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mots-clés : Agence internationale de l’énergie, Data center, besoin énergétiques, pharmakon, scenarios, développement durable, IA, AI
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Article rédigé avec l’aide de l’IA : oui, ChatGPT 4.5
En bref : L’intelligence artificielle (IA) est en passe de transformer radicalement le secteur de l’énergie – non seulement par sa dépendance croissante à l’électricité, mais aussi par sa capacité à en optimiser la production, la distribution et la consommation. C’est ce que révèle le dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), qui dresse pour la première fois une cartographie complète des interactions entre IA et systèmes énergétiques à l’horizon 2035. Nous en faisons l’analyse après lecture.
Chers lecteurs,
Derrière les prouesses de l’IA générative ou des robots autonomes se cache une infrastructure gourmande : les centres de données (data center en bon anglais), véritables centrales nerveuses numériques. En 2024, ils consommaient déjà 1,5 % de l’électricité mondiale, et ce chiffre devrait plus que doubler d’ici 2030, atteignant 945 TWh – soit l’équivalent de la consommation annuelle du Japon. Les États-Unis, la Chine et l’Europe se partagent l’essentiel de cette demande, avec des clusters de centres très concentrés qui peuvent exercer une pression locale sur les réseaux. Tout cela est repris dans le dernier rapport de l’IEA (International Energy Agency) qui délivre son rapport ici.
Quelles énergies pour alimenter l’intelligence ?

Tout cela n’est pas rassurant, car le rapport explique également que, sans anticipation, ces besoins pourraient se heurter à des goulets d’étranglement dans le réseau électrique, avec des délais d’attente croissants pour les raccordements et les équipements stratégiques. Ici en Belgique est le plus bel exemple :
- D’une part, la Belgique se situe au centre du quadrilatère le plus important du transport des données au monde (Londres-Paris-Amsterdam-Francfort) avec une bande passante inégalée dans le monde (+ de 680 Gb/s). C’est pour cette raison que Google s’est installé en Belgique et bientôt Microsoft.
- D’autre part, notre politique énergétique est morcelée, complexe politiquement et déroutante pour tous les investisseurs. Néanmoins, le résultat est un réseau de distribution obsolescent où les opérateurs des réseaux (ORES et RESA en Wallonie) affirment aujourd’hui que les black-out sont un risque certain. Elia, gestion du réseau de transport à haute tension, s’en sort mieux, mais est confronté à une population qui ne veut aucun changement face à des systèmes de productions qui sont délocalisés par rapport à hier et évolueront encore plus demain, nécessitant de multiples interconnexions transfrontalières et régionales.

En d’autres termes, le territoire belge est fertile pour stocker la matière première des IA, les données, mais n’a pas d’eau pour les arroser. Plus globalement, le problème n’est pas mieux résolu dans d’autres parties du globe, mais peut être mieux planifié, tels la France, l’Allemagne ou les Pays-Bas et encore l’Angleterre.

L’IA au service du système énergétique
Loin d’être un fardeau, l’IA est aussi un levier d’efficacité sans précédent pour le secteur. Déjà utilisée dans le pétrole, le gaz ou l’électricité, elle permet d’optimiser les flux, de détecter les pannes, de prévoir la production renouvelable, voire de repousser la nécessité de construire de nouvelles lignes. En industrie, en bâtiment et en transport, l’IA promet des gains d’énergie massifs. Exemple frappant : dans les bâtiments (smart buildings), des systèmes intelligents (monitoring, etc.) pourraient permettre d’économiser 300 TWh, soit la production cumulée de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande.
Un accélérateur d’innovation… encore sous-utilisé.

Pour répondre à cette hausse, la moitié de la demande supplémentaire devrait être assurée par les énergies renouvelables, portée par la rapidité de leur déploiement et leur attractivité économique. Le gaz naturel et le nucléaire complètent le mix, notamment pour garantir la flexibilité ou répondre aux pics. L’AIE prévoit également l’entrée en service de petits réacteurs modulaires dès 2030… ce qui nous semble très optimiste lorsqu’on sait que la technologie reste balbutiante d’un point de vue industriel et que cela ne tient pas compte des demandes d’autorisations : imaginer un mini réacteur nucléaire à Saint-Ghislain ou à l’écopôle de Farciennes, alors que les constructions d’éoliennes ou de lignes à très haute tension posent déjà de nombreuses questions.
L’un des impacts les plus prometteurs de l’IA est sa capacité à accélérer la découverte scientifique. De nouveaux matériaux photovoltaïques, batteries ou technologies de captation carbone pourraient émerger bien plus vite, grâce à des algorithmes capables de tester virtuellement des millions de combinaisons. Pourtant, seulement 2 % des fonds levés par les start-ups énergétiques concernent des solutions exploitant l’IA. Le potentiel est immense, mais sous-exploité.
Toutefois, relativisons cette vision de l’agence : elle nous fait penser au scénario 4 de transition écologique proposé par l’ADEME : le pari réparateur qui fait confiance à la technologie pour résoudre l’ensemble des problèmes écologiques. Un scénario qui a le vent en poupe actuellement dans une grande » partie de l’Europe, tentant de déconstruire l’ensemble du pacte vert européen pour des raisons de « bon sens économique ». Il faut relativiser cette question sans pour autant la négliger. Nous paraphraserons Jean-Marc Jancovici qui s’exprimait récemment dans le grand entretien de France inter (19/05/2025) (podcast) et dont la vidéo est ci-dessous. Il précise que, lorsqu’on pose la question de « pourquoi investir massivement dans les EnR en Europe et appliquer la transition écologique aux entreprises ? » il rétorque que
« l’Europe n’a pas de matières premières, comme les USA, la Russie ou la Chine, donc, nous devons consommer le moins possible pour rester compétitifs ! ».
Tout est dit ! l’écologie, c’est rester compétitif dans un monde où les matières premières vont coûter de plus en plus cher et nous devrons les acheter aux autres, car nous n’en avons pas beaucoup chez nous, plus précisément 3% de l’énergie consommée en Europe est locale !
Risques : sécurité, climat, souveraineté
L’IA, pourtant, n’est pas sans risque. Elle pourrait accentuer certaines vulnérabilités : cyberattaques sophistiquées, tensions sur les matières premières critiques (comme le gallium, contrôlé à 99 % par la Chine), ou encore effets rebond sur la consommation (ex. : véhicules autonomes remplaçant les transports publics). Côté climat, si les centres de données pourraient émettre jusqu’à 500 Mt de CO₂ en 2035, les gains potentiels d’efficacité permis par l’IA restent conditionnés à des politiques volontaristes. L’enjeu de l’IA est un enjeu politique de premier ordre, mais surtout transversal : ce n’est pas que la question de l’énergie, c’est aussi notre capacité à ne pas dépendre des autres parties du globe.
Vers une stratégie concertée
Ce rapport sonne comme un appel : l’énergie et la technologie ne peuvent plus évoluer séparément. L’essor de l’IA nécessite une électricité propre, abondante et fiable. En retour, l’IA peut offrir au secteur énergétique les outils pour relever ses propres défis. Encore faut-il que gouvernements, énergéticiens et géants du numérique travaillent ensemble, anticipent les besoins, développent les compétences, et partagent les données. L’AIE s’engage à jouer un rôle de catalyseur dans cette transition. On leur souhaite beaucoup de plaisir…
En conclusion
Une nouvelle fois, l’analyse déconstruit la caricature. Ce rapport de 304 pages richement illustré démontre que le numérique est un Pharmakon en puissance et que cela dépend essentiellement des humains pour que l’IA devient un gouffre énergétique ou bien un outil raisonné pour gérer la lutte contre le réchauffement climatique. Malheureusement, et le rapport l’illustre parfaitement dans ses écrits dès l’introduction, le plus grand problème aujourd’hui, c’est le manque d’expertise dans le domaine, tant numérique qu’énergétique et les deux croisés. La capitalisation de la connaissance et des compétences permettra bien avant les infrastructures, d’organiser ces consommations. Toutefois, et alors que la construction ou la mobilité représentent entre 30 et 40% des problèmes de GES dans le monde, force est de constater que les gouvernement (en France et en Belgique) préfèrent s’asseoir sur les objectifs de transition environnementale des villes par le report des LEZ (Low Emission Zone)… au détriment des plus faibles (Re-Blog : les Zones à faibles émissions sont-elles inéquitables ? , 16/01/2025). Demain, et par le manque de choix politiques clairs sur l’énergie, nous risquons aussi de faire perdre les plus pauvres par le développement d’une IA accessible uniquement à ceux qui savent payer l’énergie nécessaire à les faire tourner.
Bonne et belle journée à vous.
🔍 À retenir :
⚡ Les centres de données IA vont doubler leur consommation d’ici 2030.
🌍 50 % de cette croissance pourrait être alimentée par les énergies renouvelables.
🤖 L’IA peut économiser l’équivalent de la consommation du Mexique via des applications industrielles.
🔐 Des risques en matière de cybersécurité et de géopolitique des matériaux sont à surveiller.
🧪 Le potentiel d’innovation énergétique est énorme, mais encore faiblement exploité.
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Pascal SIMOENS Ph.D, Architecte et urbaniste, data Scientist, expert Smart Cities. J’ai commencé ma vie en construisant des villes en Lego, j’en ai fait mon métier. Geek invétéré, aujourd’hui, je joins mes passions du numérique et de la ville au travers d’une expertise smart Cities et smart-buildings en travaillant en bureau d’étude (Poly-Tech Engineering) et j’enseigne cette même expertise à l’UMONS et l’ULB. Complémentairement, je suis membre du bureau et trésorier du Conseil francophone et germanophone de l’ordre des architectes, baron au sein du Conseil national de l’Ordre des architectes.
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