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mots-clés : écologie, politique, extrêmes, fakenews, conséquences
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En bref : après la catastrophe de Valence en octobre 2024, de nombreux mèmes dénonçant la démolition des barrages ont évoqué les raisons de la catastrophe. Dans cette seconde partie, nous allons analyser les conséquences politiques des Fakenews climatosceptiques.
Chers lecteurs,
Dans la première partie de cet article publié sur notre site le 7 janvier dernier, nous avons fait l’analyse du territoire valençois avec les facteurs humains qui ont contribué aux innodations et les critiques paradoxales qui ont suivi face à la catastrophe d’octobre 2024. Des critiques envers les approches écologiques de la gestion du territoire qui se sont confrontées au technosolutionnisme… menant à la catastrophe. Ce « Gloubiboulga » d’informations a fait émerger des Fakenews qui confirment la vision des personnes les plus précarisées par les changements climatiques. Nous allons aujourd’hui analyser les conséquences et vous allez constater une boucle infernale vers l’enfer de la catastrophe.
Je ne crois pas en l’écologie,
je vote pour l’extrême droite !

Derrière cette phrase il y a de nombreuses choses à dire. La première est qu’elle n’a pas de lien exclusif avec l’Espagne, contrairement au parti VOX, clairement d’extrême droite, même s’il s’efforce de se présenter sous une forme démocratique pour les élections. En effet, à visiter son site et sa page principale, il est difficile de ne pas comprendre ses tendances claires, extrait ci-dessous :

On notera au passage que, pour ce qui concerne les migrants illégaux, ils ne sont absolument pas contre la venue des migrants temporaires pour aller cueillir les tomates sous serres dans la zone d’Alicante, la fameuse « mer de plastique ». Mais ils ne peuvent rester, ensuite on les remballe. On appelle cela de l’esclavage, un détail. Mais revenons-en à nos moutons : Valencia.
Les élections espagnoles se déroulent globalement, comme en Belgique avec 3 niveaux de pouvoirs : l’état national, les régions autonomes (qui regroupent les questions communautaires) et les municipales. Nadia Khalil Tolosa, Professeure à l’université internationale de Valence, précise la situation : Le scrutin régional valencien a entraîné des changements importants dans la Communauté. Premièrement, la victoire du Partido Popular (droite) et de Vox a mis fin à une période de huit ans de domination de la gauche, durant laquelle le PSPV (le PSOE valencien) avait gouverné en coalition avec le parti régionaliste compromis et le parti de gauche Unides Podem (Unidas Podemos). Deuxièmement, le Parti populaire a repris le pouvoir après deux mandats complets dans l’opposition, bien qu’il doive maintenant partager les responsabilités gouvernementales avec le parti d’extrême droite Vox. Le PP gouverne ainsi au sein d’une coalition pour la première fois dans l’histoire de la Comunitat. Troisièmement, le parti centriste Ciudadanos et le parti de gauche Unides Podem ont perdu tous les sièges qu’ils détenaient auparavant au parlement valencien.Comme le montre l’encart « les données », le Parlement valencien, les Corts, compte 99 sièges ; le bloc de droite y dispose désormais d’une majorité de 53 sièges. Comme de coutume, les élections régionales ont été organisées en même temps que les élections municipales, où l’on a pu observer une tendance politique similaire : les conservateurs ont réussi à emporter de nombreux conseils municipaux aux dépens des socialistes et de leurs partenaires, y compris ceux des capitales provinciales de Valence et de Castellón ; ils ont également conservé leur majorité de gouvernements à Alicante.(…) Étant donné qu’aucun parti n’a atteint la majorité en sièges à lui seul, un accord de minorité ou de coalition était nécessaire pour former un gouvernement. Le PP et Vox ont finalement signé un pacte de coalition qui accorde une vice-présidence et trois ministères au parti d’extrême droite. On constate que le parti socialiste a augmenté ses sièges, une situation de plus en plus marquée dans les villes-bobo-ecolo-des-classes-moyennes-supérieures liées aux villes créatives dont je parle abondement sur mon site. Toutefois, la gauche augmente au détriment des autres franges de gauches, d’une part les écologistes, d’autre part Podémos, qu’on pourrait qualifier chez nous de « PTB écolo », je vous convie à lire l’article de César Aguado Renedo pour mieux saisir cette forme politique spécifique à l’Espagne (Podemos, une nouvelle manière de concevoir la politique, novembre 2015).
Politique et aménagement du territoire
C’est donc une coalition très à droite qui a fait majorité en communauté autonome Valencoise face à la coalition précédente située très à gauche sur l’échiquier politique. Nous vous invitons à lire un article de notre blog pour comprendre comment cette politique se traduisait à Barcelone (USECASE : Decidim.Barcelona, un partenariat public-commun, 28 avril 2022). Dans le cas de la communauté autonome de Valence, le précédent gouvernement avait décidé une politique active envers les risques climatiques. C’est ainsi qu’ils avaient prévu la création d’une protection civile régionale ainsi qu’un ensemble de systèmes d’alerte via SMS et autres plateformes de type WhatsApp, etc. À l’arrivée de la droite populiste au pouvoir, l’arrêt des financements de ces 2 projets fut l’une des premières décisions politiques du nouveau gouvernement.

Il est ensuite étonnant de constater comment s’est déroulée la catastrophe et plus particulièrement le manque d’informations du gouvernement envers les citoyens et habitants. C’est d’ailleurs cela qui a fait enrager, au sens littéral du terme, les habitants lors de la venue du Roi et du Premier ministre peu après la catastrophe. Une rage toujours présente aujourd’hui. Le second article de Directa que nous proposons à la lecture ( les 99 SMS qui n’ont jamais été envoyés, 02 décembre 2024) est symptomatique de ce problème que l’auteur (Jorge Mancebo) résume comme suit : Le Centre de coordination des situations d’urgence du Generalitat Valenciana a commandé en 2023 une équipe multidisciplinaire de messages de l’Université d’Alicante qui n’a pas été utilisé au cours du 29 octobre. Derrière cette phrase se pose deux problèmes :
- Le premier concerne l’anticipation des catastrophes naturelles
- Le second est qu’on ne peut les anticiper que si on accepte qu’elles existent.
Dans le cas des responsables politiques de la communauté autonome, on constate qu’ils n’acceptent pas le risque climatique, ni aucun risque. C’est d’ailleurs un fonds de commerce électoral pour eux. Ils restent donc cohérents avec leur propre politique, sauf que cette approche tue des gens.
Climatosceptique, de droite et précarisé

Si nous analysons les résultats par communes, on remarque que les territoires les plus touchés (cf. premier article) ont voté majoritairement à droite… Ce sont des territoires hybrides, entre ville et campagne, à urbanisation modérée, mais forte perméabilisation par consommation importante des terres. On remarque également que les villages fortement touchés sont à gauche, tout comme les centres urbains le long des axes de transports (le grand rectangle rouge). En revanche, le centre-ville de Valence bascule également à droite mais pas sa périphérie (2eme couronne).
Lorsqu’on croise les cartes avec les chiffres, on constate que de nombreux votants VOX sont dans la même zone. Le paradoxe de cette situation est que les « votants de bonne foi » se sont rapprochés de l’attractivité de VOX non pas pour des raisons racistes, mais bien climatiques. Ils considèrent que les politiques de gauche leur retirent des droits acquis, tels que l’accès aux villes pour les vieux véhicules, ou encore la réduction des terrains à bâtir consommables, ce qui fait inévitablement augmenter le prix de l’accès à la propriété. Aujourd’hui ils ont tout perdu, surtout des vies, car ils n’ont pas été prévenus par un système construit par la gauche et qui a été démantelé par une droite radicale.

On retrouve également ce type de profil, particulièrement dans le brabant wallon en nos contrées. Notre analyse empirique des pages Facebook comme « Non au totalitarisme vert ! » (créée en réaction au Covid-19, le 28 juin 2020), qui rassemble près de 9000 membres et dont l’administrateur partage sur les listes auxquelles il participe quelques principes simples (extraits du groupe politique Turquoise, 2019):
- Suppression des droits de succession
- Suppression de la TMC et arrêt des politiques anti-voitures
- Libre choix de l’école et de l’enseignement par les parents et étudiants
- Assouplissement des règles en matière d’urbanisme
- Arrêt de la distribution tous azimuts de subsides.
La question du brabant wallon n’est pas anodine. En fait, c’est le profil de « banlieusard » tel que défini en Belgique, c’est-à-dire avec des revenus qui permettent de quitter la ville (Bruxelles, Charleroi…) et s’installer sur des terrains en lotissement peu coûteux à l’achat, mais de plus en plus coûteux à l’usage par la nécessité d’avoir 2 ou 3 voitures par familles. Il est donc normal de demander à couper les subsides des transports en commun… Puisqu’ils ne les utilisent pas.

Nous précisons ici que la question n’est pas à droite ou à gauche, des exemples de politiques de droite dans les pays scandinaves ou, plus proches de chez nous aux Pays-Bas, permettent de proposer des solutions écologiques très pertinentes. Cependant, l’ADN de la droite extrême est climatosceptique ou, plus spécifiquement, conservatrice et donc technosolutionniste. Une approche que l’ensemble des experts réfutent, considérant que ce sont des solutions multi organisationnelles et structurelles qui permettent de répondre aux enjeux climatiques actuels et futurs. Malheureusement, les alliances duales sont de plus en plus fréquentes, marquant des tensions sociales de plus en plus fortes. Sans compter la montée de l’extrême droite dans la plupart des pays européens. On notera également que l’extrême gauche n’est pas en reste lorsqu’elle demande le parking gratuit dans toutes les grandes villes… entre autres à Charleroi.
Débat
Finalement, ces deux articles tentent de démontrer une situation que nous avions déjà anticipée au niveau de la mobilité avec le transfert des VT vers les VE. Dans notre article intitulé Le litre à 2.00 euros, what else ? Ce n’est pas qu’une question de portefeuille et voilà pourquoi c’est un problème ( 8 mars 2022) nous précisons qu’avant tout, c’était un lien fort entre le portefeuille et le territoire, paraphrasant André Gorz avec ses « bourgeois et leurs voitures » (1973), aujourd’hui, ces mêmes gens qui sont devenus bourgeois par leur propriété en périphérie des villes, deviennent pauvres parce que vivant en périphérie. De plus, ils risquent de tout perdre pour les générations suivantes avec des assureurs qui ne voudront plus les protéger car situés en zones à risques. Cette situation est une bombe à retardement politique avec un paradoxe incroyable : cette catégorie de population vote de plus en plus à droite alors qu’elle risque de perdre d’autant plus vite ses acquis à travers une politique très conservatrice. Bref, les politiques expansionnistes des années d’après-guerre doit maintenant payer l’addition. Tout le monde n’en a pas les moyens et va faire payer l’addition aux générations futures. Cela est difficilement acceptable sauf a générer des troubles sociaux importants et il incombe à tous les courants politiques et démocratiques de le prendre en considération.
Bonne et belle journée à vous.
pour complément : VALENCE, INONDATIONS, GENS, FAKENEWS : ANALYSES ET CONSÉQUENCES (partie 1 de 2)
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Pascal SIMOENS Ph.D, Architecte et urbaniste, data Scientist. Expert Smart Cities. J’ai commencé ma vie en construisant des villes en Lego, j’en ai fait mon métier. Geek invétéré, aujourd’hui je joins mes passions du numérique et de la ville au travers d’une expertise smart Cities et smart-buildings en travaillant en bureau d’étude (Poly-Tech Engineering) et j’enseigne cette même expertise à l’UMONS et l’ULB.
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