RE-blog : La désinformation fonctionne bien grâce à une poignée de « superpartageurs » sociaux qui représentent 80 % de la source des FakesNews en 2020

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mots-clés : Fakenews, étude, université, influenceurs, femmes
, Texas, Arizona, Floride, élections, USA, 2020, Présidentielle, influenceurs

Chers lecteurs et chères lectrices,

Vous êtes particulièrement concerné par ce qui suit, ne serait-ce que parce que vous avez, sans aucun doute, l’un ou l’autre profil sur les plus grands réseaux sociaux comme Facebook ou X (Twitter pour les intimes). Aujourd’hui, nous allons vous relater 2 études, la première est une étude menée par le MIT et publiée le 31 mai dans la revue Science, vol 384, N° 6699 :

Quantifier l’impact de la désinformation et des contenus sceptiques à l’égard des vaccins sur Facebook (titre original en anglais), auteurs : J Allen, D. J. Watts, D. G. Rand.

Cet article analyse comment les Fakenews sur les vaccins pendant la période COVID19 se sont répandus et leur impact potentiel sur la réduction du nombre de personnes vaccinées (influence).

Quelques éléments à tirer de cette expérience :

  • Les Fakenews grossières n’ont pas d’impact majeur sur la population. Les auteurs constatent que ces nouvelles restent cantonnées dans un espace délimité d’influences marginales et de type « complotistes ».
  • Les nouvelles insinuant le doute sur les problèmes de vaccinations et développés par des médias principaux ont un impact important.

Les auteurs précisent que la « zone grise » des articles de médias importants, mais insinuant un risque de vaccination a eu un impact significatif sur la réduction de la population vaccinée. Ainsi, il faut comprendre que la recherche du titre accrocheur qui vous renvoie directement vers un « paywall », en d’autres termes un article payant, mais pour lesquels vous avez lu un titre accrocheur est bien plus délétère que les publications de comploteurs qui viendraient à transformer ou détourner une information.

Sur le territoire francophone belge, nous sommes également victime de ces put-a-clic ravageurs avec des éditions comme SudinfoPresse ou la DH les Sports qui n’hésitent pas à proposer des titres accrocheurs pour raconter des histoires sans aucun intérêt. Mon travail sur les réseaux sociaux confirme également que de plus en plus de lecteurs et lectrices de nouvelles diffusées dans des groupes ou Pages FB sont rarement lus et donc interprétés uniquement à partir du titre… accrocheur et parfois à l’opposé du contenu. Exemple :

L’objet étant une adaptation de la tarification et la rotation des parkings en centre-ville de Charleroi afin de permettre à certains commerces d’avoir plus de rotations en face de… leur commerce ou encore de libérer les places de parking minute devant… la gare.

Dans le même temps, un second article a été également publié dans la même revue et concerne le profil des diffuseurs de Fakenews et d’infos à forte discussions.

« Superpartagers » de fausses nouvelles sur Twitter, 30 mai 2024

D’une part, les auteurs précisent que les « super influenceurs » sont une poignée. Nous avions fait le même constat dans le cadre de notre article publié : Un pont trop loin : le nouveau pont des trous est un #fake, comment en est-on arrivé là ? (17 avril 2023) relatant l’action d’un influenceur qui avait ensuite rallié une poignée de personnes pour arriver à transformer un processus démocratique en tout autre chose pour la construction d’un nouveau pont à Tournai. Les auteurs ont traité les élections américaines de 2020 et ont constaté que les femmes blanches et les personnes âgées étaient surreprésentées (+ 60%) dans le panel des super influenceurs inscrits sur la plateforme Twitter et qui re-Twittaient les informations ! Elles vivent dans des quartiers assez pauvres, mais ont de bons revenus. Les caractéristiques de ces super influenceurs ou influenceuses sont de re-Twitter des informations erronées. Pour les USA, elles concernaient l’avortement et l’immigration.

Toutefois, le plus intéressant est de comprendre que la diffusion de ces informations fausses ou erronées se limite à 2.107 électeurs.trices pour l’ensemble de 3 états : Arizona (7.151.502 habitants, 2023), Floride (22.610.726, 2023) et Texas (30.503.301 habitants en 2023) . Ces influenceurs font partie d’u panel de 664.391 électeurs.

Deux constats de cette analyse reviennent à dire qu’il ne faut pas beaucoup de personnes pour mettre en place un modèle de fausses informations ou informations erronées à des fins de dégradation de la démocratie par l’installation du doute (pour les autres lecteurs). Les auteurs précisent d’ailleurs que Les voies d’accès à l’information ont considérablement changé au cours des deux dernières décennies. L’essor des médias sociaux en tant que vecteur d’information a créé de nouveaux défis pour les démocraties, car de larges segments de la société peuvent être rapidement exposés à la désinformation alors que d’autres ignorent que cette exposition a lieu. Il est fait par le constat que 80% des fausses informations circulent par quelques personnes. A cela peut s’ajouter le rôle de systèmes d’influence (nous pensons ici à des lobbys comme relatés dans notre article du 6 mars 2023 : Retour sur une « false context news » : la place de l’UE dans le monde et l’interdiction des véhicules thermiques en 2035) et plus largement la crainte des responsables politiques sur l’influence de la Russie pour les élections européennes. Et les auteurs de l’article de préciser que Les supersharers sapent un pilier clé de la démocratie délibérative – la représentation égale des voix dans un débat – en inondant la sphère numérique de leur contenu. S’il est fiable, leur contenu peut favoriser la fragmentation de la société en communautés de croyance disjointes. Le parallèle le plus proche avec le superpartage est sans doute l’utilisation de l’inondation d’informations par des gouvernements autoritaires comme stratégie pour contrôler et détourner l’opinion publique.

Picture taken on May 12, 2012 in Paris shows an illustration made with figurines set up in front of Facebook’s homepage. AFP PHOTO/JOEL SAGET (Photo by Joël SAGET / AFP) (Photo credit should read JOEL SAGET/AFP/Getty Images)

Notre analyse de certaines Pages et groupes FB sur la politique à Charleroi nous laisse présager des phénomènes similaires avec des mécanismes de remplissage des discussions avec des liens statistiques non contextualisés et de titres d’articles payants, mais suffisamment explicites pour laisser croise que le discours erroné soit autorité. Extrait : Au fil du temps, une exposition répétée peut avoir des implications à long terme, telles que la modification des normes de comportement acceptées. Bref, tout cela n’est pas innocent.

Discussion

Les experts d’analyses sémantiques des réseaux sociaux sont en train d’ouvrir une boite de pandore qui montre que les rôles de chacun dans le concert des plateformes est complexe et reconditionne les interrelations entre le citoyen et la Cité (au sens platonicien). La caverne n’est plus éclairée de la même manière et reconditionne de nombreux éléments sociologiques. Nous retenons de ces deux lectures qui confirment également nos propres travaux qu’il ne faut pas beaucoup d’influenceurs pour arriver à transformer l’opinion d’un nombre important de personnes. En même temps, les profils des personnes étudiées ne démontrent pas nécessairement que le terme « influenceur » soit à associer avec extrémiste, etc. Bien au contraire, le profil presque banal des super partageurs et partageuses ainsi que leur âge plus avancé démontre une population en première ligne de la banalité de la pyramide démographique et économique. Toutefois, ils sont très investis, peut-être faut-il alors analyser ces motivations pour comprendre le pourquoi ?

Bonne et belle journée à vous.

Pour complément : la source inspirant cet article de blog : Misinformation works, and a handful of social ‘supersharers’ sent 80% of it in 2020, Devin Coldewey, 30 mai 2024

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Pascal SIMOENS Architecte et urbaniste, data Scientist. Expert Smart Cities. J’ai commencé ma vie en construisant des villes en Lego, j’en ai fait mon métier. Geek invétéré, aujourd’hui je joins mes passions du numérique et de la ville au travers d’une expertise smart Cities et smart-buildings en travaillant en bureau d’étude (Poly-Tech Engineering) et j’enseigne cette même expertise à l’UMONS et l’ULB.

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