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mots-clés : China, demography, economics, models, immigrants
Chers lecteurs,
Pour entamer la rentrée… ou terminer les vacances, une petite mise en perspective comme nous les aimons. Cette mise ne perspective est celle Yi Fuxain, médecin obstétricien et gynécologue et chercheur sur les évolutions de la natalité et passionné par l’impact de la démographie sur les économies. Ses origines chinoises le poussent naturellement à analyser la démographie de la Chine et la comparer avec les modèles économiques traditionnels de développement des pays et d’indices de développement.
Son analyse est disponible sur la plateforme Project Syndicate, similaire à The Conversation, toutes deux offrant une visibilité aux chercheurs en présentant des articles de vulgarisation, mais néanmoins vérifiés. Toutefois, et pour être transparent, ces articles n’ont pas un caractère scientifique littéral, c’est pour cela qu’ils sont présentés comme des plateformes d’opinions.
Une chine qui ne sera peut-être jamais une superpuissance ?
L’auteur nous relate son analyse entre ce que « les états racontent » et la conséquence de la démographie spécifique chinoise. En effet, tout le monde connait la politique de l’enfant unique qui a été abolie en 2016. Toutefois, cette nouvelle stratégie démographique n’a rien changé et aujourd’hui, la chine présente un taux de fécondité excessivement bas de 1.0-1.1 par femme :
Selon le Bureau national des statistiques, la population chinoise a diminué l’an dernier pour la première fois depuis 60 ans, soit neuf ans plus tôt que prévu par le gouvernement. Le taux de fécondité (nombre de naissances par femme) est tombé à 1,0-1,1, bien en deçà des 1,8 prévus par les autorités. Le nombre de naissances a notamment chuté à 9,56 millions, soit le chiffre le plus faible depuis 1790.
L’auteur démontre dans son papier que la Chine est très attentive à la communication de ces chiffres, car ils peuvent remettre en cause leur objectif de suprématie, en Asie et dans le monde. Ainsi, l’ensemble des chiffres des rapports de l’ONU sont systématiquement gonflés de quelques millions de naissance.
Par exemple, une enquête par sondage de 2016 a montré un taux de fécondité de 1,25 et seulement 13 millions de naissances, un chiffre qui a ensuite été gonflé à 18,83 millions. De même, le rapport World Population Prospects des Nations Unies, généralement considéré comme une source fiable d’estimations et de projections des tendances démographiques chinoises, se trompe à chaque fois, sans exception.
Ce qui est plus sournois, c’est de comprendre le pourquoi de ce trafic de chiffres. Certes, si on est plus nombreux, on est plus fort et il suffit de regarder la guerre en Ukraine pour s’en convaincre, mais au-delà des chiffres démographiques, celle-ci impacte également les prévisions économiques. Ainsi, l’auteur précise son avis sur deux points :
- La démographie chinoise est déjà entrée dans un déclin démographique et un vieillissement de sa population avec plus de 15% de la population qui a plus de 65 ans (à comparer avec les 20% de la Belgique, Statbel 2023)
- Or, les modèles économiques mondiaux (OMS) démontrent que la croissance économique d’un pays décline en fonction du vieillissement de la population et que si votre population des plus de 65 ans dépasse les 7%, votre économie est cadenassée par un taux entre 1 et 3%. IL précise d’ailleurs un fait particulièrement intéressant : historiquement, aucun pays n’a réussi à atteindre une croissance de 4 % au cours des 12 années suivantes, après que les personnes âgées aient représenté 15 % de la population. Le taux de croissance moyen des pays à revenu élevé au cours de cette période n’est que de 1,8 %. Cela n’exclut bien évidemment pas certains rebonds comme faisant suite à la crise du Covid.
Globalement, le vieillissement de la population affecte la production, la consommation, l’entrepreneuriat et l’innovation, ce qui érode le dynamisme économique. Dans ce contexte, et avec une Chine qui tente de camoufler sa réelle pyramide des âges, l’auteur émet l’hypothèse d’une Chine qui n’arrivera jamais à rattraper les USA. Ce qui, vous l’avouerez, est un sujet très délicat. Le taux des « vieux » est de 16,2% de la population totale aux USA (US Census Bureau, SSA). Toutefois, ce chiffre n’intègre pas les migrants illégaux aux USA. Certaines données (What the data says about immigrants in the U.S., Pew Research Institute, Juillet 2024) permettent de tirer quelques éléments intéressants :
- 23% des immigrants aux US sont issus du voisin mexicain : 10,6 millions ;
- Le nombre de migrants illégaux aux USA a été mesuré en 2022 à +/- 11 millions
- 45% de la population américaine est née à l’étranger…
Dans le même temps, ces 11 millions d’immigrants illégaux sont à additionner aux immigrants régularisés /légaux. Pour mesurer potentiellement l’immigration, nous avons analysé le nombre de personnes nées à l’étranger et vivant aux USA. En règle générale cette population est plus jeune et aux USA , elle représente 13,5% de la population totale américaine.
A ce stade, vous devez vous demander où nous voulons atterrir. En effet, le Dr Yi Fuxain tente de démontrer que la Chine n’atteindra jamais ses objectifs de suprématie à cause d’une économie vieillissante (moins d’un milliard d’habitants en 2100 pour 1,4 milliard aujourd’hui). Pourtant, l’économie américaine présente également les mêmes caractéristiques concernant la vieillesse. Néanmoins, une différence notable est à signaler : l’immigration aux USA par rapport à la Chine. Les principales sources pour obtenir des données sur l’immigration en Chine incluent le Bureau national des statistiques de Chine et des rapports de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et selon cet organisme, le nombre de migrants internationaux en Chine en 2020 était d’environ un million. Le recensement de 2020 indique qu’il y avait environ 845 697 étrangers résidant en Chine. Ces chiffres comprennent les expatriés, les travailleurs migrants, les étudiants internationaux, et autres catégories.
Hypothèse
Nous nous souvenons du livre de Guy Spitaels, ancien président du parti socialiste en partie francophone de Belgique et avait édité au crépuscule de sa vie Chine – USA, la guerre aura-t-elle lieu ? (La renaissance du livre, 2007). Et déjà à l’époque à l’occasion d’un échange, nous avions échangé sur la problématique démographique qui était déjà sous-jacente à l’époque en Russie.
L’enjeu démographique est bien plus qu’un simple enjeu de natalité, il est un socle de stabilité économique d’un pays dans un modèle de croissance. Si on peut forcer les gens à ne pas avoir d’enfants (la Chine), il est bien plus difficile de leur demander d’en faire sauf dans les modèles de dictatures très fortes. Par ailleurs, l’enjeu du climat nous pousse à réduire la voilure.
Il y a un paradoxe dans le modèle mondial actuel : tous les pays et peuples aspirent à un meilleur niveau de vie. Ce niveau de vie est lié au développement économique et ce développement économique nécessite, en l’état, une croissance effrénée ou à minima soutenue. La croissance est basée sur la demande et la démographie est un des piliers de cette demande : plus de gens, plus de consommation. A situation égale, l’immigration est donc la seule solution de transition avant de trouver un nouveau modèle de développement pour les économies « riches ».
Dans le cadre de l’aménagement du territoire, ces questions se posent également avec la nécessité de restreindre les besoins de terrains à construire afin d’anticiper une faiblesse tant économique que démographique, mais aussi se pose le besoin de penser des architectures qui répondent aux nouveaux besoins de nouvelles populations.
Bonne et belle journée à vous.
Pour complément, les deux articles de référence :
China’s Demographic Achilles’ Heel, Pro Syndicate, Pro syndicate, Yi Fuxian, 24/10/2023
Is China Too Old to Get Rich?, Pro syndicate, Yi Fuxian, 24/10/2023
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Pascal SIMOENS Architecte et urbaniste, data Scientist. Expert Smart Cities. J’ai commencé ma vie en construisant des villes en Lego, j’en ai fait mon métier. Geek invétéré, aujourd’hui je joins mes passions du numérique et de la ville au travers d’une expertise smart Cities et smart-buildings en travaillant en bureau d’étude (Poly-Tech Engineering) et j’enseigne cette même expertise à l’UMONS et l’ULB.
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