
Dans un article du 18 mars 2018, Eleanor Cummins a écrit sur le site en ligne de Popular Science un article intéressant sur les grands supermarchés/hypermarchés qui continuent à disparaitre de plus en plus aux USA à l’avantage du commerce en ligne et du commerce local.
L’exemple signification relatée dans l’article est l’enseigne Toys ‘R ‘Us qui a déclaré faillite aux USA. Cette enseigne est s’est développée sur le concept bigger is not enough, une manière de préciser que du petit commerce dans un petit centre commercial, Toys’ R’ Us s’est agrandi toujours plus pour devenir des supermarchés du jouet… jusqu’à l’arrivée du commerce en ligne et où, quelque soit la bonne volonté des marques, elles ne seront jamais aussi achalandées que la plateforme Amazon (USA) ou Alibaba (Chine) qui vendent le monde entier au travers de votre écran 15’’.
Rappelons pour l’occasion que TOUS les Américains de plus de 18 ans ont un compte Amazon et que 35% du commerce de détail aux USA est aujourd’hui dématérialisé. Dans ces conditions, les grandes enseignes ont du souci à se faire et il suffit de visiter la page FB Dead Malls USA.com pour comprendre que le modèle américain d’urbanisation autour des carrefours d’autoroutes et des centres commerciaux, est en phase terminale.
Mais qu’en est-il en Europe et, plus particulièrement en France et en Belgique ? Le contexte est en effet différent d’un pays à l’autre : les pays de l’Est découvrent depuis à peine 20 ans ce type de commerces et un exemple comme Cracovie démontre également que les développeurs se sont très vite adaptés en se recentrant vers le centre-ville/gare plutôt que de continuer à développer des commerces en périphérie. Il n’empêche qu’en moins de 20 ans, les développements des entrées de villes polonaises… n’ont rien à envier à la France. Une France qui est probablement le pays européen qui se rapproche le plus du modèle américain d’urbanisation commerciale. D’une part, des commerces le long des axes d’entrée de ville et d’autre part, le développement du modèle d’hypermarché et de galerie commerciale. Un modèle qui ne répond plus aux enjeux humains d’aujourd’hui dans une société de consommation en perte de vitesse et qui devient plutôt une société de relation (réseaux sociaux) permettant de trouver les bonnes affaires où que ce soit.

Si les hypermarchés ont des soucis à se faire, ces espaces offrent de véritables opportunités foncières grâce à leur emprise au sol plus que respectable. En d’autres mots, il est possible de faire de l’urbanisme, transformer le territoire. Cependant, les boites le long des routes posent véritablement question avec un territoire en parcelles et dont les dynamiques individuelles ne faciliteront pas l’avenir desdits territoires, sans compter les coûts de démolitions et de dépollutions.
Sur un territoire comme la Wallonie où le gouvernement semble enfin vouloir mettre de l’ordre dans les zones d’habitats qui s’étendent à perte de vue en interdisant toute nouvelle construction sur des terrains vierges à partir de 2025, la résilience des territoires commerciaux en ruban le long des chaussées et nationales doit être analysée dès aujourd’hui. Car la mutation des terrains commerciaux risque d’arriver bien plus rapidement qu’on ne l’imagine et en fonction de l’évolution technologique d’entreprises comme Amazon, leader incontesté sur le marché. Nous donnons à peine 10 ans pour que les usages des clients changent, soit 2025-2028. À cette époque, c’est-à-dire demain à l’échelle de l’histoire de la ville, nous ne verrons plus d’intérêt à aller acheter des fruits et légumes de tous les jours, les fromages, la viande , dans l’hyper- ou le super-marché du coin. Par contre, nous prendrons probablement plus de temps à nous déplacer pour aller chercher les fraises de saisons ou les jus de pomme pressés bio et situés à 10 km de chez soi. Ce transfert de temps (contraint) sera possible par la capacité des leaders comme Amazon à venir nous livrer en temps et heure au pas de notre porte, par drones si vous avez une villa avec jardin, sur toiture des immeubles à appartements sur vous vivez en ville et par un livreur en camionnette avec un système de gestion d’autorisation spécifique de la clef de notre maison (remplacé par une empreinte digitale).
La technologie a toujours des impacts majeurs sur le développement des villes : après le train, ce fut les voitures, aujourd’hui la digitalisation de la société aura également de forts impacts sur la ville. La différence est que si le train a mis 50 ans pour couvrir toute la Belgique, les drones mettront 10 ans. Il est donc grand temps de commencer à réfléchir sur l’avenir des friches commerciales.
Pascal Simoens
Urbanisme et Architecte, Data Scientist
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