
Photographie: Krause, Johansen / Frédéric Chaubin
Mots clés : architecture, béton, brutalisme
Temps de lecture : 10 minutes (vidéo)
Je suis particulièrement fan de l’architecture brutaliste, mais en fin de compte, que représente ce style ?
Mon objectif ne sera pas ici de faire un cours sur ce mouvement architectural qui prit un essor phénoménal avec la maitrise parfaite du béton et la reconstruction d’après-guerre dans les années 1950 et 1960. Je n’en n’ai pas les compétences et connaissances. Toutefois, et en préambule du voyage que je vais vous proposer sur ces quelques lignes, certains architectes qui ont formé mon ouverture à l’architecture pendant mes études et perpétuent cette lignée (Rem Koolhaas …) m’accompagnent encore aujourd’hui et avec bonheur même si parfois un peu baroques !
L’architecture brutaliste se base essentiellement sur l’usage du béton, mais pas de manière si brutale que les modernistes l’ont proposé, au contraire. Les bâtiments qui ont réussi à traverser le temps (car il y en a énormément qui ont déjà été démolis) nous dévoilent une sensibilité à la lumière, aux textures, aux contrastes des matériaux (bois-béton p.e.) assez extraordinaire. Le Béton a pour seul objectif de découper les espaces en creux dans une volumétrie souvent plus expressive qu’il n’y parait. Pourtant le test de W. Rybczynski (auteur et critique d’architecture nord éméricain) ne se trompe pas lorsqu’il précise qu’il suffit de demander aux gens s’ils haïssent cette architecture. Si la réponse est « oui » alors c’est de l’architecture brutaliste, tellement elle semble incomprise si elle n’est pas vécue. D’ailleurs, certains bâtiments de Louvain-la-Neuve (Jacqmain) sont de ce gabarit et il suffit de la vivre au quotidien pour se rendre compte qu’elle offre tellement d’opportunités de s’évader du quotidien face aux architectures stéréotypées d’aujourd’hui.

C’est aussi une architecture qui s’installe dans le paysage urbain ou la colline. Sa force souvent monumentale permet un dialogue entre la construction humaine et la nature. Une démarche qui, si elle reste atypique en Europe, prend une tout autre dimension sous les tropiques comme nous le démontre l’architecture d’O. Niemeyer, mais aussi certaines œuvres de Brasilia. Tous ces éléments et l’époque pendant laquelle ils ont été construits sont en train de disparaître sous l’échafaud du développement durable : soit le bâtiment est rasé, soit on l’enrobe et on le transforme, un peu comme si on vous offrait un grand Bordeaux dans une bouteille en plastique. Ce fait de société risque, dans les années à venir à encore s’accroitre sous la sacrosainte raison durable en opposition aux années d’or du 20e siècle. Il est encore temps de se réveiller, mais de justesse.
En Belgique, j’aimerais citer deux bâtiments remarquables encore debout : Le Musée Royal de Mariemont et l’internat du Collège de l’abbaye de Floreffe tous deux œuvre de Roger Bastin et qui exprime tout ce que le brutalisme peut amener comme dialogue, certes fort, entre la nature, l’architecture et l’expression de la fonction.




Mais finalement, l’enjeu est de ne pas perdre ce patrimoine comme l’a déjà fait la Belgique avec l’art nouveau et particulièrement les œuvres d’Horta (Art Nouveau). IL serait judicieux d’y prêter plus attention dans l’architecture du quotidien (ce qui peut sembler antinomique avec une architecture monumentale), mais par « quotidien », j’entends la question de l’architecture des bureaux qui fut fortement exprimée par les brutalistes dans les années 1960. Cette architecture est peu respectée alors qu’il raconte tout un pan de notre histoire de l’après-guerre. Et je ne vous parle pas ici de la dégénérescence du style moderniste et international qui a produit les horreurs du moment. Non, c’est justement les architectures que les architectes ont dessinées et convaincu leur maitre d’ouvrage de travailler l’espace plus que la rentabilité, source finalement d’une meilleure productivité. Un travail qui a déjà été entamé par l’éditeur Blue Crown Media, éditeur indépendant de cartes, a sorti quelques cartes de Londres, Boston, Tokyo. À quand une carte pour les villes belges et françaises ? L’objectif étant de faire prendre conscience de cette qualité rare qui fait qu’un bâtiment devient de l’architecture.
Pascal Simoens, Urbaniste et architecte, Data Curator.
Autres sources bibliographiques :
En images : les superstructures soviétiques subversives de Frédéric Chaubin
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