Une petite visite de Bréda pour mettre en exergue les erreurs d’aménagements des centre-villes en Belgique. Temps de lecture : 5 minutes

En ce weekend Pascal, entre deux écritures, nous sommes allés, ma petite famille et moi-même, à Bréda. J’y étais déjà allé une première fois à la fin de mes études lors de l’inauguration du quartier chassée et avec l’intervention des architectes XGDA, OMA, Bruno Albert pour ne citer qu’eux. 20 ans plus tard, comment cette bourgade de 180.000 habitants (pour 128 km²) du brabant hollandais avait-elle évolué ?


L’arrivée dans la ville qui se situe entre Anvers et Rotterdam est plutôt banale : une architecture à la hollandaise avec des immeubles hauts libérant des espaces verts au sol tels ceux construits en entrée de ville (dirk Hartostraat) ou plus anciens qui nous conduisent en centre-ville. Notons que cette ville n’est pas énorme et n’offre donc pas un service de transports en commun (bus) extraordinaire, mais des parkings en suffisance et coûteux (3,5€/h en moyenne). Par contre, on ne s’étonnera pas que la ville soit vélo frendly ! Nous sommes aux Pays-Bas…

Le centre-ville est caractérisé par 4 types d’architectures :
- La première concerne les quelques vestiges de la place forte et des bâtiments les plus anciens comme la cathédrale ou le château.
- La seconde offre un panel remarquable d’architectures industrielles du début du 20e siècle, embrassant l’art nouveau et l’art déco, sans oublier le Bauhaus qui eu une certaine influence sur la ville pendant sa période de fortune.
- Ensuite la reconstruction post seconde guerre mondiale qui a vu une architecture résistante, mais banale.
- Enfin, au basculement du siècle, on vit une ville renaître avec le déploiement de nouvelles architectures, un accent mis sur la rénovation urbaine que nous appellerons ici « chirurgicale ». Seul le projet Chassée, ancienne friche adjacente au cœur de ville, est de plus grande ampleur.


Les villes flamandes belges et les villes hollandaises proposent de nombreuses similitudes urbanistiques et architecturales. Toutefois, lors d’un weekend pascal ensoleillé, il nous semble que la différence est bien plus marquante par les usages et occupations de l’espace public : ce qui fait que la petite ville de province offre comme urbanité.
Plusieurs conditions à cette urbanité nous semblent fondamentales et doivent aussi ouvrir les yeux de nos responsables politiques belges :
- L’espace public : par la force des modes de déplacements en vélo ou à pied qui offrent l’opportunité de desservir 80% de la population par les modes doux, la voiture est simplement tolérée. Les entrées de villes à 3 ou 4 bandes redeviennent des rues à 2 bandes (Irènestraat, 55)… menant aux parkings en ouvrage. La voiture n’est pas pour autant exclue, ce n’est pas blanc ou noir, elle retrouve juste sa place autour d’un centre-ville apaisé ; tout simplement la voiture devient discrète.
- Le patrimoine et l’architecture (en général) : en Hollande, tout est architecture tant exceptionnelle que banale. La rénovation urbaine est assumée avec une protection et rénovation du patrimoine de toutes époques, mais aussi, lorsque c’est nécessaire, assumant des choix innovants pour répondre aux enjeux contemporains de la ville. Il en découle une mixité des formes d’espaces publics qui est remarquable, entre la rue traditionnelle en brique et le grand parvis d’eau et de béton le long d’un canal. A méditer dans un pays comme la Belgique où les cœurs historiques sont sclérosés par une patrimonialisation outrancière.
- Le commerce est en centre-ville : eh oui, les Pays-Bas ont drastiquement orienté le développement du commerce chez eux. Le résultat est l’inexistence de centre commercial en périphérie. Certes, il y a toujours des commerces également en périphérie, mais la notion d’utilité (surfaces) et d’usages prime (par exemple un magasin de matériaux). Le résultat est spectaculaire avec une densité de commerces assez extraordinaire vu la taille de la ville et son rayonnement (pour rappel, nous sommes à 30 minutes de Rotterdam (630.000 habitants) et 45 minutes d’Anvers (500.000 habitants)). Plus particulièrement, nous y avons trouvé une mixité de marques (flagship et commerces indépendants) et une mixité fonctionnelle (HORECA, commerces). Cet exemple démontre, si nécessaire, que le commerce ne migre pas vers la périphérie s’il ne peut pas le faire, tout simplement.



L’ensemble de ces conditions développent une urbanité assez extraordinaire, car la ville redevient ce qu’elle aurait toujours dû être : un lieu de rencontres. Quoi de plus extraordinaire pour un maire ou un bourgmestre que de sortir de son hôtel de ville et voir sa ville pleine de gens qui déambule, boivent un verre, s’amusent, rient, pleurent…vivent dans la ville.

L’intérêt de comparer les Pays-Bas et la Belgique est que les indicateurs socio-économiques sont suffisamment proches pour être comparés, que les modes de vie son certainement différents, les uns protestants, les autres catholiques, mais compensé par une histoire séculaire similaire, que nous avons le même climat, et que lorsque notre équipe de football se porte bien, la leur va mal et inversement !
Pour conclure, je vous invite donc à visiter cette ville qui ne paie pas de mine, car, en fin de compte, ce qui la rend extraordinaire, c’est la vie qu’elle génère dès le premier rayon de soleil.
Pascal Simoens
Urbaniste, architecte & data Curator.