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mots-clés : EPC, EPBD 2024, PEB, Belgique, Wallonie, Flandre, Bruxelles, open data, neutralité carbone 2050, gouvernance
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Article rédigé avec l’aide de l’IA : oui (GPT 4o)
En résumé : Le classement énergétique A-G varie considérablement d’un pays (et même d’une région belge à l’autre), rendant toute comparaison aléatoire. La directive EPBD 2024 impose enfin une méthode et une base de données nationales uniques, obligeant la Belgique à fusionner ses registres bruxellois, flamand et wallon. Mais l’objectif « neutralité carbone 2050 » ne sera crédible que si ces données EPC deviennent ouvertes : la transparence est le moteur indispensable de l’innovation, du financement vert et du suivi des rénovations.
Introduction
Chers lecteurs,
L’Europe est une tour de Babel et l’évaluation énergétique des bâtiments n’y échappe pas !Pour s’en convaincre, on peut regarder l’étiquette A-G que l’on voit fleurir sur les annonces immobilières, qui donne l’illusion d’un langage commun. En réalité, un logement classé A en Espagne peut consommer presque le double d’un A belge ou néerlandais ; inversement, la même maison peut perdre deux lettres en traversant une frontière. C’est la conclusion de l’analyse du groupement European DataWarehouse et joliment baptisée « Babel Tower of EPC » : chaque État membre fixe ses propres seuils, ses propres méthodes de calcul et – souvent – stocke ses certificats dans une base fermée ou régionale. (The Babel Tower of Energy Performance Certificate Ratings and …, s.d.). Résultat : les investisseurs, les banques et les autorités publiques ont des difficultés à évaluer les performances d’un parc éolien par rapport à un autre, à allouer des subventions ou à émettre des obligations vertes cohérentes. Dans le cadre de la montée en puissance de la Taxonomie et du DNSH pour l’évaluer, cela pose problème pour les entreprises qui investissent et voir pourrait créer une distorsion de concurrence.

La Belgique : trois régions, trois réglementations
Le cas belge illustre cette fragmentation :
- Bruxelles-Capitale exige un EPB (Energy Performance of Buildings) spécifique, différent des EPC flamand ou wallon, avec trois modèles selon l’affectation (neuf, existant résidentiel, tertiaire). (Energy Performance Certificates and Minimum Energy Standards)
- Flandre impose depuis 2023 un plan de rénovation accéléré : tout acheteur d’un logement E doit atteindre D en cinq ans, puis C (2028) et B (2035), sous peine d’amende. (Changes to the EPC in Belgium: what impact on your property …)
- Wallonie applique son propre barème et publie des rapports EPBD autonomes. (Implementation of the EPBD in Belgium – Walloon Region – 2020)
À ces barèmes s’ajoutent des codes couleur ou des classes qui ne se superposent pas d’une région à l’autre.
Il n’y a donc pas que l’Europe qui pose un problème, mais tout autant les régions. Et précisons qu’il n’y a pas de communautarisme voilé ici. En effet, ce problème est également reconnu dans des pays avec d’autres régions très autonomes, comme l’Espagne.
Un espoir : l’EPBD recast change la donne (24 avril 2024)
Adoptée le 24 avril 2024, la Directive (UE) 2024/1275 recadre le système :
- Article 19 : un modèle de building logbook et un schéma européen d’EPC (PEB) harmonisé.
- Article 22 : obligation pour chaque État de tenir une base de données nationale centralisant tous les certificats et les rapports d’inspection. ([PDF] Energy Performance of Buildings Directive (EPBD), CT2 – Building Renovation Passports and EPCs I CA EPBD)
L’ensemble de ces mesures d’harmonisation s’inscrivent toujours dans un objectif macro d’obtenir un parc immobilier zéro-émission d’ici 2050. ([PDF] Directive (EU) 2024/1275 of the European Parliament and of the …)
Pour la Belgique, cela signifie que les trois registres régionaux devront converger vers un référentiel unique, tout en conservant la gestion locale des contrôles.
Pourquoi l’ouverture des données reste décisive ?

Précision de la légende : Vert : disponibilité totale de la PEB à des fins de recherche, conformément au règlement général sur la protection des données (RGPD), sur une base régulière ; Jaune : accès limité à la PEB au niveau de chaque propriété ; Rouge : accès restreint à la PEB, réservé aux personnes autorisées enregistrées.
Harmoniser les métriques ne suffit pas ; les données doivent être librement accessibles : cela pourrait sembler secondaire et pourtant c’est essentiel. L’une des forces majeures de l’innovation aux USA est l’ouverture des données. Certes, et à titre individuel cela pose de grandes questions et génère des problèmes. Mais ici, il n’est pas question de cela : on parle de bien immobilier.
Les données ouvertes offrent de belles opportunités dans le domaine de la recherche afin d’améliorer les bases de données qui permettront plus facilement de calculer les ESG/RSE des entreprise, bilan carbone, etc. tout ce qui rend nos entreprises plus compétitives d’un point de vue environnemental. Toutefois, aujourd’hui, les entreprises sont dans le brouillard, sans données moyennes sur le territoire. (The benefits and value of open data | data.europa.eu).

La gouvernance sera fortement améliorée : il est souvent question d’économies dans les politiques publiques. C’est même une revendication populaire dans un pays comme la Belgique où le taux d’imposition dépasse les 50%. Toutefois, réaliser des investissements génériques est coûteux et rarement efficace. La Grande-Bretagne nous offre un bel exemple avec son open data (Energy Performance of Buildings Documentation – EPC Open Data) ouvert depuis 2020 et qui permet de mieux calibrer les prêts verts, tant pour le privé que pour le public. En fin de compte, un territoire très énergivore devrait pouvoir mieux rénover son bâti pour devenir plus résistant face aux aléas énergétiques des marchés internationaux. Un second avantage des bases de données ouvertes est de prédéfinir les moyennes et écarts types entre les bâtiments le plus mauvais et les meilleurs. Cela permet d’objectiver les résultats obtenus. Une comparaison tout aussi importante pour les pouvoirs publics que pour les entreprises, comme précisée ci-devant. ((CT3) Existing Buildings – Status in 2022 – CA EPBD V Databa).
En d’autres termes, pas de neutralité carbone sans transparence : rendre publics les EPC-B/PEB, c’est permettre à chaque acteur – citoyen, banque, chercheur – de mesurer le chemin restant vers 2050. (In focus: Energy efficiency in buildings – European Commission)
Dans un monde idéal…
Nous devrions fusionner les registres belges dans un guichet national API-first, tout en conservant les spécificités régionales (primes, contrôles). Publier en open data les PEB (anonymisés) pour stimuler notre écosystème : cartographie des passoires, scoring automatisé des prêts, jumeaux numériques territoriaux. Nous ne sommes pas nulle part et, contrairement à ce qu’on pourrait croire, la Région wallonne et Flamande sont de plus en plus avancées dans le domaine des données ouvertes. Le problème est plutôt dans les institutions locales sans compétences et sans moyens ni stratégies pour répondre aux enjeux des données ouvertes.
Conclusion
Le recast 2024 apporte enfin une grammaire commune aux EPC-B/PEB européens. Mais sans un choix fort en faveur de l’open data, nous risquons de transformer une tour de Babel réglementaire en… tour de Babel numérique. La Belgique – micro-laboratoire de diversité règlementaire – a l’occasion de montrer qu’il est possible de concilier gouvernance régionale, base nationale et transparence totale. C’est à ce prix que l’étiquette A-G deviendra un véritable levier de décarbonation et non un simple autocollant.
Nous continuerons de suivre attentivement la mise en œuvre de l’EPBD et l’ouverture des données : prochain rendez-vous, la publication des schémas d’API prévus pour 2026.
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Pascal SIMOENS Ph.D, Architecte et urbaniste, data Scientist, expert Smart Cities. J’ai commencé ma vie en construisant des villes en Lego, j’en ai fait mon métier. Geek invétéré, aujourd’hui je joins mes passions du numérique et de la ville au travers d’une expertise smart Cities et smart-buildings en travaillant en bureau d’étude (Poly-Tech Engineering) et j’enseigne cette même expertise à l’UMONS et l’ULB. Complémentairement, je suis membre du bureau et trésorier du Conseil francophone et germanophone de l’ordre des architectes, baron au sein du Conseil national de l’Ordre des architectes.
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