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mots-clés : Data, sécurité, villes, gouvernance, citoyenneté, Mexico, exemple, Charleroi
Chers lecteurs,
Voici quelques semaines et entamant l’année, je proposais de prendre à bras le corps le problème de sentiment/réalité d’insécurité à Charleroi. Pour y arriver, je proposais de changer de modèle et d’implémenter une approche de gouvernance dataïfiée. Aujourd’hui, nous allons parler de Mexico qui a réussi ce challenge.
Une stratégie des données pour sécuriser la ville de Charleroi, 23 janvier 2024

Prolongeons aujourd’hui cette démarche par l’analyse du WEF (World Economic Forum) sur la ville de Mexico qui a également traité de cette question à travers une nouvelle approche : les données. Cet article du 26 juin 2023 rédigé par Alfrédo Ledesma traite des mêmes questions et propos de notre article et montre que c’est possible de faire mieux, même dans une des villes les plus dangereuses au monde :
- En 2018, seulement 7 % des habitants de la ville de Mexico ont considéré la ville comme un endroit sûr où vivre.
- Depuis lors, la ville de Mexico a réduit la criminalité à fort impact de plus de 50 % à l’aide d’une nouvelle politique de données ouvertes dans le cadre d’une stratégie globale de réduction de la criminalité.
- Avec un meilleur accès aux données, les agences municipales peuvent accéder à des informations fines pour créer des politiques ciblées, et les développeurs d’applications utilisent les données pour cartographier non seulement la criminalité, mais aussi des itinéraires de transit plus sûrs.
- La politique d’ouverture des données a été soutenue par l’Alliance mondiale des villes intelligentes du G20.
En 2018, seulement 7 % des habitants de la ville de Mexico ont considéré la ville comme un endroit sûr où vivre. Depuis lors, la ville de Mexico a réduit la criminalité à fort impact de plus de 50 % à l’aide d’une nouvelle politique de données ouvertes dans le cadre d’une stratégie globale de réduction de la criminalité. Avec un meilleur accès aux données, les agences municipales peuvent accéder à des informations fines pour créer des politiques ciblées, et les développeurs d’applications utilisent les données pour cartographier non seulement la criminalité, mais aussi des itinéraires de transit plus sûrs. La politique d’ouverture des données a été soutenue par l’Alliance mondiale des villes intelligentes du G20.

Comment ouvrir ses données permet-il de réduire la criminalité ?
Nous alors vous proposer ici un exemple assez simple et vécu à Charleroi en fin d’année 2023 :
Utilisateur fréquent du parking Q-Park de l’Innovation (+/- 200 places en plein cœur de ville), je constatai sur les réseaux sociaux une certaine rage d’utilisateurs voyant leur voiture abîmée avec des bris de vitres. Quoi de plus normal alors que le parking est payant. La raison essentielle est que les portes d’accès sont en panne et laisse donc l’entrée à tout un chacun à pied… le 30 décembre 2023, je pus juger par moi-même de la situation avec le constat de 2 drogués qui se chauffaient leur petite dose au niveau 4 du parking. Nous sommes là face à un fait objectif : un parking sécurisé est devenu insécurisé à cause de la non-réparation des portes d’accès. Si cette donnée était « ouverte », la police en aurait été prévenue, mais pas seulement : les usagers également et d’autant plus, des échanges entre usagers auraient probablement un double effet « Kiss cool » et les gens changent de parkings en connaissance de cause. Le double effet est la présence plus localisée et donc efficace des policiers, mais également une pression des usagers face au manque à gagner engendré par la désertion du parking. Sans nul doute Q-Park se serait plus dépêché pour régler le problème. De même et à plus large échelle, le citoyen est un expert-usager qui peut exprimer des constats, mais également des solutions. En d’autres termes, le gratuit, ça peut rapporter gros : les gens s’expriment gratuitement pour améliorer le service et donc ils y gagnent aussi. Ce n’est pas par philanthropie que le WEF parle des données ouvertes !
Mexico : Un portail open data et des nouveaux usages

Le nouveau portail de données en ouvert a eu un effet transformateur sur la façon dont les organismes municipaux accèdent et analysent les données relatives à la criminalité. Il permet une meilleure coordination entre les départements et la création de politiques plus ciblées et axées sur les données qui se concentrent sur les « zones rouges » criminelles dans la ville. Je renvoie à mon premier article pour plus de développement.
Tout cela nécessite un véritable travail de fond et une nouvelle gouvernance : la donnée ne vous appartient pas, elle est la propriété des citoyens… la Cité au sens grec du terme.
Les informations qui n’avaient jamais été rendues publiques auparavant, telles que les délits de rue du Bureau du Procureur général, sont désormais accessibles à tous. Les universitaires, les entreprises et les organisations de la société civile peuvent accéder aux données pour créer des solutions et des innovations qui complètent les nouvelles politiques de la ville. Un exemple en est l’application réussie « Hoyo de Crimen », qui propose des itinéraires de voyage sûrs sur la base des données les plus récentes sur la criminalité au niveau de la rue, permettant aux gens d’éviter les points chauds de la criminalité lorsqu’ils marchent ou traversent la ville. Depuis l’introduction de la politique ouverte en matière de données – qui a contribué à une stratégie globale de réduction de la criminalité et de soutien social – la criminalité à fort impact dans la ville a diminué de 53 %, et 43 % des habitants de la ville de Mexico considèrent désormais la ville comme un endroit sûr.

Toutefois, cette stratégie s’est basée sur une éthique des données et une éthique des actions :
- Connaitre le problème
- La participation citoyenne est essentielle, ce n’est pas une option
- Les droits de l’homme sont notre guide
- Définir des objectifs communs
Complété par une approche projectuelle et systémique : arrêter de courir derrières est délinquants, les attendre là où ils vont arriver.
- Définir les objectifs (on ne pourra pas tout régler) par rapport aux causes reconnues (crimes et violences). En l’occurrence, la violence à Mexico n’est pas seulement les gangs ou la drogue, mais aussi la violence domestique ou sexiste.
- Enquêtes, statistiques et géolocalisations des données. En d‘autres termes, le renseignement. Aujourd’hui, la police dispose d’un sous-secrétaire au renseignement et aux enquêtes qui produit des informations pertinentes renforçant les activités de la police et la prévention de la criminalité. Aujourd’hui, la ville dispose d’une richesse d’enquêtes et de dossiers de police solides, qui ont permis d’arrêter des criminels et d’affaiblir les organisations criminelles les plus importantes opérant dans la ville. Cette nouvelle stratégie a apporté une contribution significative à la réduction du niveau de violence et a contribué à produire le taux d’homicides le plus bas de l’histoire depuis le début des statistiques systématiques sur l’incidence criminelle dans le pays en 1997.
- Renforcer la police. Outre le nombre, il est surtout question de la formation et de plus d’équité H/F, sans oublier l’augmentation des salaires.
- Coordonner : La ville est devenue maître d’œuvre, y compris pour la justice et à travers un travail quotidien du cabinet de sécurité qui a été très efficace pour identifier les priorités en matière de sécurité, échanger des informations (comme le permettent les lois en vigueur), suivre les activités criminelles à fort impact et coordonner les opérations. En d’autres termes, la gouvernance a changé. C’est l’un des piliers de la ville intelligente et digitalisée qui est de transformer les actions en silo par des actions transversales.
Les résultats se sont fait sentir en moins de 2 à 3 ans !
La réduction de la criminalité menée par la ville de Mexico n’était pas un processus simple. Après avoir mis en œuvre la politique initiale en matière de données ouvertes en 2019, ils ont reconnu qu’ils n’avaient pas de stratégie à long terme pour la divulgation des données et que le portail n’était pas utilisé comme on l’avait espéré.
En Wallonie, nous avons des gens et des institutions qui peuvent répondre spécifiquement à ces enjeux, sans oublier les universités. Alors, quand est-ce que la ville de Charleroi deviendra une ville modèle de la sécurité ?
Conclusion

Régler le problème de la sécurité semble possible si une ville comme Mexico y arrive. Toutefois, ce qui est essentiel dans l’exemple proposé, c’est le constat du changement de paradigme de la gouvernance. Notre schéma résume cela à l’échelle des la gestion générale des villes et applicable à tout projet transversal avec la particularité d’une réussite mesurée à la manière dont le citoyen est intégré dans le processus non seulement participatif, mais également décisionnel.
Bonne et belle journée à vous.
Pour complément :
- Global smart alliance
- How Mexico developed an integrated approach to citizen security, 25/10/2022
- After terror: how local governments can improve security without repression? 7/12/2018
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Pascal SIMOENS Architecte et urbaniste, data Scientist. Expert Smart Cities. J’ai commencé ma vie en construisant des villes en Lego, j’en ai fait mon métier. Geek invétéré, aujourd’hui je joins mes passions du numérique et de la ville au travers d’une expertise smart Cities et smart-buildings en travaillant en bureau d’étude (Poly-Tech Engineering) et j’enseigne cette même expertise à l’UMONS et l’ULB.
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