LIBERTARIENS, IA ET GOUVERNEMENTS : ENJEUX DE LA DEUXIÈME ÈRE TRUMPISTE ?

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mots-clés : Peter Thiel, Libertarien, Altruisme effectif, technologie, IA, silicon Valley, Politique, innovation, individualisme

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En bref : Donald Trump second est installé depuis 4 mois. Face à son ami Elon, d’autres libertariens font aussi de la politique avec un même but et certaines manières de faire. On fait le point ?

Chers lecteurs,

Le libertarianisme occupe depuis longtemps une position paradoxale dans le discours politique moderne : une philosophie ancrée dans la primauté de l’autonomie individuelle et de l’intervention minimale de l’État, mais souvent mêlée à l’ambition collective de remodeler les systèmes mondiaux. Nous nous baserons sur l’un des uniques interviews de Peter Thiel, avant les élections présidentielles, pour élargir le débat de cette philosophie politique. P. Thiel vaut environ 4 à 5 milliards de dollars. Il est le fondateur de PayPal, qu’eBay a racheté à grand prix au début des années 2000. Initialement, P. Thiel espérait de PayPal puisse permettre à chacun de ne plus avoir besoin des banques… ça ne marche pas à tous les coups. Ensuite, il a énormément investi en bourse et a perdu énormément en 2008, l’année où le capitalisme est mort et où le capitalisme cloud a gagné (dixit Yanis Vafouraki). Aujourd’hui, c’est toujours l’une des figures les plus énigmatiques de la Silicon Valley, il investit dans de nombreuses start up et espère que l’une d’elles changera le monde comme on pouvait rêver de changer le monde dans les années 50 et 60. Il incarne toutes ces tensions libertariennes et complexes de manière frappante, comme le révèle son récent entretien avec The Atlantic : Peter Thiel is taking a break from Democracy, Barton Gellman, 9 novembre 2023.

Libertarien et technophile

L’éthique libertaire de Thiel, façonnée par ses premières lectures d’Ayn Rand et de Friedrich Hayek, le pousse à croire en la décentralisation du pouvoir. Sa critique de la gouvernance moderne – bureaucraties envahissantes, stagnation de la réglementation et érosion des libertés individuelles – trouve un écho chez de nombreux libertariens. Cependant, la vision de Thiel va au-delà des idéaux libertaires traditionnels ; il s’agit d’un libertarisme technocratique qui cherche à créer la liberté par l’innovation. Ses investissements dans les technologies de pointe, de l’intelligence artificielle à la biotechnologie, témoignent de sa conviction que l’entreprise privée, libérée de l’ingérence de l’État, est le meilleur espoir de progrès pour l’humanité.

Cependant, la position de Thiel soulève des questions quant à l’application pratique de la philosophie libertarienne à l’ère moderne et ses dérives quelque peu totalitaristes « la fin justifie les moyens technologiques pour le bien de l’humanité » C’est ce que nous expliquons dans l’article L’altruisme effectif et ses avatars :  Si vous vous intéressez à l’IA, vous allez en entendre beaucoup parler cette année (5 février 2024). L’altruisme efficace critique les avatars technocratiques du mouvement, en soulignant que ces idéologies confondent souvent l’épanouissement humain avec des mesures de succès abstraites et basées sur des données. Cette critique s’applique également à la vision du monde de Thiel. Si ses investissements visent à démanteler les monopoles et à renforcer l’autonomie de l’individu, ils risquent également de créer de nouvelles hiérarchies de pouvoir au sein de l’élite technologique. Le dernier livre de Yánis Varoufákis, les nouveaux serfs de l’économie, est une lecture passionnante qui fait éco tant à l’altruisme effectif que l’approche libertarienne de Thiel qui, contrairement à ce que les européens pensent souvent, n’est pas une doctrine économique ou encore, un avatar du néolibéralisme, mais bien une pensée philosophique telle l’Utopie de Thomas Moore à la Renaissance.

Thiel explicite cela dans The Education of a Libertarian (5 avril 2009). Nous reviendrons sur une critique de ce pamphlet dans quelque temps avec un article dédié. Les libertariens comme Thiel occupent un espace unique dans le paysage idéologique mondial. Ils remettent en cause les paradigmes centrés sur l’État tout en s’appuyant souvent sur le capital collectif et les marchés mondiaux pour faire avancer leurs programmes. La Silicon Valley, où le libertarianisme s’est épanoui, sert de creuset à ces idées. C’est une région où la « perturbation » est valorisée et où les technologues se considèrent comme les architectes d’une société plus libre et plus efficace. Pourtant, le développement de l’intelligence artificielle dans cet écosystème souligne les limites des idéaux libertaires et a vu ces derniers mois de grands débats sur la nécessité de ralentir la recherche ou pas… Elon Musk n’étant partisan d’un ralentissement que pour reprendre son retard sur Open AI ! Il ne faut pas croire tout ce que vous dit Twitter…. Mmh, excusez : « X »

AI et politique.

L’IA, saluée comme la frontière de l’innovation humaine, incarne la tension entre la liberté individuelle et la gouvernance collective. Nous traitons souvent dans nos articles traitant de la question numérique et en particulier l’IA comment le développement de l’IA exige des niveaux de collaboration et de réglementation sans précédent. Le rôle paradoxal de Thiel en tant qu’investisseur libertaire apparaît ici : il défend l’innovation non réglementée, mais admet également que le potentiel de transformation de l’IA nécessite des cadres qui transcendent l’autonomie individuelle.

Cette dualité – liberté individuelle contre responsabilité collective – est au cœur du libertarisme.

L’interview de Thiel laisse entrevoir une évolution de sa pensée. S’il reste profondément sceptique à l’égard du pouvoir centralisé, il reconnaît la nécessité d’alliances stratégiques et de solutions pragmatiques. Ce changement reflète une tendance plus large parmi les libertariens qui sont aux prises avec les complexités d’un monde interconnecté.

And Next ?

La philosophie libertarienne, confrontée aux réalités de l’IA et à la vision technocentrique de la Silicon Valley, se trouve à la croisée des chemins. Des personnalités comme Thiel nous poussent à reconsidérer l’équilibre entre l’innovation et l’éthique, l’individualisme et le bien collectif. La question de savoir si le libertarianisme peut naviguer sur ce terrain sans compromettre ses principes fondamentaux reste ouverte et façonnera les contours de notre avenir. Si, si, NOTRE avenir, car tout ce qui se crée à San Francisco a un impact sur nos vies ici, en Europe.  Ce qui pose question c’est que P. Thiel est un pessimiste qui espère toujours que la technologie peu nous sauver, accessoirement nous rendre immortel. Aujourd’hui, il se désintéresse de la politique car il considère que les politiques de tous bords ne disent pas la vérité aux peuples et donc que les politiques qui s’en suivront seront nulles, voire inexistante. Ce qui ne fait que renforcer la conviction profonde du libertarien…. L’altruisme effectif n’est pas loin.

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Ph.D, Architecte et urbaniste, data Scientist, expert Smart Cities. J’ai commencé ma vie en construisant des villes en Lego, j’en ai fait mon métier. Geek invétéré, aujourd’hui je joins mes passions du numérique et de la ville au travers d’une expertise smart Cities et smart-buildings en travaillant en bureau d’étude (Poly-Tech Engineering) et j’enseigne cette même expertise à l’UMONS et l’ULB. Complémentairement, je suis membre du bureau et trésorier du Conseil francophone et germanophone de l’ordre des architectes, baron au sein du Conseil national de l’Ordre des architectes.

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