RE-Blog : As Louisiana’s coast disappears, its historic communities are disappearing too

PHOTO ALEX BRANDON, ASSOCIATED PRESS, Donald Trump (au centre) a visité un quartier de Lake Charles en compagnie du gouverneur de la Louisiane John Bel Edwards (deuxième à droite) lors d el’ouragan Laura (2020).

Temps de lecture : 16-20 minutes (y compris la lecture complète de l’article mentionné)
mots-clés : changement climatique, identité, territoire, heritage, culture, citizens, louisiana, Grist

Chers lecteurs,

Cela faisait longtemps que je ne vous avais pas publié une lecture d’article. Voici réparé avec le titre explicite de Jake Bittle : As Louisiana’s coast disappears, its historic communities are disappearing too publié le 22 février 2023 sur la plateforme Grist (Climate, Justice, Solutions). L’article dont il est question s’inscrit dans une publication plus large reprenant la question du « grand déplacement climatique » qui nous pend au nez dans les décennies à venir et jusqu’à 2100. Après, ce sera pire… mais on sera moins nombreux.

Des territoires fragiles

Deux membres de la tribu indienne United Houma Nation marchent autour d’une maison endommagée par l’ouragan le long du Bayou Pointe-au-Chien en mai 2022. Gerald Herbert / AP Photo

L’auteur s’appuie sur la situation en Louisiane qui est la première ligne des changements climatiques aux USA avec la Californie et ses feux de forêt. Il démontre qu’au-delà des questions techniques liées à la manière dont on répond aux changements climatiques, il y aussi des habitants et que ces habitants s’organisent en communautés. Des communautés qui disparaissent peut à peu avec les migrations (déménagements c’est plus poli) faisant suite aux catastrophes naturelles récurrentes. Ici il est question du petit village de Pointe-aux-Chênes : deux communautés autochtones qui s’érodaient depuis des décennies. Plus tôt ce matin-là, un représentant de la commission scolaire paroissiale s’était présenté à l’improviste et avait informé le personnel que la paroisse fermait l’école, à compter de cet été-là. Les gens quittaient Pointe-aux-Chênes depuis des décennies, chassés par de fréquentes inondations et le déclin de l’industrie locale de la crevette, et les inscriptions à l’école élémentaire Pointe-aux-Chênes étaient bien en deçà de l’objectif du district. Le village ne méritait plus sa propre école, ont déclaré des responsables.

Il n’est donc plus question ici de résilience, mais bien de transformation complète du paysage, avec les humains qui s’organisent pour fuir les territoires et donc constituer de « nouvelles vies ».

Les communautés et le patrimoine

L’article met en exergue le traumatisme de ces déplacements et l’arrachement au territoire, mais je voudrais ajouter un point : le patrimoine bâti. Nous sommes souvent face à de nombreuses personnes qui désirent conserver tout ce qui fait le patrimoine. C’est sans aucun doute parce que la société occidentale est âgée et donc plus conservatrice. Mais face aux enjeux climatiques et transformations des territoires, on constate que la mutation des espaces et paysages construits de superpositions architecturales depuis près de 1000 ans va être profondément modifiée dans le siècle à venir : ce pour quoi les gens se battent aujourd’hui sera dérisoire demain, faute d’habitants.

Une mise en perspective qui doit nous faire réfléchir dès aujourd’hui sur le patrimoine essentiel et celui qui doit vivre face aux aléas à venir et, peut-être aussi, disparaitre. La préservation continue de chaque brique un peu précieuse depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et plus encore depuis les années 1960 est de plus en plus dérisoire face à la manière dont les territoires, dans leurs différents constituants, seront amenés à se transformer. Rappelons pour l’occasion que ces migrations seront aussi chez nous, entre autres du sud-est de la France vers le nord, au-dessus d’Orléans. Les modèles prévisionnels y prévoyant une steppe… en 2100.

Nous sommes donc bien loin de savoir sur l’église x ou le lavoir y est à conserver : il n’y aura plus personne dans l’église et plus d’eau pour le lavoir.

Patrimoine mort ou vivant

le Colisée à Rome, Système complexe d’escaliers, d’après le Lexikon der gesamten Technik (1904) d’Otto Lueger., Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=402181

Dans mon cours de typo morphologie à l’université de Mons, j’explique à mes étudiants la différence entre le patrimoine mort et celui « vivant » :

  • Est un patrimoine mort, celui qui se suffit à lui-même et n’a pas besoin d’autre chose que lui-même. C’est Notre-Dame de Paris, l’Atomium, l’hôtel de ville de Bruxelles.
  • Paradoxalement, le patrimoine vivant ne peut l’être que parce qu’il y a des habitants et a été réaffecté ou continue ses usages initiaux.

Ainsi, la très grande majorité du patrimoine actuel est un patrimoine vivant qui n’existe que culturellement, il n’a pas de valeur exceptionnelle d’un point de vue culturel, historique ou  architectural. Ainsi, sans affectation, il périra… et sans habitants, il ne saurait être affecté à une quelconque activité.

Ne pas perdre la connaissance de la construction

Jake Bittle offre de jolies photos des habitants du Bayou qui sont désemparés par la réduction des services, eux-mêmes justifiés par une migration des populations après des inondations récurrentes. Derrière ces gens il y a des maisons et des manières de construire. Ces connaissances sont, à mon sens, plus importantes que les bâtiments eux-mêmes… car peut-être que dans quelques siècles, il sera de nouveau possible d’habiter ces régions vouées à la disparition de l’Homme pour la nature.

source : https://time.com/doomsday-vault/

Tout comme nous avons constitué des réserves de stock de la biodiversité dans le Svalbard, pourquoi ne pas s’atteler à constituer une bibliothèque des constructions des hommes au 21e siècle ? Car, sans aucun doute, beaucoup de choses vont disparaître dans les 60 années à venir.

Merci de cette lecture.

Pascal SIMOENS Architecte et urbaniste, data Scientist. Expert Smart Cities. J’ai commencé ma vie en construisant des villes en Lego, j’en ai fait mon métier. Geek invétéré, aujourd’hui je joins mes passions du numérique et de la ville au travers d’une expertise smart Cities et smart buildings en travaillant en bureau d’étude (Poly-Tech Engineering) et j’enseigne cette même expertise à l’UMONS et l’ULB.

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