Temps de lecture : 13 minutes
mots-clés : UMONS, villes, modèles, données, étudiantes, travaux pratiques, article, villes intelligentes
Nombre de pages « équivalent » : 6
Article rédigé avec l’aide de l’IA : oui
En bref : c’est l’été et nous vous proposons des articles d’étudiants… Comme chaque année. Un monde digital vu par des jeunes de 23 ans. Et c’est parfois détonnant !
Chers lecteurs,
C’est déjà le moment des vacances, mais on ne vous laisse pas tomber pour autant. Chaque année, j’ai le plaisir d’offrir à mes étudiants d’être modestement publiés sur mon blog. Il s’avère que certains articles, comme celui d’Eléa Iudica publié le 17 août 2022 s’intitulant Les dérives du Métavers dans l’architecture, a été lu plus de 850 fois dans la foulée de la publication ! ils apprécient, je peux vous le garantir.
Bref, mes jeunes étudiants ont des choses à vous raconter et cet été sera riche en découvertes de leurs points de vue. Des articles rédigés par de vraies gens pour de vraies idées.
Nota : Ils ont tous utilisé l’IA, d’une manière ou d’une autre. Il est intéressant de noter que son usage a été différent pour chaque étudiante !
La présentation de ces articles est proposée par ordre alphabétique des auteurs. À la fin, je vous propose un regard critique (au sens littéral du terme). Bonne et belle journée à vous.
Texte de Lara DUEZ

Introduction
Depuis plusieurs décennies, les villes font face à une pression croissante pour répondre aux défis environnementaux, économiques et sociaux. Dans ce contexte, le concept de « ville intelligente » a émergé comme une réponse technologique intégrant ces problématiques. Songdo, construite en Corée du Sud au début des années 2000, est souvent présentée comme la première ville intelligente. (Top 7 smart cities in the world, 2023). Parmi les innovations les plus remarquées de Songdo, figure la gestion des déchets via un système de collecte pneumatique automatisé. Aucune chance d’y croiser un camion-poubelle. Chaque bâtiment est connecté à un réseau de tunnels souterrains qui aspirent les déchets vers un centre de traitement où ils sont triés automatiquement. (Designing sustainable cities : Songdo, 2021). Cependant, derrière cette technologie se cache une réalité plus nuancée. Ce système présente des dysfonctionnements : canalisations obstruées, mauvaises odeurs, dépôts sauvages. (Richardson, 2023). Présenté comme une solution miracle, le système pneumatique invite à s’interroger : la donnée masque-t-elle certains impacts au nom de la performance urbaine ?
Tout d’abord, nous examinerons le fonctionnement du système actuel, puis nous mettrons en évidence les critiques qu’il suscite en ce qui concerne les enjeux environnementaux et sociaux. En outre, une part importante des déchets est incinérée, ce qui interroge l’efficacité réelle du modèle sur le plan environnemental. L’absence de tri citoyen et la centralisation des déchets peuvent aussi conduire à une déresponsabilisation des habitants face à leur propre production de déchets.
Le fonctionnement du système de collecte pneumatique

A Songdo, comme à Romainville (Seine-Saint-Denis) en France, la gestion des déchets repose sur un système de collecte pneumatique, également appelé collecte automatisée par aspiration (AVAC). Il s’agit d’un système totalement automatisé, piloté par la donnée.
Chaque bâtiment est équipé de bornes de dépôt, accessible via une carte à puce RFID (« Radio Frequency Idendification ») qui permet aux citoyens de jeter leurs déchets. (Journaldunet, s.d.) Ces cartes permettent d’ouvrir les bornes de dépôt et d’enregistrer avec précision la quantité de déchets produits par chaque foyer ou commerce.
Ces déchets sont ensuite aspirés à travers un réseau de tuyaux souterrains pressurisés, qui s’étendent sur 60 km, à une moyenne de 70km/h vers un centre de traitement qui trie et oriente les déchets selon leur nature. En fonction de celle-ci ils seront incinérés, enfouis ou recyclés. (Huguen, s.d.)
Une empreinte carbone sous-estimée

L’absence de camions-poubelles dans les rues de Songdo pourrait laisser croire qu’il s’agit d’une solution « écologique », réduisant les émissions de CO2 et de particules fines émises par ces mêmes camions, ainsi que le risque d’embouteillages. Cependant, ce système nécessite un apport électrique important pour alimenter la centrale de pressurisation et de collecte. De plus, la mise en place de cette infrastructure implique la construction d’un vaste réseau de conduits souterrains, l’installation de câbles électriques ou encore l’intégration au réseau de chaleur urbain et de gaz.
Selon une étude menée par Tristan Huguen, le système de collecte pneumatique à Songdo émet environ 10 000kg de CO2 par jour, soit un total de 3,65 millions de kg de CO2 par an. En revanche, le système de collecte traditionnel par camion-benne émet environ 140kg de CO2 par jour, soit 51 100kg par an. La collecte pneumatique génère donc 71 fois plus d’émissions de CO2 que la collecte traditionnelle. (Huguen, s.d.)
Quand la donnée ne suffit plus à gérer les déchets
L’émission de CO2 n’est pas le seul problème du système de collecte pneumatique. Des dysfonctionnements se présentent : canalisations obstruées, mauvaises odeurs, dépôts sauvages. « Le point de collecte des ordures dans la cour de la tour des Lee est sale, comme tous les autres. Ça pue. Dans la cour voisine, le vide-ordures high-tech est obstrué. Et comme Big Brother n’a pas encore réglé le problème, les habitants déposent leurs sacs poubelles à côté de la poubelle. Devant un autre point de collecte s’empile un tas de vieux meubles. » (Richardson, 2023). Ces dysfonctionnements illustrent les limites d’un système technologique face à des réalités humaines et pratiques. Les obstructions des canalisations, souvent dues à un mauvais tri des déchets ou à l’introduction d’objets non conformes, entraînent des pannes qui paralysent le système. Face à cela, les citoyens sont contraints de recourir à des dépôts sauvages qui créent des nuisances visuelles et olfactives.

Ce phénomène ne concerne pas que la ville de Songdo. Par exemple, à Singapour, des obstructions causées par des dépôts inappropriés de gros objets entraînent des dysfonctionnements réguliers du système de collecte pneumatique. (Frequent chokes hamper automated waste systems in some HDB estates, 2025).
Collecte connectée vs. collecte humaine
La gestion des déchets est un défi complexe. A Songdo, la collecte pneumatique est présentée comme une innovation qui promet une ville plus propre, plus silencieuse. En effet, l’élimination des camions-poubelles des rues réduit considérablement les nuisances sonores, visuelles et olfactives et améliore l’image de la ville. Le système automatisé assure un suivi précis de la production de déchets et permet une gestion optimisée de ceux-ci.

Cependant, c’est une innovation qui a des revers. La collecte automatisée repose sur un réseau complexe de tuyaux souterrains, de centrales de pressurisation et d’équipements électriques gourmands en énergie. Contrairement aux idées reçues ou images perçues, il génère plus d’émissions de carbone que la collecte traditionnelle par camion-poubelle à cause de la consommation électrique nécessaire au maintien et au fonctionnement continu de la centrale. De plus, la construction et l’entretien du réseau engendrent eux aussi un impact environnemental non négligeable.
Par ailleurs, les habitants et les commerçants de Songdo font régulièrement face à des dysfonctionnements du système. Ces problèmes affectent la qualité de vie et soulignent une limite technologique. En outre, la centralisation et l’automatisation de la collecte peuvent favoriser une forme de déresponsabilisation des habitants face à leur propre production de déchets, les rendant moins conscients de l’impact de leurs comportements quotidiens. Face à ces défis, la collecte traditionnelle par camion conserve plusieurs avantages : simplicité de mise en œuvre, flexibilité d’adaptation au contexte urbain, et présence humaine malgré la pénibilité du métier qui permet une intervention immédiate en cas de problème. Elle reste, cependant, associée à des inconvénients : nuisances sonores, émissions polluantes, encombrement potentiel du trafic urbain, etc. Le choix entre camion-poubelle ou collecte pneumatique ne se réduit pas à une simple opposition entre tradition et modernité. Il soulève des questions plus larges sur la durabilité, sur l’acceptabilité sociale et la performance des systèmes. La collecte pneumatique vend du rêve. Elle incarne une vision ambitieuse de la smart City, où la donnée est au cœur de la gestion urbaine, mais elle doit encore surmonter ses limites techniques pour être pleinement efficace.
L’avenir de la gestion des déchets dans les villes passe peut-être par une hybridation des approches : combiner la haute technologie pour réduire les nuisances et optimiser la collecte tout en maintenant une certaine souplesse et proximité avec les usagers. Il s’agit aussi de repenser la place de la citoyenneté dans la production et la gestion des déchets, en évitant que la centralisation et l’automatisation ne conduisent à une déresponsabilisation.
Pour une collecte intelligente… et humaine
En conclusion, la collecte pneumatique, aussi séduisante qu’elle puisse l’être, ne peut être considérée comme une solution miracle. Elle doit être évaluée en intégrant ses impacts cachés, ses contraintes sociales et environnementales ainsi que le risque lié à l’effacement de la responsabilité citoyenne. Son coût énergétique, ses défaillances techniques et la possible déresponsabilisation citoyenne invitent à penser des systèmes hybrides, plus transparents et adaptés aux usages réels.

Analyse critique

Nous avons trouvé dans cet article une structure remarquable de l’organisation de la pensée de notre étudiante sur base d’une ville qui est étudiée (et critiquée) dans notre cours. Sondgo démontre que le numérique ne fait pas la ville, juste il peut mettre de l’huile dans les engrenages humains. Et ce qui ressort le plus de cet article, c’est certainement que le solutionnisme numérique n’est pas un gage de réussite !
C’est en Corée que le concept de ville intelligente a été imaginé pour la première fois. En 2000, la Corée du Sud développe un projet de 15 U-Cities, issu d’une réflexion parmi les plus avancées sur la relation entre les connexions informatiques et leurs apports afin de développer des interrelations entre villes, technologies, êtres humains et inscrits dans un objectif de durabilité (ALUSI, et al., 2011). La Corée est, à cette époque déjà, le pays le plus connecté du monde : en 2004, les Coréens avaient accès à l’internet de n’importe où, à n’importe quel moment, avec n’importe quel appareil (Jong-Sung Hwang, responsable du big data pour la ville de Séoul in Voyage dans les villes intelligentes entre datapolis et participolis, Francis Pisani, 2015, p. 63), mais nous avons démarré trop tôt et ni la technologie ni le marché n’étaient assez développés pour soutenir notre vision et notre effort. Je considère personnellement que nous avons échoué. Le concept s’inspirait fortement des processus urbains développés par Cisco incluant U-Traffic, U-Parking, U- Crime Prevention, des services publics 24h/24 (HAN, et al., 2008). Aujourd’hui, la ville de Songdo[1] abrite environ 65.000 habitants pour une ville conçue pour 430.000 (prévu en 2014) et sur un territoire de 600 hectares situés à une trentaine de kilomètres de la capitale Séoul, dans la zone franche d’Incheon.

D’un point de vue technique, ce qui caractérise la réussite (relative) de Songdo, c’est l’intégration des infrastructures avant la construction des bâtiments, en d’autres termes, la ville nouvelle pensée avec le numérique et les principes d’ubiquité qui renvoie à la notion que tout utilisateur ne s’inscrive plus dans un réseau ou un ordinateur, il est indépendant de son emplacement et signifie que l’environnement de communication de l’information peut, lui, se connecter au réseau (WEISER, et al., 1999), ce qui peut aussi être défini simplement par existant partout à tout moment selon Le Larousse (2018). Toutefois, pour atteindre cet objectif, la ville est restée paradoxalement figée à un stade technologique, s’appuyant sur un réseau hyper développé d’interconnexions avec le risque encouru d’une obsolescence programmée des usages liés aux techniques employées.
Le processus de conception fut mis en œuvre par Cisco, voyant en la ville de Songdo la plus belle vitrine qui soit : Cisco a émergé en tant qu’acteur technologique majeur dans cette ville, avec des plans pour développer un Cisco Global Center for Intelligent Urbanization. Le projet de l’entreprise fut de numériser complètement la ville en la recouvrant de capteurs afin qu’elle fonctionne sur les données et informations, signifiant que la Control room initialement imaginée par Cisco à Rio de Janeiro (avec IBM) agirait comme le cerveau de la ville (ALUSI, et al., 2011). New Songdo serait un élément clé du programme Smart+Connected (CISCO, 2011).
Cette expérience montre que le temps des Hommes (et des villes) n’est pas le même que le temps de la technologie. Pourtant, il faut reconnaitre aux ingénieurs et chercheurs coréens la définition d’un modèle intéressant regroupant les thématiques d’infrastructures, de réseaux, de citoyenneté et de gouvernance. Nous précisons que le concept ne hiérarchise pas les thématiques les unes vis-à-vis des autres, mais son application bute sur des temporalités bien différentes. Selon les concepteurs, le regroupement de ces 4 éléments constitue le concept de U-City, la ville ubiquitaire qui est un des enjeux de la ville intelligente, comme le décrit Prima Terra dans sa définition de tiers lieux, liant la gouvernance avec la citoyenneté et au travers des infrastructures technologiques.
Ce constat des villes intelligentes de première génération est établi (nous en parlons déjà dans l’article 1/5 de ces vacances.
Bonne et belle journée à vous.
Pour complément :
Designing sustainable cities : Songdo. (2021). Retrieved from Institue for the environment, University of North Carolina: https://ie.unc.edu/cleantech-story/designing-sustainable-cities-songdo/?utm_source=chatgpt.com
Frequent chokes hamper automated waste systems in some HDB estates. (2025, Février 3). Récupéré sur The Straits Times: https://www.straitstimes.com/singapore/housing/frequent-chokes-hamper-automated-waste-systems-in-some-hdb-estates
Huguen, T. (s.d.). Songdo : gestion des déchets. Récupéré sur Tristanhuguen: https://www.tristanhuguen.com/songdo-gestion-dechets
Journaldunet. (s.d.). RFID : définition, fonctionnement, lien avec le NFC. Récupéré sur Journaldunet: https://www.journaldunet.fr/web-tech/dictionnaire-de-l-iot/1440692-rfid-definition-fonctionnement-lien-avec-le-nfc/
Richardson, S. (2023, Novembre 13). Welcome to Songdo, South Korea : The Smartest of Smart Cities. Récupéré sur Worldcrunch: https://worldcrunch.com/focus/green-or-gone/welcome-to-songdo-south-korea-the-smartest-of-smart-cities/
Top 7 smart cities in the world. (2023, Juillet 25). Retrieved from Earth.org: https://earth.org/top-7-smart-cities-in-the-world/#:~:text=Seoul%2C%20South%20Korea,initiatives%20as%20early%20as%202014.
Merci pour le suivi de notre blog-à-idées ou à réflexions, c’est toujours agréable d’être lu et vous êtes de plus en plus nombreux (+ de 1 000 par mois en, moyenne). N’hésitez pas à commenter, c’est aussi une place de débats. Et surtout, merci de partager si vous soutenez nos réflexions ou recherches.
Pascal SIMOENS Ph.D, Architecte et urbaniste, data Scientist, expert Smart Cities. J’ai commencé ma vie en construisant des villes en Lego, j’en ai fait mon métier. Geek invétéré, aujourd’hui je joins mes passions du numérique et de la ville au travers d’une expertise smart Cities et smart-buildings en travaillant en bureau d’étude (Poly-Tech Engineering) et j’enseigne cette même expertise à l’UMONS et l’ULB. Complémentairement, je suis membre du bureau et trésorier du Conseil francophone et germanophone de l’ordre des architectes, baron au sein du Conseil national de l’Ordre des architectes.
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Bonne et belle journée à vous.
Pour complément :
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