
Le métro-léger a eu le vent en poupe en Europe, mère originelle de ce mode de transport, et que les spécialistes conseillent pour des villes moyennes de 500.000 à 1.000.000 d’habitants. Plus particulièrement en France, les années 1990 et 2000 ont vu réapparaître le tram dans des agglomérations de moins de 500.000 habitants dans les villes telles que Nantes, Montpellier, Bordeaux ou Lyon, voir même dans des agglomérations de moins de 250.000 habitants telle que celle de valenciennes.

Le métro-léger présente la particularité d’une hybridation entre le tramway et le métro lourd. Il est à la fois en surface et généralement en rue mais offre une vitesse commerciale plus rapide que le tramway grâce à la création d’infrastructures urbaines plus lourdes, entre autres, la création de sites propres sur l’intégralité du tracé. Ce type d’infrastructure a parfois pour nécessité la création de tunnels ou ponts en cœur de ville comme ce fut le cas pour la ville de Charleroi en Belgique ou Porto au Portugal.

Le choix de ce transport était une évidence pour les élus : redéployer l’attractivité des centres villes en recréant une polarité renforcée par les transports en communs. En outre, pour des villes ou agglomérations de moins d’un million d’habitants, le système est beaucoup moins lourd que les investissements de métro lourd et offre également une flexibilité remarquable : la stratégie Montpelliéraine en est le plus bel exemple[1]. Notons toutefois que seuls quelques projets de métro légers ont été mis en œuvre dans leur intégralité en Europe (exemple de Charleroi et Porto), préférant souvent des solutions hybrides de TCSP amenant vers les centres villes, puis se mutant en simple tramway dans les cœurs historiques.
La comparaison entre les modèles américains et européens n’est donc pas simple. Toutefois, les grandes lignes de forces peuvent se rejoindre dans un tronc commun que je vous propose de partager ci-après.

L’article que je vous convie à lire est donc un article judicieux sur une analyse comparée des villes américaines (Buffalo, Portland, Sacramento, San Diego, San Jose) et l’impact du métro léger sur les déplacements et mutations urbaines. Il fait partie d’une série qui s’appelle « l’avenir des Transports » d’Atlantic Cities avec l’appui de la Fondation Rockefeller. Intitulé initialement « Have U.S. Light Rail Systems Been Worth the Investment ? » que l’on pourrait traduire par : « les investissements en tramways en valent-ils le coup ? »
Plus particulièrement, la question des Etats-Unis est liée aux rapports entre la périphérie et le centre-ville. Étonnamment (et c’est la raison pour laquelle je vous convie fortement à lire cet article), il est démontré que le métro léger n’a quasiment pas eu d’impact sur les modes de développements urbains périphériques. En d’autres mots, le tramway ne modifie pas l’attractivité du centre-ville pour les navetteurs de banlieue. Par contre, les zones desservies par ce mode de transports se sont développés car offrant une meilleure mobilité ; avec un impact sur la localisation des travailleurs en périphérie par rapport à l’accès intermodal du tram.
Cette étude peut laisser perplexe plus d’un urbaniste mais permet peut-être de déceler quelques lacunes envers les modèles d’implantation des transports en commun en site propres :
- L’objectif de régénération urbaine par l’implantation d’un TCSP semble maintenant une évidence, quel que soit le contexte, américain ou européen et c’est une très bonne chose. A cela, j’ajouterais que le tram crée une identité commune des habitants et la ville et cela est difficilement quantifiable mais a pourtant bien une valeur économique.
- Si le métro lourd est très coûteux, contrairement au métro léger, il a toutefois un potentiel de structuration des villes qui est beaucoup plus grand, tandis que le métro léger n’impacte l’économie territoriale que de manière très limités aux couloirs de circulation sur lesquels il s’implante.
Le métro léger a donc un rôle plus important d’identité territoriale que de structuration urbaine.

- Le métro léger/tramway ne modifie pas fondamentalement les modes d’usages et choix modaux des utilisateurs. La part modale des TCSP de ces 5 villes comparées aux 30 autres agglomérations américaines ayant servi de référence démontre que les ratios restent identiques et que les transferts se font à la marge et sont peu significatifs.
- Fondamentalement, le métro léger n’a pas pris de parts modales chez les travailleurs… ce qui explique parfois la difficulté de ces systèmes de transports à dépasser l’intérêt de son existence au-delà des heures de pointe souvent bondées alors que le reste du temps ils sont relativement peu fréquentés.
Ce constat pose question par rapport à l’ensemble des solutions souvent proposées de mise en œuvre de P+R aux abords des lignes de TCSP. Quelques exemples en Europe démontrent la réussite de ce modèle mais assorties de conditions drastiques implémentées complémentairement : augmentation drastique des coûts de parkings en centre villes, diminution du nombre de places de stationnement, mesures fiscales alléchantes, … Donc, le modèle n’est pas, en lui-même autosuffisant.
Pour rapidement conclure, les ingénieurs en mobilité avaient tort quand les urbanistes avaient raison. En tout état de cause, à la lecture de cette étude, si les métros légers créent plus d’urbanité, ils ne créent pas nécessairement plus de mobilité ! Un paradoxe.
[1] Le tram montpelliérain s’inscrit dans une stratégie urbaine élaborée dans les années 60 et l’arrivée massive des pieds noirs et l’immigration du Maghreb. Cette stratégie consiste au développement de nouveaux quartiers en périphérie avec l’implantation de bus en sites propres préconfigurés en infrastructures pour le tramway. Dans les années 80, Montpellier a dû anticiper une nouvelle croissance liée à l’arrivée massive de populations à l’âge de la retraite et désirant profiter du climat méditerranéen du golfe du Lion. Grâce à l’anticipation structurelle des infrastructures, Montpellier est aujourd’hui la ville la plus maillée de tramways.