ARTICLES DE VACANCES (2/5) : LA VILLE SENSIBLE : ENTRE ATTENTION URBAINE ET CONTRÔLE INVISIBLE.

Temps de lecture :  19 minutes
mots-clés : UMONS, villes, modèles, données, étudiantes, travaux pratiques, article, villes intelligentes
Nombre de pages « équivalent » : 6
Article rédigé avec l’aide de l’IA : oui

En bref : c’est l’été et nous vous proposons des articles d’étudiants… Comme chaque année. Un monde digital vu par des jeunes de 23 ans. Et c’est parfois détonnant !

Chers lecteurs,

C’est déjà le moment des vacances, mais on ne vous laisse pas tomber pour autant. Chaque année, j’ai le plaisir d’offrir à mes étudiants d’être modestement publiés sur mon blog. Il s’avère que certains articles, comme celui d’Eléa Iudica publié le 17 août 2022 s’intitulant Les dérives du Métavers dans l’architecture, a été lu plus de 850 fois dans la foulée de la publication ! ils apprécient, je peux vous le garantir.

Bref, mes jeunes étudiants ont des choses à vous raconter et cet été sera riche en découvertes de leurs points de vue. Des articles rédigés par de vraies gens pour de vraies idées.
Nota : Ils ont tous utilisé l’IA, d’une manière ou d’une autre. Il est intéressant de noter que son usage a été différent pour chaque étudiante !

La présentation de ces articles est proposée par ordre alphabétique des auteurs. À la fin, je vous propose un regard critique (au sens littéral du terme). Bonne et belle journée à vous.

Texte de Mellouha BEKKAR

Introduction

Chaque jour, nos villes vibrent au rythme de diverses sensations : les odeurs des espaces, la lumière fluctuante sur les bâtiments, le chuchotement d’une place bondée et le silence d’une rue vide. Alors que, lorsque l’on parle d’une ville intelligente, on a l’impression qu’elle est créée à l’aveugle. Ce concept est influencé par la focalisation sur la rentabilité des infrastructures, la réduction de la consommation énergétique, ainsi que par une amélioration de la vie urbaine rendue possible grâce à la captation massive des données (Picon, 2013)1. Mais, en réalité, cette vision est souvent très technique, presque froide. Elle oublie parfois que la ville, avant tout, est un espace vécu, un endroit où les émotions, les sensations et les liens humains jouent un rôle essentiel.

Le concept de “ville sensible ”est né de cette critique. Une ville attentive aux ressentis de ses habitants en utilisant des technologies numériques pour comprendre, interpréter, et adapter l’espace urbain à leurs besoins émotionnels (Senseable City Lab, MIT)2. À l’aide des capteurs, des données, des intelligences artificielles, devient évidente la capacité à capter des indices émotionnels, par exemple par le biais de capteurs d’odeurs, du son, ou encore d’expression faciale pour adapter les espaces publics suivant des ambiances et des besoins émotionnels du présent.

Mais cette évolution soulève aussi des questions troublantes. Dans quelle mesure une ville capable de ressentir peut-elle aussi influencer nos comportements sans que nous en soyons pleinement conscients ? Où se situe la frontière entre attention bienveillante et manipulation douce ? Loin de n’être qu’un progrès technique, la ville sensible numérique redessine en profondeur notre rapport à l’espace public et aux formes invisibles de pouvoir qui le traversent.

Le présent article explore d’abord la définition de la « ville sensible » et ses liens avec les technologies numériques, puis il analyse quelques projets emblématiques déjà réalisés. Ensuite, il évoque la problématique en parlant sur des cas existants. Enfin, la conclusion sur les défis éthiques et politiques que cette mutation appelle à repenser.

La ville sensible et sa relation avec le numérique :

La ville c’est un ensemble d’éléments visibles, par exemple des rues, des bâtiments, des infrastructures. C’est l’image typique que nous imaginons pour définir une ville. Alors que, vivre en ville, c’est plus que traverser d’espace construit, c’est surtout sentir. Que ce soit la chaleur d’une place baignée de soleil, le bruit d’une rue animée ou l’odeur de l’air après la pluie, ces impressions façonnent profondément notre expérience urbaine. Les architectes et les urbanistes ont souligné, depuis longtemps, l’importance de ces dimensions sensibles dans notre rapport à la ville. En 1960, Kevin lynch³ montrait que notre vision de l’espace urbain est basée sur ce que nous voyons et sur ce que nous ressentons intérieurement. En réalisant des « cartes mentales »⁴ de la ville à travers nos expériences sensibles.  La notion de ville sensible s’inscrit dans cette continuité. En présentant une approche de la ville qui intègre l’expérience émotionnelle des habitants, ce qui dépasse la simple fonction utilitaire.

Avec l’arrivée des technologies numériques et grâce aux capteurs, aux plateformes collaboratives et à l’analyse des données émotionnelles, une nouvelle perception de la ville devient possible. La ville intelligente ne se limite plus aux seuls flux de circulation ou à la consommation énergétique. Mais elle s’efforce désormais de saisir les humeurs collectives, les ambiances, ainsi que les zones de tension ou de bien-être. Par exemple, les recherches menées par Carlo Ratti⁵ au Senseable City Lab explorent comment certaines données, comme la qualité de l’air, le niveau sonore ou les déplacements piétons, peuvent être utilisées pour modifier l’éclairage public, repenser l’implantation de mobilier urbain, ou encore proposer de nouveaux parcours apaisants dans l’espace urbain. La ville sensible numérique propose ainsi une vision plus humaine, plus immersive de la planification urbaine. Elle invite à concevoir des espaces qui parlent aux émotions, à créer des ambiances adaptées, à penser la ville non plus comme une simple structure statique, mais comme un organisme vivant, en dialogue permanent avec ceux qui l’habitent.

Expérimentations actuelles : quand les villes testent la sensibilité :

Bien qu’apparentée comme récente, la notion de ville sensible n’est pas récente. Plusieurs villes, à travers le monde, ont déjà engagé des démarches expérimentales pour intégrer les émotions, les perceptions sensorielles et le vécu subjectif des usagers dans leurs politiques d’aménagement. Que ce soient des projets d’une petite ou d’une grande échelle, ils sont emblématiques d’une préoccupation d’intensité grandissante pour les émotions, les ambiances et la densité de l’expérience vécue en ville.

C’est dans cette dynamique que s’inscrivent plusieurs projets à différentes échelles et dans des contextes variés pour illustrer comment la sensibilité urbaine a été intégrée dans les pratiques contemporaines de la fabrique de la ville.

Figure 1 : Carte des itinéraires agréables – Happy Maps Figure 2: Carte olfactive urbaine – Smelly Maps 7

À Turin, le projet City of Emotions 6 :

Ce projet cherche à cartographier les émotions ressenties dans l’espace public, en analysant des publications géolocalisées sur les réseaux sociaux. En repérant les lieux associés à des sentiments de bien-être, d’ennui ou de stress, ce dispositif a permis aux urbanistes de s’interroger sur l’aménagement des espaces les plus « mal perçus » par les usagers. Bien qu’encore expérimental, ce type de lecture émotionnelle de la ville ouvre des perspectives intéressantes pour une planification plus empathique, même si elle repose sur une donnée fondamentalement subjective. º

9Figure 3: Analyse des émotions urbaines – Chatty Maps Figure 4: Représentation de la perception de l’espaceurbain – Urbanopticon

À Barcelone, la plateforme Decidim :

Cette plateforme adopte une autre approche, en donnant aux habitants la possibilité d’évaluer directement les ambiances urbaines. Au-delà du simple vote, ils peuvent partager leurs ressentis, faire des suggestions ou signaler des inconforts (bruits, éclairage, sentiment d’insécurité…). Le fait que ces retours puissent influencer les décisions politiques montre que la ville peut aussi prêter attention à la parole de ses citoyens, pas seulement aux données chiffrées.

Cette approche montre que la ville sensible ne se résume pas à l’usage de capteurs ou d’intelligences artificielles. Elle peut aussi prendre la forme d’une sensibilité politique, dans laquelle les émotions exprimées par les citoyens deviennent des éléments légitimes dans les processus de décision urbaine. Dans ce cadre, la ville n’est pas simplement réglée par des données prévisibles. Elle cherche à s’accorder au rythme des vécus humains, à intégrer une parole habitante, consciente, située, et porteuse d’expertise d’usage.

Capture d’écran de la plateforme Decidim, permettant aux citoyens de participer à l’aménagement de la ville.11
Figure 6 et 712 : Exemple de remontée citoyenne concernant le changement du nom d’une rue sur la plateforme municipale de Barcelone.

À Amsterdam, Place de Hoekenrodeplein :

La question de l’ambiance urbaine est abordée à travers des systèmes d’éclairage intelligents. Des capteurs mesurent les mouvements, le bruit ambiant et la fréquentation afin d’ajuster en temps réel l’intensité lumineuse. L’objectif est de s’adapter à l’usage du moment pour sécuriser, apaiser ou mettre en valeur un espace. Ce dispositif, bien que discret, transforme en profondeur l’expérience d’un lieu, voire influence nos comportements13.

Dans ce cas, la sensibilité urbaine ne repose ni sur l’écoute directe des habitants ni sur l’interprétation de leurs émotions via les réseaux sociaux. Elle se manifeste plutôt par une réaction automatique et contextuelle à leur simple présence physique, captée par des capteurs ou des dispositifs techniques.

Figure 7 : Photo du square prise du livre de Cities lighting magazine n*4

L’atmosphère lumineuse se mue alors en instrument d’influence subtile, pouvant rassurer, calmer ou stimuler, suivant l’intensité de l’intervention. La mairie a mis en place 144 lampadaires LED connectés, chacun ayant sa propre adresse IP. Ils peuvent être commandés à distance ou réagir automatiquement à l’environnement via des capteurs pour adapter l’intensité lumineuse à la météo, à la période des rituels ou à l’intensité d’activité sur la place. Cette sorte d’intervention questionne la problématique d’influence qu’il est permis au milieu d’exercer sur les comportements sans saisine réductrice : la lumière devient ainsi une forme de langage silencieux, capable d’agir sur la perception et les attitudes des citadins sans qu’ils en aient pleinement conscience.

Ces projets, très variés dans leurs méthodes et leurs objectifs, partagent un même fil conducteur : celui de remettre les ressentis et les émotions des habitants au cœur des réflexions sur la ville. Ils prouvent que la ville sensible n’est pas une idée futuriste ou théorique, mais une réalité déjà en train d’émerger dans plusieurs contextes.

La problématique : Quand la ville qui ressent devient celle qui surveille :

Les projets de ville sensible se sont multipliés au fil des dernières années, chacun voulant mieux capter, comprendre, intégrer les ressentis des usagers. La lumière, les données émotionnelles ou les retours des citoyens traduisent tous une évidente volonté de rendre l’espace public d’autant plus agréable, sécurisant, humain. L’intention est positive, presque évidente. Il adapte la ville à ses usagers, plutôt que leur imposer une structure figée.

Mais cette évolution, si bienveillante qu’elle paraisse, pose une question profonde : peut-on encore être librement soi-même dans une ville qui nous regarde en permanence, même avec de bonnes intentions ?

Lorsque les ambiances sont automatiquement réglées, lorsque nos émotions sont décryptées, lorsque nos réactions deviennent des données exploitables, n’y a-t-il pas risque qu’il manque à la ville sa dose d’imprévu et d’improvisation ? Comme l’insinue Michel Foucault, « De là, l’effet majeur du Panoptique15 : induire chez le détenu un état conscient et permanent de visibilité qui assure le fonctionnement automatique du pouvoir. » (Foucault, 1975)16. En voulant rendre toutes les choses confortables et fluides, on aboutit à créer un espace qui change nos postures sans nous en rendre compte, et qui graduellement transforme l’espace public dans un espace d’autosurveillance émotionnelle.

Cette logique est intégrée dans un processus vaste qui est décrit par Shoshana Zuboff17 comme étant celui du capitalisme de surveillance, où nos comportements, nos émotions, nos gestes deviennent des matières premières pour prédire, orienter, puis monétiser notre quotidien. Même en essayant d’être dans un contexte non marchand, cette logique suscite l’inquiétude : est-ce qu’on peut encore être soi-même dans un espace urbain où chaque action peut être capturée, traitée, interprétée ?

C’est précisément cette dimension invisible qui mérite d’être interrogée. Il ne s’agit pas de rejeter l’idée même de ville sensible, mais de questionner le moment où l’intention d’écoute se transforme en mécanisme de contrôle, et d’analyser les effets de ce glissement sur notre manière d’habiter la ville, d’y vivre librement, d’y être simplement humains.

Analyse approfondie :

La tension entre attention et contrôle, entre bienveillance technologique et encadrement comportemental, n’est pas seulement théorique. Elle se manifeste déjà dans plusieurs projets urbains récents, qui traduisent des visions contrastées de la ville sensible. Pour mieux comprendre les effets de ces choix, il est utile d’analyser quelques cas emblématiques, où la sensibilité urbaine s’est traduite par des dispositifs concrets, parfois inspirants et parfois problématiques. Mais dans cette quête d’efficacité, où se trouve la place du corps, du désordre, de la surprise? C’est à travers les exemples de Songdo (Corée du Sud) et King’s Cross (Londres) que cette question sera explorée.

Figure 8 et 9 : Centre de contrôle U-City à Songdo.

Ville de Songdo :

Songdo est l’archétype d’une ville sensible conçue à l’origine de top-down. Un modèle imaginé comme espace intelligent, intégralement connecté, elle vise à rendre la vie plus efficace, plus fluide et plus durable. Des capteurs contrôlent la qualité de l’air, la circulation, les ordures, l’énergie. Ensuite les données sont traitées pour anticiper les besoins et adapter les services et finalement optimiser chaque rencontre urbaine (KPF, n.d.)18. Cette ville semble plus pensée pour être performante que pour être vécue avec intensité. Comme le relève Townsend (2013)19, Songdo incarne une ville où « tout est prévu, sauf la vie elle-même ». L’espace public y est propre, silencieux, vide. Les interactions sont réduites à leur version la plus rationnelle. Ce qui est présenté comme du confort ou de la sécurité devient, en réalité, un encadrement discret des comportements. C’est là que se pose une tension centrale dans l’analyse. Songdo ne surveille pas de manière intrusive, mais elle collecte, mesure, ajuste, en permanence. Elle ne contraint pas, mais elle oriente subtilement. Elle n’impose rien, mais elle encadre tout. Zuboff (2019)20 parle de surveillance douce, où la collecte permanente de données transforme le citoyen en une cible à prédire et à canaliser. Ce n’est plus seulement l’espace que l’on régule. C’est notre manière d’y être présents.

La valeur de l’espace public ne consiste pas uniquement en son ordre parfait et en ses normes claires. Mais qu’il permette l’avènement de l’imprévu, de l’émotion brute. En tant que telle, dans une ville comme Songdo, tout semble organisé pour que chacun joue son rôle d’usager idéal, mais pas pour que l’on puisse être spontanément soi-même. Et cela est une forme de perte démocratique, un appauvrissement de ce que signifie « habiter ensemble ».

Ville de Londres :

Le projet de réaménagement du quartier de King’s Cross à Londres est souvent salué pour sa réussite urbanistique. Une reconversion d’un ancien quartier ferroviaire, mixité fonctionnelle, qualité des espaces publics, démarche durable. Mais sous cette façade exemplaire se cache un épisode révélateur des dérives possibles de la ville sensible. Un scandale relayé par Privacy International21 et The Guardian22 montre qu’entre 2016 et 2018, le promoteur du site, sans en informer le public, a installé des caméras dotées de reconnaissance faciale automatique dans certaines zones du quartier, notamment le long de King’s Boulevard. L’intention n’était pas de surveiller chaque individu en particulier, mais d’assurer la sécurité. Pourtant, ce geste change la nature même de l’espace public. Car ce n’est pas tant ce que la technologie fait, mais ce qu’elle induit la sensation de pouvoir être observé en permanence. Or, comme l’a démontré Michel Foucault24, la visibilité constante ou supposée suffit à transformer les comportements. Les gens deviennent plus réservés, plus normés, plus discrets, on n’ose plus flâner, exprimer une émotion vive, ou simplement traîner. Dans ce cas, il ne s’agit pas d’une surveillance agressive, mais d’un contrôle doux, d’un suivi silencieux des flux, des visages, des comportements. Pourtant, l’impact est bien réel : l’espace public change de nature quand on sait (ou soupçonne) qu’on y est observé. On n’ose plus flâner librement, s’exprimer spontanément, ou simplement se laisser aller. Ce qui est affecté ici, ce n’est pas seulement la sécurité, mais la liberté de présence, cette capacité à exister sans justification dans un lieu commun.

Tout cela illustre parfaitement la dérive possible de la ville sensible : une ville qui, à force de vouloir bien faire, finit par instaurer un climat de suspicion permanent. Elle ne crie rien, ne punit pas… mais elle observe, anticipe, oriente. Et c’est ce climat diffus qui, peu à peu, transforme l’espace public en espace normé, où seuls les comportements attendus sont bienvenus.

Conclusion

La ville sensible apparaît comme une alternative prometteuse aux approches fondées exclusivement sur l’optimisation technique et la gestion des flux, caractéristiques de nombreuses smart cities. En recentrant la conception urbaine sur les perceptions, les ambiances et les émotions, elle ouvre la voie à une forme d’aménagement plus humaine, plus attentive, et potentiellement plus inclusive. Cependant, l’analyse de cas concrets comme Songdo ou King’s Cross montre que cette sensibilité peut parfois dériver vers une forme de régulation douce, voire de surveillance silencieuse. En captant les ressentis, en analysant les comportements, la ville devient capable non seulement de s’adapter, mais aussi d’influencer subtilement les pratiques urbaines, souvent sans que les habitants en aient conscience. Cette dynamique interroge profondément la nature de l’espace public. Si chaque interaction devient un signal, chaque émotion une donnée, l’espace partagé risque de perdre sa qualité première : celle d’être un lieu d’expression libre, de confrontation imprévisible, de cohabitation imparfaite.

Ainsi, il apparaît nécessaire d’accompagner le développement des villes sensibles d’une réflexion éthique et politique rigoureuse. La technologie ne doit pas effacer le droit à l’opacité, à la surprise, ou même à l’inconfort.

Il ne suffit pas qu’une ville comprenne ses habitants ; elle doit aussi leur laisser la possibilité d’échapper à toute lecture, d’exister en dehors des cadres, et d’occuper l’espace sans condition. Une ville sensible ne se résume pas à sa performance technique. Elle doit rester un lieu d’expression et de présence humaine imprévisible. Mais à force de vouloir anticiper nos besoins, la ville sensible finira-t-elle par réduire notre capacité à les formuler nous-mêmes ?

Analyse critique (P.Simoens)

La question de la pertinence des villes intelligentes ne date pas d’aujourd’hui. Des auteurs, tels que Ben Green, consultant au MIT et auteur du livre « the Smart City Enough » (2019) montrent à quel point la technologie ne peut répondre aux enjeux de gouvernance humaine qui est bien plus complexe. Mieux, aujourd’hui, nous sommes arrivés à un niveau technologique tel que tout est possible : « The sky is the limit » diraient certains !  Ces limites, elles sont aussi présentées par notre étudiante avec la ville de Songdo : pensée pour la technologie et juste la technologie… et finalement, comme Prométhée, la ville se brûle les ailes. Il faut aussi se rappeler que le temps des villes n’est pas du tout le temps des technologies. C’est un amortisseur temporel face aux enjeux de société et c’est très bien ainsi.
Finalement, notre étudiante a démontré un bel esprit critique, ne jouant pas juste sur « j’aime/je n’aime pas », mais approfondissant son travail pour approcher d’une vision assez équilibrée des enjeux de la ville intelligente, aujourd’hui souvent aussi appelée « ville sensible ». Enfin, pour les puristes, vous aurez constaté que la forme ne suit pas nécessairement le fond. Un référencement pertinent, mais très cocasse au niveau scientifique. Ah, les architectes… des doux rêveurs. 
😉

Bonne et belle journée à vous.

Pour complément, la bibliographie :

1 Picon, A. (2013). Smart Cities : Théorie et critique d’un idéal auto-réalisateur. Editions-b2, lien: https://editions-b2.com/les-livres/6-smart-cities.html
2 Senseable City Lab, MIT, est un laboratoire de recherche qui étudie comment les données numériques et les capteurs peuvent rendre les villes plus sensibles aux comportements et aux émotions de leurs habitants. Research Projects. Retrieved from https://senseable.mit.edu/
3 Kevin Andrew Lynch (1918–1984) était un urbaniste et théoricien américain de l’urbanisme. Il a travaillé beaucoup sur comment les gens perçoivent et vivent les espaces urbains. Son livre, L’image de la ville, (1960), https://www.academia.edu/42686719/Livre_Limage_de_la_cit%C3%A9_de_Kevin_Lynch?auto=download  
4 Une carte mentale est une représentation intérieure que chacun se construit d’un espace, basée sur ses propres perceptions, souvenirs et émotions. Dans le contexte urbain, elle permet d’organiser mentalement les repères visuels, les chemins et les ambiances qui donnent du sens à la ville vécue.
5 Carlo Ratti est un architecte et chercheur au MIT, spécialiste de l’application des technologies numériques à l’espace urbain. À travers le Senseable City Lab, il développe l’idée d’une ville capable de ressentir et de réagir aux comportements et aux émotions de ses habitants. https://www.mobilize.com/wearemobilizers/carlo-ratti-de-la-smart-city-a-la-senseable-city/
6 Eurisy. (2020). Good City Life : crowdsourcing de données satellite et d’émotions pour cartographier notre zpaysage urbain, Lien : https://www.eurisy.eu/stories/good-city-life-crowdsourcing-satellite-data-and-emotions-to-map-our-urban-landscape_241
7 Figure 1 et 2, Eurisy, ibid.
8 TED. (2015, 6 janvier). Daniele Quercia : Joyeuses cartes [Vidéo]. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=AJg9SXIcPiM  
9 Figure 3 et 4, Eurisy, ibid.
10 TED. (2015, 6 janvier). Daniele Quercia : Joyeuses cartes [Vidéo]. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=AJg9SXIcPiM  
11 Figure 5 : Ajuntament de Barcelona. Decidim Barcelona. https://ajuntament.barcelona.cat/digital/en
12 Figure 6 et 7 : https://www.decidim.barcelona/initiatives/i-1767
13 LUCI Association. (2019). Smart lighting for Amsterdam’s Hoekenrodeplein square. Site web, https://www.luciassociation.org/smart-lighting-for-amsterdams-hoekenrodeplein-square
14 Figure 7: Cities-Lighting-Magazine-n°4, Aout 2016, LUCI Association. Site web, https://www.luciassociation.org/wp-content/uploads/2024/02/Cities-Lighting-Magazine-n°4.pdf
15 Le panoptique est un schéma d’architecture conçu par Jeremy Bentham, ensuite repris par Michel Foucault dans Surveiller et punir (1975). Le panoptique donne à la fois la capacité à l’agent central, au surveillant, d’observer toutes les personnes détenues sans qu’elles voient. Foucault y voit un symbole du pouvoir moderne : la surveillance intériorisée, où l’individu se contrôle lui-même sous l’effet d’une visibilité constante, même potentielle.
16 Foucault, M. (1975). Surveiller et punir. Naissance de la prison. Paris : Gallimard. https://monoskop.org/images/2/22/Foucault_Michel_Surveiller_et_Punir_Naissance_de_la_Prison_2004.pdf  
17 20 Hongladarom, S. (2020). Shoshana Zuboff, The age of surveillance capitalism: The fight for a human future at the new frontier of power. AI & Society. https://www.researchgate.net/publication/346844216_Shoshana_Zuboff_The_age_of_surveillance_capitalism_the_fight_for_a_human_future_at_the_new_frontier_of_power_New_York_Public_Affairs_2019_704_pp_ISBN_978-1-61039-569-4_hardcover_978-1-61039-270-0_eboo21 Privacy International. (2019). King’s Cross has been watching you – and the police helped. https://privacyinternational.org/case-study/3973/kings-cross-has-been-watching-you-and-police-helped
22 The Guardian. (2019). Facial recognition technology scrapped at King’s Cross site. https://www.theguardian.com/technology/2019/sep/02/facial-recognition-technology-scrapped-at-kings-cross-development
Figure 9 et 10 , https://privacyinternational.org/case-study/3973/kings-cross-has-been-watching-you-and-police-helped  

24 Foucault, M. (1975). Surveiller et punir. Naissance de la prison. Paris : Gallimard. https://monoskop.org/images/2/22/Foucault_Michel_Surveiller_et_Punir_Naissance_de_la_Prison_2004.pdf

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Pascal SIMOENS Ph.D, Architecte et urbaniste, data Scientist, expert Smart Cities. J’ai commencé ma vie en construisant des villes en Lego, j’en ai fait mon métier. Geek invétéré, aujourd’hui je joins mes passions du numérique et de la ville au travers d’une expertise smart Cities et smart-buildings en travaillant en bureau d’étude (Poly-Tech Engineering) et j’enseigne cette même expertise à l’UMONS et l’ULB. Complémentairement, je suis membre du bureau et trésorier du Conseil francophone et germanophone de l’ordre des architectes, baron au sein du Conseil national de l’Ordre des architectes.

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