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Temps de lecture : 10 minutes
mots-clés : Urbanisme, Wallonie, soutenabilité, schéma de développement territorial, enquête publique, Charleroi, Charleroi métropole, thudinie, entre Sambre et Meuse
Chers lecteurs,
En préambule
Voici donc notre quatrième et dernier article sur l’analyse des rapports de mobilités futures sur les territoires qui sont aujourd’hui proposés à être requalifiés par la Région wallonne. Nous n’avons pas l’intention de décrier ce projet, bien au contraire. Notre intention est plutôt de définir les enjeux de la mobilité de demain qui apparaitront pour donner suite aux propositions incluses dans le SDT. Car au-delà d’un simple cercle autour d’une ville ou d’un village, c’est l’avenir immobilier de ces territoires qui sera en jeu dans un monde où les choses changent très vite. Et dans ce contexte, la mobilité ou plutôt l’accessibilité est l’enjeu majeur des 30 prochaines années.
En d’autres termes, et sur base de la proposition du GW et de la CPDT, nous proposons une analyse prospective des risques et potentiels des territoires. Nous avons sélectionné la question de la mobilité, car nous pensons que celle-ci sera celle qui impactera le plus les transformations des différentes manières d’habiter.
Les légendes et ce qu’elles signifient

Sur notre carte, nous avons diverses légendes. Premièrement, les légendes du SDT qui définissent les types de centralités :
- Les centralités urbaines de pôle : ce sont les grandes agglomérations composées de tous les transports en commun disponibles et avec une densité d’offres de mobilités importante. En d’autres termes, si vous vivez dans cette zone, vous trouverez à moins de 10 minutes à pied des transports qui vous amènent au centre-ville et ses services tels une grande gare, un aéroport, etc.
- Les centralités urbaines sont composées de territoires qui offrent une bonne accessibilité durant la journée pour vous rabattre vers les centres-villes métropolitains (Mons, La Louvière et Charleroi). Il n’est pas toujours facile de rejoindre le pôle urbain en un temps minimal, mais la connexion existe et est relativement fréquente. Souvent, ce sont des territoires moins denses et en connexion avec les pôles.
- Les centralités villageoises sont des regroupements de constructions par lesquelles il y a parfois un minimum de services. L’accessibilité est limitée et le plus souvent centrée sur la mobilité en voiture (VP ). Toutefois, ces polarités sont à nuancer, nous l’avons fait pour les analyses de cartes.
- Les cercles rouges sont les pôles connectés, dépassant le simple principe de densité. En effet, certains villages profitent encore d’un arrêt de gare SNCB. Nous constaterons que selon les territoires, le train est souvent très structurant… Il y a donc des villages bien connectés, mais qui, selon le nouveau SDT, verront leur densité limitée.
- Les cercles noirs et les maillages entre ceux-ci sont les centralités villageoises qui sont déconnectées. Souvent nous retrouvons ces territoires en formes de petites ou moyennes grappes. Plus la grappe est importante, plus les territoires risquent d’être déconnectés à moyen ou long terme, concomitamment à la réduction des capacités de mobilités en VP. Cela signifie que ces territoires risquent aussi d’être en décroissance d’habitants. D’un autre côté, ces espaces pourraient être privilégiés par des populations plus aisées qui recherchent des lieux apaisés face à la densité urbaine.
- Les cercles rouges en traits tillés sont des « no Man’s land », en d’autres termes des territoires perdus… s’ils ne sont pas connectés. Précisons que de nombreux villages ne sont pas repris dans les centralités villageoises, c’est entre autres les cas des villages du plateau thudinien sur le célèbre axe de la RN 54… jamais construite.
- Les flèches vertes sont les zones de liaisons de transports en commun à haut niveau de services (bus ou tram) que nous soumettons à la réflexion dans un cadre de temps de 10-15 ans. En effet, la mise en œuvre d’infrastructures de ce type prend du temps. Et dans ce temps, les mobilités vont se circonscrire de plus en plus par la raréfaction des moyens d’achat et de mise à disposition des VP dans les zones moins accessibles. Il est donc nécessaire de penser maintenant les transports de demain…
Méthodologie
Notre analyse se base sur une connaissance approfondie des territoires étudiés. Entre autres, nous avons été auteurs de projet du schéma de structure de Mons et Charleroi et nous avons réalisé de nombreuses études d’urbanisme sur l’ensemble de ces territoires depuis plus de 20 ans. Par ailleurs, nous travaillons depuis plusieurs années sur les mutations des mobilités en lien avec les capacités financières des personnes et face au changement de paradigme avec les voitures électriques. Nous vous renvoyons vers divers articles publiés sur notre blog pour étayer nos propos qui, par définition, ne seront ici que parcellaires.
Enfin, nous y vivons.

Analyse de l’agglomération métropolitaine de proximité de Charleroi
La ville de Charleroi est une ville de la même taille administrative que…Paris. Mais la comparaison s’arrête là… quoique, à y regarder de plus près, certaines similitudes semblent intéressantes :
- Nous avons une ville radio concentrique, tant ses infrastructures ferrées, de mobilité automobile ou de transports en commun sont hyper radiaux.
- Elle est traversée d’est en ouest par une rivière et un canal plutôt orienté vers le nord.
- L’influence de la ville est à géométrie variable sur son agglomération : au nord elle s’étiole rapidement, au sud elle titre très profondément jusqu’à la frontière française des Ardennes, un peu comme Paris et Orléans, d’est en ouest, l’effet de vallée est également bien présent.
Le SDT confirme la centralité de pôle de l’ensemble de la ville, tout comme Liège, mais il génère des disparités entre la ville et sa périphérie. En effet, très légitimement, les auteurs de projet ont renforcé le positionnement du cœur d’agglomération en réduisant le développement des territoires périphériques, relégués pour la plupart à des centralités villageoises. C’est le cas de toutes les communes au nord et sud de Charleroi, excepté Fleurus.
Et au-delà, certains territoires comme le plateau thudinien sont désertés avec seulement des centralités villageoises liées à un arrêt de train dans la vallée de la Sambre, délaissant alors tout le maillage des villages entre Binche, Erquelinnes et Charleroi, ensemble d’un territoire fortement lié aux déplacement et développement économique de la métropole.
La même question se pose sur l’axe Châtelet-Mettet et au-delà de Beaumont, vers la botte du Hainaut.

En d’autres termes, la centralité assumée de la métropole se fait au détriment de l’étalement urbain vers les communes périphériques. En soit, c’est une bonne chose, mais d’un autre côté, ce serait oublier que ces territoires liquéfiés sont urbanisés depuis le 17e siècle et que cette urbanisation de maillages de villages situés chacun à +/- 3km l’un de l’autre forment un tissu plus dense qu’il n’y parait. À moyen et long terme, un effondrement de la périphérie lié à un désert de mobilité est un risque bien réel. Et en l’état des choses, rien ne garantit que la ville de Charleroi récupère les migrants de la mobilité bas carbone.

Par ailleurs, il reste une autre question liée à la mobilité et relative aux options de la Région : la centralité urbaine de pôle se déploie jusqu’à ‘à Courcelles à l’est et Fleurus à l’Ouest. Entre ces deux communes complémentaires à la ville de Charleroi se situe l’ensemble du poumon économique de l’agglomération avec de nombreux zonings industriels et l’aéroport. Toutefois, cette zone est déjà difficilement accessible, sauf l’aéroport et ces 3 lignes spécifiques qui desservent partiellement les zones industrielles. (en bleu sur la carte). Toutefois, et tout comme l’agglomération parisienne, de nombreux déplacements transversaux (vs radiaux) s’accentuent sur l’axe est-ouest qui, aujourd’hui, ne peut s’effectuer raisonnablement qu’en VP.

Il découle de ces analyses (pour une mobilité partagée et non de classe), plusieurs réflexions :
- Au sud, l’enjeu se décline par le développement et le renforcement de lignes de BHNS Express. La Région wallonne en développe déjà quelques-unes, elles sont à renforcer.
- À l’Ouest, le plateau dans le triangle Erquelinnes-Binche-Givry deviendra un territoire mort alors que densément maillé depuis plus d’un siècle avec l’arrivée du chemin de fer et des tramways. Nous proposons la création d’une nouvelle ligne BHNS en site propre… la fameuse RN 54 mais uniquement dédiée aux Bus et camions (pour la sérénité des riverains. À défaut, ce territoire va devenir un désert.

- Au nord se pose la question d’une ligne de transports en communs en interconnexion avec la ligne de tram menant à Gosselies. la particularité de cette ligne serait de ne pas relier le centre-ville de Charleroi. Elle relierait l’ensemble des zonings, mais également le chapelet de communes Campinaire-Wanfercée Baulet lambusart qui sont caractérisées par un tissu urbain très similaire aux communes du nord de Charleroi (Lodelinsart/Ransart/Jumet/Roux) et qui sont situées en zones de centralités urbaines de pôles alors que le sud de Fleurus est en centralités villageoises. L’enjeu de cette ligne de tram est d’offrir une certaine pérennité économique aux zonings par un axe structurant reliant également l’aéroport au poumon économique. C’est ce qui a été développé autour de l’aéroport d’Orly.

En conclusion (de ces 4 articles)
Nous ne désirions pas remettre en cause de nouveau SDT qui a la vertu de répondre (enfin !) à un objectif d’aménagement du territoire qui gère les centralités et donc définit les densités. C’est l’objectif d’un « stop béton » d’ici 2050. Toutefois, nous pensons que cette ambition « stop béton » reste assez frileuse et les contraintes financières liées aux objectifs européens dont découle le DNSH va accélérer les investissements durables et donc, conséquemment, la diminution d’investissements privés et publics sur des territoires à impact carbone avéré. C’est tout un modèle d’habitat qui va vaciller dans les 15 années à venir. Le SDT anticipe ces choix, voir les renforce. Toutefois, il ne faut pas nom plus oublier les gens qui vivent dans les territoires peu carbonés (la campagne), mais dont le bilan total est catastrophique pour des raisons d’offre de mobilité publique infime, obligeant chacun de rouler avec 1, 2 ou 3 voitures. Souvent, ces personnes habitent dans les villages, car ils ont pu acheter leur logement à moindre coût. Dans le même temps, ils subiront de plein fouet l’augmentation du coût des déplacements privés (je vous renvoie à mon premier article pour mieux définir ces enjeux). Toutefois, il est de la responsabilité des pouvoirs publics de développer une alternative viable de mobilité à défaut d’appauvrir certains territoires qui sont pourtant essentiels pour le développement soutenable des villes. N’oublions pas que le mitage de la thudinien s’est mis en place uniquement par des petites fermes de 1 à 2.5 Ha durant le 17e siècle. Un territoire devenu le jardin maraicher du sillon industriel avant l’arrivée de l’industrie agroalimentaire. Des territoires qui peuvent redevenir les jardins des villes à condition de trouver un équilibre entre fermiers et habitants avec une densité suffisante pour garantir des services minimaux : écoles, boulangeries, etc., les risques se mettent dans les détails des bonnes intentions. Pour limiter les risques et rendre les territoires du sillon industriel hennuyer, il faut retrouver la mobilité collective du début du 20e siècle. C’est un éternel recommencement.
Bonne journée et belles vacances à vous.
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Pascal SIMOENS Architecte et urbaniste, data Scientist. Expert Smart Cities. J’ai commencé ma vie en construisant des villes en Lego, j’en ai fait mon métier. Geek invétéré, aujourd’hui je joins mes passions du numérique et de la ville au travers d’une expertise smart Cities et smart-buildings en travaillant en bureau d’étude (Poly-Tech Engineering) et j’enseigne cette même expertise à l’UMONS et l’ULB.
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