et transfrontalière, projet à l’enquête publique, DGO4, 2018

La question de la relation des villes moyennes et petites villes en France par rapport à la métropolisation galopante n’est pas nouvelle. C’est ainsi qu’en décembre 2010, nous avions participé avec Jean de Salle et au nom de notre bureau d’architecture et d’urbanisme COOPARCH à un colloque à l’université de Tours sur les petites villes et villes moyennes, avec notre intervention sur l’interdépendance et la dépendance des villes dans le Hainaut belge. Il titrait en résumé : Le territoire belge est constitué pour une part importante de villes moyennes, au sens entendu généralement en Europe, et cela depuis des siècles. Par ce fait, l’histoire des relations inter urbaines est longue et complexe aboutissant aujourd’hui à un renouveau entre les villes à l’aune de la redistribution des cartes territoriales face à la mondialisation urbaine. La Belgique démontre, si nécessaire, l’importance des villes moyennes au sein des réseaux de villes de niveaux hiérarchiques différents, ainsi que la nécessité de la contractualisation entre elles et l’importance à chacune d’elle d’évaluer ses propres capacités dans une compétition mondiale, même à l’échelle régionale.

Réseau urbain de base du niveau 2 : zones d’influence et petites villes indépendantes, Sporck j., Gossens M., 1985, le rseau urbain, « La Cité belge d’aujourd’hui : quel avenir? », n°154, p 192

Le maillage des villes belges sur un aussi petit territoire est assez singulier en Europe et à l’échelle d’un pays. En effet les territoires tels que la Ruhr ainsi que l’Italie du Nord proposent également un maillage serré de ville de plus de 20.000 habitants. Mais la Belgique à cette spécificité depuis le Moyen Âge d’être un territoire très dense et très combattu avec de nombreuses places fortes devenant au fur et à mesure des villes à part entières. Ce n’est pas sans raison que la Belgique fut pionnière de la révolution industrielle eue égard à la quantité de main-d’œuvre disponible et toute proche des centres de production. C’est ainsi qu’au début du XXe siècle, la Belgique était devenue le pays le plus ferré au monde par nombre d’habitants et au km². Après la Seconde Guerre mondiale, comme tous les autres pays développés du monde, l’explosion automobile a placé la Belgique comme le territoire le plus « éclairé du monde », délaissant par la même occasion les transports en commun sans pour autant remettre en cause l’extension urbaine au travers d’une densité de population dans les minimums se trouve alentour de 650 à 700 habitants au kilomètre carré au-dessus du sillon Sambre et Meuse et avoisinants les 800 à 1000 habitants au kilomètre carré dans le nord du pays. Une densité que de nombreuses villes seraient heureuses d’atteindre dans leur hinterland !

p.37, Schéma de développement territorial wallon, carte du maillage des villes métropolitaines et petites villes wallonnes à l ‘échelle régionale et transfrontalière, projet à l’enquête publique, DGO4, 2018

La Belgique se positionne donc, en quelque sorte, comme pionnière du développement urbain et de la relation entre les métropoles (Bruxelles, Anvers, Gand, Liège, Charleroi) avec l’ensemble des villes périphériques dont le poids démographique se situe entre 10 et 30.000 habitants. Certains pôles secondaires tels que Tournai, La Louvière, Mons et Verviers présentent encore d’autres caractéristiques d’appui avec des populations avoisinant les 80 à 100.000 habitants.

Que répondre à mon confrère François Leclercq au regard de l’expérience belge de ce qu’il défend aujourd’hui pour les villes comme Paris, Lyon, Marseille… ?

le bois habité, arch Leclercq, Lille

Mon expérience belge démontre que seules, les régions ne peuvent développer un partenariat qui serait à sens unique de la métropole, centralisé, vers les villes périphériques. Or c’est bien un vice français que cette centralisation systémique au contraire d’une approche plus partenariale en fonction des opportunités de chaque territoire de la région. Nous croyons bien plus au développement de ces partenariats volontaires entre les grandes métropoles et les villes moyennes dans le cadre de projets ponctuels et qui permet aussi, par cette singularité, d’enorgueillir chaque territoire. Car l’identité des territoires et des villes, plus on singuliers et petits, plus ils sont puissants. Une puissance qui devient une force si elle s’additionne, mais qui peut être particulièrement destructrice lorsqu’elle s’oppose.

Si les enjeux territoriaux, tel qu’un urbaniste peut l’imaginer naturellement, sont certainement de relier les territoires avec les nouveaux modes de transport tel que le tram-train, le RER (les trains S en Belgique) ; la compétitivité des territoires par rapport au reste du monde nécessite d’aller rechercher l’ADN de chaque singularité pour la rendre plus forte et résiliente.


Réseau ferroviaire belge 1932 Source: [http://users.pandora.be/brail/kaart/kaart.htm]

En outre, ces partenariats doivent se faire plusieurs échelles : entre les métropoles, entre les villes moyennes et les métropoles. Nous développions dans notre article l’exemple de l’aéroport de Charleroi Bruxelles Sud qui s’appuie clairement sur le nom de Bruxelles en tant que capitale européenne et centrale en Europe, mais où les dividendes majeurs étaient récoltés par la métropole de Charleroi, qui elle-même redistribuait des emplois (entre 4 et 5000) dans un rayon de 35 km, c’est-à-dire y compris les petites villes moyennes.

BSCA (Brussels South Charleroi Airport), 2016

Pour conclure, l’intrication des villes belges est sans doute un laboratoire pour la France dans son approche de la lecture territoriale des interactions entre les territoires que certains appellent « relégués » et les territoires métropolitains qui sont les moteurs de l’économie d’aujourd’hui. Si l’on considère que les villes vont avoir de plus en plus d’importance, ne serait-ce que pour des raisons d’infrastructure de réseaux, nous nous trouvons face à la quadrature du cercle que l’urbaniste Leclercq met bien en évidence et que nous complétons:

  • Soit les métropoles prennent de plus en plus de force, siphonnant au passage l’altérité de l’ensemble des villes moyennes françaises qui deviendront une banlieue pauvre et sans avenir ;
  • Soit les métropoles négocient avec les plus petites villes des contrats d’intérêts généraux dans un processus gagnant – gagnant.

Cher ami français, regarder au-delà de vos frontières vous comprendrez mieux ce qui se passe à l’intérieur de vos frontières.

Pascal Simoens, urbaniste et architecte, data curator

1 commentaire

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s