L’avantage de l’architecte c’est qu’avec des concours, il a l’opportunité (certaines fois) de penser le futur. Voici 6 ans, nous avions été sélectionnés pour repenser le rond-point Schuman et la liaison avec le parc du cinquantenaire d’un côté et la rue de la loi de l’autre côté.
A l’époque, nous avions proposé une réflexion tenant compte d’un monde que Bruxelles ne dévoile pas souvent, à savoir sa stratification verticale. C’est d’autant plus vrai qu’au niveau du rond-point Schuman, nous avons les voiries de surface, une autoroute, une gare de trains, une gare de métro, … Notre proposition radicale fut de construire un viaduc en béton et acier au-dessus du rond-point, le parc du Cinquantenaire et le parc de la vallée du Maelbeek situé au pied du Charlemagne (arch. Helmut Jahn).
Morceaux choisis : « Le rond-point Schuman et ses prolongements représentent les enjeux de l’Europe d’aujourd’hui et de la ville de demain. Sur la base de ces deux identités spécifiques, notre équipe a porté son attention à une réponse aux déclinaisons multiples. Un projet fort mais qui doit se vivre au quotidien pour en comprendre l’intensité et les fondements. Nous avons donc voulu lier l’impossible par la création d’un objet monumental mais à l’échelle du vécu humain. Une échelle qui aujourd’hui est complexe, multiple, voire dématérialisé. En cela, notre projet s’inscrit pleinement dans l’air du temps des mutations sociétales d’aujourd’hui. En ce sens, nous pensons que la monumentalité d’un lieu se fait aujourd’hui certainement par la force de sa composition mais surtout par l’attractivité de celle-ci pour les usagers. Que l’on soit bruxellois, habitant du quartier, fonctionnaire européen, touriste, ou président… notre espace ne devra pas laisser indifférent car il offrira potentiellement des sensations urbaines nouvelles pour garder sa force à travers le temps et les échanges culturels qu’un lieu de vie doit apporter. Par la création d’un espace monumental complètement ouvert aux usages que nous ne pouvons même pas imaginer encore aujourd’hui, il devra faire sens dans l’histoire. D’abord une histoire urbaine bruxelloise, ensuite la recherche d’identité multiple de l’Europe. Nous pensons avoir trouvé un juste équilibre entre la force génératrice d’un espace aussi symbolique que le rond-point Schuman tout en effaçant les traumatismes urbains d’hier en les assumant. » ;
Une passerelle piétonne : « SE RETROUVER DANS LA VILLE : UN AXE : Notre projet s’articule le long d’un axe. Un axe qui a une histoire qui a été perdue ces 40 dernières années. La création d’une passerelle piétonne n’est donc pas un geste gratuit. Il s’inscrit dans les usages urbains de la composition des grands axes bruxellois. Mais il aurait été trop simple, voire simpliste, de retranscrire un axe piéton alors que les enjeux et la fonctionnalité des lieux est devenue totalement autre. Nous assumons donc la modernité de la ville de demain en la transfigurant par la passerelle L’axe doit donc s’appréhender comme étant l’opportunité d’offrir à l’ensemble des usagers la compréhension historique par des aménagements résolument contemporains et innovants au regard de ce que la ville devrait nous offrir dans les décennies suivantes. Notre travail sur l’axe se décompose par le tracé au cordeau de l’une des faces dont l’objectif est écrit une perspective linéaire pour toute personne se situant soit, au-dessus soit, sous la canopée. À l’échelle de la loi, et toujours du regard du piéton, notre démarche structurelle pour cette ligne intangible a été de créer seule une épaisseur de poutre linéaire et adjoint par un garde corps le plus transparent possible. Cette démarche, particulièrement visibles depuis le Berlaimont et l’avenue de Cortenbergh définissent une démarche assumée et empreinte de poésie par l’émergence végétale sur l’axe. Par cette visibilité que nous recréons liens visuels entre la rue de la loi et le parc du cinquantenaire, le rond-point Schuman reprend sa place dans la composition urbaine de Bruxelles. Nous pensons que notre démarche devra permettre aux gens qui aujourd’hui, sont les acteurs de l’espace public de ce quartier, fera reprendre sens à la compréhension de l’endroit où ils se trouvent et donc de mieux comprendre la place de l’Europe à cet endroit. »
A l’époque, les membres du jury « international » ont trouvé que notre idée était saugrenue de « construire un pont sur une route pour pouvoir se promener ». Comme quoi, parfois on a tort d’avoir raison trop tôt… évidemment, on ne s’appelle pas MVRDV. Peut-être est-ce cela le problème belge : ce qui vient de l’étranger est meilleur que ce qui vient de chez nous ? Je vous laisse juge. »
En image : notre projet (Cooparch-RU, D+A Int., Flint Neil engeneering)
En autre Image : le projet de MVRDV qui vient d’être inauguré Séoul cette année et qui reprend les mêmes concepts! (DEEZEN)