
Chers lecteurs,
On entend souvent parler des migrations dans certaines régions d’Europe sans pour autant objectiver cette situation dans la réalité des chiffres. En outre, le regard sur ces migrations est toujours partiel et souvent limité à un territoire restreint (pays, région, ville). C’est pour cette raison que je ne peux m’empêcher de vous suggérer de lire cette carte extraordinaire sur les mutations démographiques de l’Europe entre 2001 et 2011 et à l’échelle des territoires communaux.
Un travail remarquable réalisé par le BBSR allemand (Institut fédéral de la construction, de la ville et du développement territorial).
« Pour la première fois, les scientifiques ont analysé les statistiques de la population se rapportant à de petites régions géographiques (unités administratives LAU 2 niveau local) pour 43 pays à travers l’Europe et cartographié les résultats. L’analyse était basée sur les données les plus récentes statistiques de la période 2001-2011 est disponible pour tous les pays étudiés. », extrait du site internet de la BBSR et relatif à cette étude, définition de la méthode de collecte des données.
Cette carte en apprend énormément sur le développement de l’Europe et si je vous renvoie au site de l’étude pour les analyses territoriales, je me permets d’en fournir quelques autres. Pour comprendre ce qui suit, il faut comprendre la lecture de la légende de cette carte avec les couleurs, le rouge étant une augmentation de la densité de population, le bleu étant, à l’inverse, un recul du nombre d’habitants dans les unités de communes. Les zones de couleurs peuvent varier de taille de manière significative selon les pays, démontrant des unités de référence très variable (pays nordiques vs territoires du Sud) :
- La banane bleue qui détermine le cœur économique de l’Europe (Angleterre, Benelux, Allemagne de l’Ouest, Italie) apparaît particulièrement stable avec une progression de la population de l’ordre de 1 à 2% par an. C’est relativement peu par rapport à certaines autres régions d’Europe, toutefois, ces chiffres sont à relativiser par la densité intrinsèque de ces territoires qui est déjà très élevée.
- Notons toutefois une augmentation plus significative du nord de l’Italie rejoignant ainsi la France et, plus généralement la côte méditerranée. On peut se poser la question de cette augmentation par deux facteurs conjoints : la migration des populations du sud de l’Italie vers le Nord et l’afflux des migrants africains et du Proche-Orient.
- L’Allemagne montre encore une fois sa problématique démographique et la diminution de sa population, certes légère, mais inéluctable et complétée par l’exode de l’Allemagne de l’Est qui reste très vivace.
- En Espagne, trois phénomènes sont à remarquer. Le premier concerne les départs du Nord (Galice et Asturies qui restent des territoires cul-de-sac). La deuxième démontre une attractivité de l’agglomération madrilène assez extraordinaire et au détriment du centre de l’Espagne. Enfin et troisièmement, la côte méditerranéenne montre son attractivité de villégiature…
- … une attractivité que l’on découvre également en France. Ce pays confirme qu’il va devenir l’un des pays les plus peuplés d’Europe, conjointement grâce à une natalité féconde et la migration des nouveaux arrivants, soit pour des raisons économiques ou de villégiature.
- L’Irlande, malgré la crise, a maintenu une croissance importante. Il faut relativiser ces chiffres au regard du nombre absolu d’habitants. En effet, 50 habitants en plus dans un village de 100 habitants sont plus importants que 10.000 habitants dans une ville de 100.000 habitants. Toutefois, si l’on inclut les effets de la crise de 2008 et qui ont dû être mesuré jusqu’en 2011, année de redressement de l’Irlande, force est de constater que le territoire se porte bien alors ‘qu’il n’est pas des plus hospitalier. Toutefois, n’oublions pas l’importance de sa localisation technologique, sur la route des métadonnées entre l’Europe et l’Amérique du Nord et qui fait de l’Irlande l’un des pôles technologiques les plus importants d’Europe.
Plus généralement, cette carte reflète bien l’évolution structurelle de l’Europe :
- Un regroupement de la majorité de la population vers l’Ouest et entre les deux latitudes nord de Barcelone et d’Amsterdam. Cette situation risquant de se confirmer avec les changements climatiques qui renforceront les évènements extrêmes plus au Nord et dans le sud de l’Europe. Ce regroupement renforce la France comme le cœur habité de l’Europe.
- Le renforcement des agglomérations urbaines à grande échelle, telles Madrid ou Barcelone ou encore, Varsovie ou Berlin.
- Une désertification complète des territoires « cul-de-sac ».
En tout état de cause, cette magnifique carte démontre que la planification territoriale doit aussi se penser à une échelle européenne, car elle permet le développement d’une approche contextuelle beaucoup moins nombriliste et donc pouvant être mieux orientée dans un contexte plus global du changement climatique ou des mutations industrielles en cours.