
La puce quantique pour les nuls…
Rassurez-vous, à part une poignée de scientifiques dans le monde, à peu près tout le monde est nul en la matière. Cela n’exclut pas pour autant la nécessité de comprendre ce qui se passe actuellement dans les laboratoires pour comprendre ce qui va se passer demain dans le monde. Voici mon humble contribution à cette démarche de vulgarisation, étayée par de nombreux articles scientifiques.
Contextualisons :
Certains d’entre vous connaissent déjà les théories Trans humanistes de Ray Kurzweil, scientifique travaillant aujourd’hui pour Google (cela a de l’importance pour la suite de mon article) et défendant que l’intelligence artificielle (I.A.) aille supplanter l’intelligence humaine et, de fait, nous faisant passer dans un autre paradigme de l’humanité (pour en savoir plus sur les questions de l’I.A.). Ce bonhomme prédit l’arrivée de l’intelligence artificielle dans les années 2025-2030. D’autres scientifiques, plus nombreux, suggèrent plutôt l’arrivée de cette nouvelle intelligence vers 2030-2040, soit dans à peine une génération !

Parallèlement à cette théorie qui est certes polémique mais qui s’appuie également sur de nombreux faits techniques irréfutables, l’un des problèmes fondamentaux reconnus par tous est la limite physique des puces électroniques, révélée par la loi de Moore, Gordon Earle Moore, fondateur d’Intel en 1968 et qui avait prédit dès 1965, que la puissance des puces informatiques doublerait tous les 18 mois. Cette théorie avérée juste, n’a de limites que la physique même de la matière, les transistors actuels atteignant les limites physiques des particules. Nous sommes donc bien face à un problème crucial devant permettre de trouver un nouveau système de puces informatiques nous permettant d’accroitre nos besoins de gestion des données[1], et surtout, de calculs. Cela aussi est un fait, le nombre des données est exponentiel et n’a d’intérêt dans la recherche de nouvelles applications que si les ordinateurs sont capables de les traiter à partir des nouveaux algorithmes proposés par l’homme.
Loi de Moore, accroissement des ressources et des données informatiques By Christophe Coupé, mai 29, 2012Posted in: Séminaires de l’IXXI à Lyon
Vous aurez donc vite compris que la question de l’intelligence artificielle et les puces quantiques n’ont pas de relations de cause à effet, si ce n’est la question d’une temporalité similaire à un moment donné : les deux recherches auront des conséquences en parallèle.
C’est donc dans ce contexte qu’apparait le travail des recherches relatives aux puces et supraconducteurs quantiques et la question qui nous concerne ce jour est donc bien de comprendre « comment fonctionne une puce quantique » et ses implications. Malheureusement, la plupart des articles relatifs à ces nouveaux systèmes sont soit beaucoup trop scientifiques (ils se parlent entre eux), soit vulgarisateurs superficiellement, sans entrer dans le sujet du « pourquoi » et du « comment ». C’est donc non sans risque que nous allons essayer de nous atteler à trouver une voie médiane pour essayer de vulgariser cette technologie qui risque bien de changer votre vie et même, votre mode de pensée.
La puce (Hardware)
Une puce quantique ressemble comme deux gouttes d’eau à une puce normale car le mode de pensée de sa fabrication physique reste similaire à la puce au silicium. Par contre, elle chauffe beaucoup, voir énormément et c’est pour cette raison qu’elle est placée dans un cocon proche du zéro absolu. Cette approche de la chaleur nous permet déjà de comprendre qu’une puce quantique est un peu comme une Ferrari dans laquelle on met un moteur de F1 : elle peut avancer mais elle consomme beaucoup plus… !
Par analogie à la F1, la Ferrari ou la F1 roulent toutes les deux, et mieux encore, il n’est pas certains que dans le trafic des autoroutes européennes, la F1 soit le véhicule le plus performant par rapport à une autre voiture de tourisme. C’est également le constat fait sur les tests actuels des présupposées puces quantiques. De fait, ces puces ne sont pas nécessairement les plus performantes pour des calculs simples et il a été démontré par des sociétés telles que Lockheed Martin que leurs supers calculateurs pouvaient rivaliser avec les premières puces quantiques… jusqu’à un certain point. En effet, il semble que les puces de type « quantiques » soient bien plus aptes à calculer vite et bien à partir du moment où les calculs deviennent complexes (c’est-à-dire, pour nous, au-delà de l’imaginable[2]). Ce que vous pouvez donc retenir de ce point c’est que plus c’est compliqué, plus vite le système quantique trouve la réponse… ce qui est aussi souvent le cas des personnes intelligentes qui n’arrivent pas à faire un truc simple à la maison (ah bon, vous vous sentez visé ?).
La question qui suit est donc le « pourquoi » ? En fait, la puce s’appelle quantique parce qu’elle travaille dans les mêmes schémas que les questions de la théorie de la physique quantique.
MMMMhhhhh, il va nous embrouiller avec sa physique quantique !
Non, lisez ceci : la physique quantique est définie par Einstein (entre autre) et qui démontre que nous pouvons avoir plusieurs mondes en parallèle et que ces mondes peuvent communiquer. Jusque-là, tout le monde en a entendu parler. Au-delà de cette analyse, ce qui est intéressant, c’est de faire la comparaison avec un jeu de Bridge, ce qui nous permettra de comprendre également de comment calcule une puce quantique.

Dans le Bridge, l’important c’est que les partenaires sachent au mieux ce qui se trouve dans leurs jeux respectifs, même si ceux-ci ne sont pas visibles en tant que tels. Chaque joueur tâtonne jusqu’au moment où il comprend le jeu de l’autre et commence à interagir avec celui-ci pour gagner la partie. Mes amis de la Belotte (jeu similaire mais simplifié qui est particulièrement populaire en Belgique et dans le nord de la France) me comprendront. La puce quantique permet également ce travail de calcul en parallèle, par la création de mondes parallèles de modes de calculs propres à chaque monde.
Ces mondes en parallèles peuvent être comparés à un ensemble de serviettes en papiers superposées (la théorie des paquets ou la décohérence quantique). C’est dont une superposition de mondes, à la fois identiques et différents : toutes les serviettes sont de la même matière et, pourquoi pas de la même couleur). Pourtant, chaque serviette à sa propre vie sur une table.
Jusque-là, je suis certains que vous suivez… mais si, ce n’est que du papier (les serviettes !)
Imaginez ensuite que deux serviettes superposées reçoivent l’eau d’un verre renversé. A ce moment, les serviettes s’imbibent ensemble et donc travaillent ensemble. Elles sont également beaucoup plus performantes à deux qu’une seule pour absorber le liquide. De la même manière, la disposition des deux serviettes sur la table jouera un rôle dans leurs capacités communes d’absorption. Nous rejoignons donc ici la question de spatialisation de deux éléments qui ont un impact sur un résultat donné : deux mondes parallèles. Et si nous revenons à notre bonne vielle puce au silicium, la différence c’est qu’elle ne peut proposer aujourd’hui qu’une seule solution de superposition des serviettes. Si elles se trouvent au bon endroit au bon moment, elles seront aussi efficaces que les serviettes quantiques. Par contre, nous savons tous qu’il faut beaucoup de chance pour que ce soit le cas et que notre magnifique pantalon ne soit pas taché !
Bon, résumons : une puce quantique consomme beaucoup d’énergie et donc chauffe. Elle chauffe car elle superpose des calculs dans des mondes parallèles. Ces mondes parallèles s’interconnectent et selon ces interconnections offrent des nouvelles solutions à un problème donné dont souvent on n’aurait pas trouvé la solution autrement. Autrement dit, les principes quantiques créent leurs propres problèmes pour trouver leurs propres solutions.
Mais, il nous embrouille encore à nouveau…. !
Conclusion
Non, mais c’est bien toute la question de l’innovation qui est posée ici et qui, au passage, démontre à quel point nous sommes dans un basculement civilisationnel. La puce quantique n’est pas nécessaire pour l’homme dans son quotidien, par contre, la recherche scientifique a besoin de cette nouvelle technologie pour nous permettre d’avancer face aux problèmes que l’homme créée lui-même mais aussi de sa soif de savoir et de connaitre l’univers. Le siècle des lumières a posé les jalons de la connaissance par l’expérimentation de la science. Aujourd’hui, ces nouveaux modes de calculs nous permettent d’ouvrir le champ d’expérimentation encore inaccessible par les limites de nos systèmes de calculs : prenons l’exemple du voyage à la vitesse de la lumière et au-delà (article gurumed) pour nous en convaincre…
En outre, et à titre personnel, je reste convaincu que l’I.A. et la puce quantique sont intimement liés car la puce quantique permet à l’I.A. de gérer la complexité telle que nous le faisons naturellement en tant qu’Homme (et le Dr. G. ROSE qui travaille chez D Wave ne dit pas autre chose). Une complexité qui installe le doute, un doute qui permet de réfléchir de manière évolutive. Ce n’est donc probablement pas pour rien que Google qui s’est lancé dans la course effrénée vers la création d’un I.A. vient également d’investir dans la société DWAVE qui se présente actuellement comme la seule entreprise de fabrication de puces quantiques et dernièrement certifiées comme telles.

L’avenir nous dira ce qui en est réellement, mais si ce n’est pas demain, se sera après-demain.
PS : je ne vous au pas parlé de Qubits ? ce sera donc pour la prochaine fois 😉
Pour en savoir plus : « The Revolutionary Quantum Computer That May Not Be Quantum at All », Wired, by clive Thompson, 20 mai 2014
[1] En 2011, 5 exaoctets de données étaient générés tous les deux jours. Cela se fait désormais en 10 minutes seulement. Seules 0,5% de ces données sont analysées. Il n’y avait que 130 exaoctets de données dans l’univers numérique en 2005. Il devrait y en avoir plus de 40 000 à l’horizon 2020. En 2020, les données représenteront l’équivalent de plus de 5 000 GO par personne. En 2012, 35% de ces informations nécessiterait une protection, mais ce n’est le cas que pour 20% d’entre elles, source EDC, mandatée par EMC, 2012.
[2] Parce que chaque qubit peut assumer un tel éventail de valeurs, un tout petit nombre d’entre eux peut contenir une quantité folle d’informations. Ainsi, une mémoire à qubits diffère significativement d’une mémoire classique. Imaginez ce potentiel : seulement 100 qubits peuvent stocker 1 267 650 600 228 229 401 496 703 205 375 de nombres différents… Aucun ordinateur moderne n’est capable de telles performances. C’est cette grande capacité à assumer de nombreux états à la fois qui, en théorie, signifie que les ordinateurs quantiques peuvent fournir une puissance incalculable.
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