
Temps de lecture : 7 minutes
mots-clés : Urbanisme, Wallonie, soutenabilité, schéma de développement territorial, enquête publique, La Louvière, Binche, Soignies, Braine-le-Comte
Chers lecteurs,
En préambule
Voici donc notre troisième article sur l’analyse des rapports de mobilités futures sur les territoires qui sont aujourd’hui proposés à être requalifiés par la Région wallonne. Nous n’avons pas l’intention de décrier ce projet, bien au contraire. Notre intention est plutôt de définir les enjeux de la mobilité de demain qui apparaitront pour donner suite aux propositions incluses dans le SDT. Car au-delà d’un simple cercle autour d’une ville ou d’un village, c’est l’avenir immobilier de ces territoires qui sera en jeu dans un monde où les choses changent très vite. Et dans ce contexte, la mobilité ou plutôt l’accessibilité est l’enjeu majeur des 30 prochaines années.
En d’autres termes, et sur base de la proposition du GW et de la CPDT, nous proposons une analyse prospective des risques et potentiels des territoires. Nous avons sélectionné la question de la mobilité, car nous pensons que celle-ci sera celle qui impactera le plus les transformations des différentes manières d’habiter.
Les légendes et ce qu’elles signifient

Sur notre carte, nous avons diverses légendes. Premièrement, les légendes du SDT qui définissent les types de centralités :
- Les centralités urbaines de pôle : ce sont les grandes agglomérations composées de tous les transports en commun disponibles et avec une densité d’offres de mobilités importante. En d’autres termes, si vous vivez dans cette zone, vous trouverez à moins de 10 minutes à pied des transports qui vous amènent au centre-ville et ses services tels une grande gare, un aéroport, etc.
- Les centralités urbaines sont composées de territoires qui offrent une bonne accessibilité durant la journée pour vous rabattre vers les centres-villes métropolitains (Mons, La Louvière et Charleroi). Il n’est pas toujours facile de rejoindre le pôle urbain en un temps minimal, mais la connexion existe et est relativement fréquente. Souvent, ce sont des territoires moins denses et en connexion avec les pôles.
- Les centralités villageoises sont des regroupements de constructions par lesquelles il y a parfois un minimum de services. L’accessibilité est limitée et le plus souvent centrée sur la mobilité en voiture (VP ). Toutefois, ces polarités sont à nuancer, nous l’avons fait pour les analyses de cartes.
- Les cercles rouges sont les pôles connectés, dépassant le simple principe de densité. En effet, certains villages profitent encore d’un arrêt de gare SNCB. Nous constaterons que selon les territoires, le train est souvent très structurant… Il y a donc des villages bien connectés, mais qui, selon le nouveau SDT, verront leur densité limitée.
- Les cercles noirs et les maillages entre ceux-ci sont les centralités villageoises qui sont déconnectées. Souvent nous retrouvons ces territoires en formes de petites ou moyennes grappes. Plus la grappe est importante, plus les territoires risquent d’être déconnectés à moyen ou long terme, concomitamment à la réduction des capacités de mobilités en VP. Cela signifie que ces territoires risquent aussi d’être en décroissance d’habitants. D’un autre côté, ces espaces pourraient être privilégiés par des populations plus aisées qui recherchent des lieux apaisés face à la densité urbaine.
- Les cercles rouges en traits tillés sont des « no Man’s land », en d’autres termes des territoires perdus… s’ils ne sont pas connectés. Précisons que de nombreux villages ne sont pas repris dans les centralités villageoises, c’est entre autres les cas des villages du plateau thudinien sur le célèbre axe de la RN 54… jamais construite.
- Les flèches vertes sont les zones de liaisons de transports en commun à haut niveau de services (bus ou tram) que nous soumettons à la réflexion dans un cadre de temps de 10-15 ans. En effet, la mise en œuvre d’infrastructures de ce type prend du temps. Et dans ce temps, les mobilités vont se circonscrire de plus en plus par la raréfaction des moyens d’achat et de mise à disposition des VP dans les zones moins accessibles. Il est donc nécessaire de penser maintenant les transports de demain…
Méthodologie
Notre analyse se base sur une connaissance approfondie des territoires étudiés. Entre autres, nous avons été auteurs de projet du schéma de structure de Mons et Charleroi et nous avons réalisé de nombreuses études d’urbanisme sur l’ensemble de ces territoires depuis plus de 20 ans. Par ailleurs, nous travaillons depuis plusieurs années sur les mutations des mobilités en lien avec les capacités financières des personnes et face au changement de paradigme avec les voitures électriques. Nous vous renvoyons vers divers articles publiés sur notre blog pour étayer nos propos qui, par définition, ne seront ici que parcellaires.
Enfin, nous y vivons.
Analyse de l’agglomération métropolitaine de la région du Centre

La région du centre est un territoire entre-deux, très linéaire et orienté Nord-Sud. La ville de La Louvière en est indubitablement le pôle urbain essentiel avec deux pôles complémentaires : le premier se situe au nord, composé des villes de Braine-le-Comte et Soignies, est connecté aux réseaux RER de Bruxelles, le second est situé au sud-est offre une porte/interface entre le sillon houiller et la ruralité des plateaux thudiniens qui se prolongent jusqu’à Laon et Reims vers le Sud. C’est la ville de Binche.
La particularité de la région du centre est son histoire du réseau ferré, l’un des plus dense et articulé de Belgique. En effet, c’est le croisement entre un réseau nord-sud liant les villes vers la capitale et avec en tête de pont la gare terminus de RER de la capitale européenne, mais aussi un réseau est-ouest distribuant toute la Wallonie. Une situation également retrouvée au niveau de ses canaux et autoroutes. Certains appellent aussi ce territoire « le territoire des ingénieurs », tellement les infrastructures font partie du paysage.
Au niveau de la mobilité de demain (qui sera inévitablement moins orientée vers les déplacements privés en voiture), nous constatons que l’emprise du réseau ferré est essentielle pour l’articulation de la région du Centre. C’est l’enjeu majeur de demain : conserver ses gares et arrêts.
Entre les trois pôles, on constate un entrelacement de centralités villageoises, urbaines et de pôles…. De la même manière que les territoires sont entrelacés d’infrastructures. Il nous apparait fondamental que ces territoires entrelacés… le soient encore plus ! la ville de La Louvière, un un embryon de BHNS depuis de nombreuses années, sans pour autant avoir été réellement concrétisé, entre autres pour développer la branche vers strépy-Thieu ou Mariemont. Cette transformation est fondamentale pour garantir que l’ensemble des territoires soient bien desservis et que les transports en commun soient une alternative à des populations dans l’incapacité de renouveler leurs modes de déplacements privés.
Par ailleurs, d’autres flèches vertes sont proposées :
- Un prolongement de ligne BHNS jusqu’à Le Rœulx.
- L’extension du BHNS jusqu’à Chapelle-lez-Herlaimont, via Mariemont/Bascoup
- Le développement d’une ligne de transport structurante… sur l’axe de l’ancienne ligne de Tram, reliant Binche à La Louvière et passant par Trivières et Péronnes.

Ces infrastructures sont complémentaires au maillage ferré qui est la colonne vertébrale de la région du Centre. Toute réduction d’arrêts ou suppression de lignes risquent de déforcer la structure de territoire et donc appauvrir la région par des migrations de populations vers des territoires plus accessibles. On notera d’ailleurs que la ville de La Louvière présente une démographie assez intéressante depuis plus de 10 ans avec une croissance annuelle continue de 2,8%, mais qui est moins élevée que celle de la Wallonie (3.3%) ou la Flandre (5.5%), démontrant un potentiel fragile.
En conclusion, la région du Centre s’est développée au croisement de la Wallonie et de la capitale, grâce aux transports publics et chemins de fer. La parenthèse de 60 ans dévolue à la voiture privée touche à sa fin, mais a généré de nouvelles formes de territoires liquides. Ces territoires sont une base solide pour l’avenir et le renforcement métropolitain de la polarité centrale du Hainaut. Toutefois à deux conditions :
- Développer à l’échelle supracommunale de nouvelles lignes de bus à haut niveau de service
- Maintenir et renforcer l’attractivité du réseau ferré comme outil d’interconnexion, autant à l’échelle nationale que centrale.
Bonne journée et belle lecture à vous. L’épisode n° 4 sur l’agglomération carolorégienne est pour demain.
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Pascal SIMOENS Architecte et urbaniste, data Scientist. Expert Smart Cities. J’ai commencé ma vie en construisant des villes en Lego, j’en ai fait mon métier. Geek invétéré, aujourd’hui je joins mes passions du numérique et de la ville au travers d’une expertise smart Cities et smart-buildings en travaillant en bureau d’étude (Poly-Tech Engineering) et j’enseigne cette même expertise à l’UMONS et l’ULB.
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